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12/11/2015

Sorray, le retour au monde de Gérard Duhaime

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Sorray, le retour au monde de Gérard Duhaime, Tryptique, 2014, 222p.

 

La vie dans le Grand Nord est à l'image de son climat et de la course du soleil : aride, fragile, parfois violente, heureusement lumineuse par éclats. Dans cet environnement, Willie connaît la cruelle solitude des familles détruites par l'alcool et le désamour. Sa mère a tenté de fuir un mari tyrannique mais les retrouvailles ont été plus virulentes que jamais. L'une est morte, l'autre est en prison. Son frère aîné se laisse aller dans les stupéfiants et un désespoir sourd. Willie se retrouve seul livré à la nature avec son chien jaune. Mine de rien, Lucassi veille au grain pour épauler au mieux le garçon sans trop en avoir l'air. Mais Willie ne veut rien entendre de l'aide des adultes : il en a trop soupé et tout le monde finit toujours par le quitter. Celle qui parvient à ouvrir les portes, tout doucement, c'est Sorray. Venue d'ailleurs mais pourtant semblable à la communauté du village, elle cherche à recomposer la longue existence des plantes pour mieux comprendre le passé et l'avenir. Parce qu'en somme, c'est de la terre que vient toujours la réponse à toutes les questions humaines.

"Le grand-père avait dit autrement ce que Sorray pensait : que la terre raconte une histoire, et que l'histoire donne un sens à la vie" p. 64

3ème pioche dans les livres de Topi ; 3ème lecture québécoise de novembre. Et voilà que l'on s'envole dans les territoires lointains du grand froid où vivent de pêche, de chasse et d'entraide une communauté hétérogène de blancs et d'autochtones. Un passé lourd suinte entre les mailles du quotidien tandis que chacun tâche de faire du jour un nouvel espoir pour le lendemain. Dans ce contexte difficile, Sorray est le pont : d'une famille métisse, elle est autant attachée aux traditions héritées de sa mère qu'à la rigueur toute scientifique de son beau-père. Elle les perpétue toutes deux dans sa quête des plantes pour faire parler les vérités du monde et amener la conscience qu'une nouvelle ère est possible. Gérard Duhaime, fin connaisseur des réalités des communautés polaires et autochtones, livre un regard néanmoins distancié et plein de sagesse par la voix de Sorray. Malgré une intrigue plutôt cousue de fil blanc, il faut bien l'avouer, il offre au lecteur une écriture emprunte de douceur et de bienveillance poétique. Un récit assurément moins sombre que ce qu'il m'a été donné de lire dans ma besace magique de littérature amérindienne. Bien que pleinement lucide, Duhaime observe et conte d'un autre versant : celui d'un non-autochtone qui aimerait réconcilier ce qui a longtemps été opposé.

"Elle fermait parfois les yeux, offrant son visage au souffle du vent léger : l'air froid la remplissait de sérénité. Chaque fois qu'elle repérait quelque vie au sol, lichens asséchés agrippés aux pierres, arbrisseaux aux bourgeons prometteurs, petites tiges mortes de graminées que l'hiver avait laissées debout, crottes de lièvres, pistes de caribous, son parcours s'arrêtait. Elle se penchait au-dessus de chacune des découvertes. Elle les examinait avec attention et, une à une, les ajoutait au portrait de la vallée qu'elle composait.

Sa course l'avait entraînée sur la rive du fleuve. Lentement, elle avait descendu la falaise rocheuse menant à la plage. Depuis la limites des marées hautes jusqu'au fleuve lui-même, c'était un champ de blocs gigantesques détachés de la banquise, aux tons translucides de lait, d'écru et de cobalt, aux arêtes adoucies par le début du dégel." p. 43

 

Québec en novembre.jpgQuébec en novembre 2015 chez Karine et Yueyin

3ème participation