La petite marchande de proseLa petite marchande de prose2021-10-06T14:06:37+02:00All Rights Reserved blogSpiritHautetforthttp://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/Estrella Oscurahttp://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/about.htmlLittle de David Treuertag:lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com,2020-05-20:62400852020-09-27T20:36:12+02:002020-09-27T20:27:00+02:00 Ce roman choral, premier roman de David Treuer, développe la vie de...
<p style="text-align: justify;"><img id="media-6135585" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/media/02/02/1884421919.2.jpg" alt="Little.jpg" width="281" height="435" /><strong>Ce roman choral, premier roman de David Treuer,</strong> développe la vie de plusieurs personnages entre le début du XXème siècle et 1980 dans une réserve indienne du Minnesota et plus précisément dans le lotissement bien nommé de Pauvreté. Le point de départ du récit est l'enterrement de Little dont on n'a pas retrouvé le corps, un garçon de huit ans qui ne parlait pas ou à peine - ce <em>Toi</em> jeté de façon brutale était son seul mot. Cette tombe vide résonne comme une absurdité douloureuse à l'esprit de tous. Chaque personnage tour à tour, en découvrant son passé et son présent, va tenter de redonner sens et corps à Little - non pas vie, car ce qui est mort ne peut être ressuscité mais ce sens et ce corps nécessaires pour que le deuil se fasse et pour que la vie de ceux qui restent continue. Ainsi, le roman se termine sur une éclosion - comme la métaphore d'un cycle éternel jusqu'ici enrayé de souffrances et que le pouvoir créatif de la langue, entre autres, permet de relancer parce qu'il aide à se rappeler, à comprendre, à transmettre, à aimer, à pardonner, à construire et à inventer aussi.</p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: book antiqua, palatino, serif; font-size: 10pt;">Dans les années qui ont suivi, nous avons tous, à Pauvreté, embelli nos histoires sur Little, nous leur avons donné des ailes et nous les avons laissées s'envoler. Et comme il y avait si peu à raconter, elles ont pris le départ, elles sont parties tout là-haut, en décrivant des cercles et, comme les pissenlits, elles n'ont jamais plus jamais touché terre. </span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><strong>Non seulement l'histoire mais plus largement le propos soutenu par une construction métaphorique intelligente et subtile sont très intéressants</strong>. Néanmoins, je me dois de reconnaître que je m'y suis fréquemment ennuyée. La langue en tant que telle ne m'a pas follement emballée et je pense malheureusement que ma lecture de ce texte, pourtant clairement précurseur dans son genre puisqu'il est paru en 1995 aux États-Unis intervient dans ma vie de lectrice après de nombreux autres textes construits peu ou prou de la même façon et sur le même sujet. Du coup, je n'ai pas eu le saisissement des découvertes et tout m'a semblé au contraire très transparent. Il n'en reste pas moins que c'est vraiment un très bon premier roman et que je continuerai évidemment à lire David Treuer. A ce sujet, si vous n'avez jamais lu <em><a href="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/archive/2018/12/19/le-manuscrit-du-docteur-apelle-de-david-treuer-6114287.html"><strong>Le manuscrit du docteur Apelle</strong></a></em>, je vous encourage à vous pencher dessus : il avait été, pour le coup, un vrai coup de cœur !<br /><br /></p><p><img id="media-6026839" style="margin: 0.2em auto 0.7em; display: block;" title="" src="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/media/02/00/1876841441.jpeg" alt="nos étoiles contraires,john green,amour,cancer,roman,littérature,une impériale affliction,voyage,amsterdam,mort" width="291" height="190" /></p><p style="text-align: center;"><strong>Le mois américain <a href="https://plaisirsacultiver.com/">chez Titine</a></strong></p><p style="text-align: justify;"> </p>
Estrella Oscurahttp://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/about.htmlSur un air de navaja ou The Long Goodbye de Raymond Chandlertag:lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com,2020-09-09:62623602020-09-12T19:05:23+02:002020-09-17T07:00:00+02:00 Philip Marlowe est LE détective privé de roman noir par...
<p><img id="media-6168937" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/media/00/02/1769061385.jpg" alt="The long goodbye.jpg" width="280" height="462" /></p><p style="text-align: justify;"><strong>Philip Marlowe est LE détective privé de roman noir par excellence :</strong> chapeauté, solitaire, à moitié alcoolique et toujours dans les plans foireux. L’affaire de ce roman-ci, d’abord titré <em>Sur un air de navaja</em> puis réédité sous son titre original <em>The Long Goodbye</em>, ne déroge pas à la règle.</p><p style="text-align: justify;"><strong>Philip Marlowe, donc, rencontre un soir Terry Lennox,</strong> espèce d’épave complètement avinée, qui vient de se faire éjecter d’une voiture par sa compagne. Ça s’engage à l’évidence assez mal pour ce jeune homme aux cheveux prématurément blancs et Philip Marlowe décide de jouer les bons samaritains en lui portant secours. De fil en aiguille, les deux hommes lient connaissance et prennent régulièrement l’apéro ensemble – c’est-à-dire <em>très </em>régulièrement et quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit - non parce qu’on va quand même se lester de préoccupations d’ordre alcoolémique. Comme c’était prévisible, au bout d’un certain temps, Terry Lennox à moitié dépressif, se colle salement dans le pétrin et appelle Philip Marlowe à l’aide, qui répond encore une fois présent. A partir de là, c’est le début d’un grand n’importe quoi où un suicide puis deux forcent Marlowe, très désabusé – si seulement on pouvait lui foutre la paix, c’est à peu près tout ce qu’il demande - à aller faire ce qu’il fait de mieux : fourrer son nez dans le linge sale d’autrui pour démêler le vrai du faux.</p><p style="text-align: justify;"><strong>Sans l’ombre d’une ambiguïté, on est jusqu’aux genoux dans le parfait polar noir américain des années 30 à 60 –</strong> celui-ci est paru en 1954 : le détective privé coche toutes les attendus du genre, comme je vous le disais un peu plus haut, Los Angeles apparaît à la fois comme la ville de tous les feux et de toutes les bassesses, les flics sont des ordures finies, tout le monde picole et les personnages féminins sont des sosies flamboyants et vénéneux de Veronica Lake. Ce genre-là, définitivement, une de mes friandises littéraires préférées. C’est codifié, cynique et désabusé à souhait, à l’image du détective narrateur qui est au bout de sa vie du début à la fin. Dès la première page, on est projeté par on ne sait quelle autosuggestion magique dans l’atmosphère enfumée d’un bar louche qui joue du jazz et c’est absolument jouissif de lire ainsi les chapitres, rythmés par un solo de saxophone imaginaire qui ne nous quitte plus. C’est purement et simplement la carte postale fantasmée d’une époque qui n’existe que dans un coin de notre imagination et le cinéma. A cet égard, si vous ne le savez pas, Marlowe a été immortalisé sur la toile par le génialissme Humphrey Bogart et, forcément, c’est délicieux comme une larme de tabasco dans un shot de Tequila.</p><p style="text-align: justify;">Je ne saurais vous en dire beaucoup plus sans déflorer toute l’intrigue qui est ici particulièrement bien troussée. J’ajouterais tout de même cependant qu’une des grandes qualités qui fait de Raymond Chandler un des maîtres absolus du polar noir est son ironie critique magistrale. Il sait qu’il reprend des poncifs éhontés – Dashiell Hammet, entre autres, est passé bien avant lui – et il n’essaye pas de nous les faire avaler tels quels. Il s’amuse beaucoup de ces clichés qu’il infuse jusqu’à plus soif et cela crée, pour le lecteur averti qui connaît ces codes, une distanciation ironique bienvenue pour s’amuser de sa lecture. Avouez que, pour le coup, c’est quand même la cerise sur le gâteau !</p><p style="text-align: justify;"><strong>Roman précédemment chroniqué de Raymon Chandler : <a href="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/archive/2015/08/01/le-grand-sommeil-de-raymond-chandler-5665302.html">Le grand sommeil</a></strong></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-6026839" style="margin: 0.2em auto 0.7em; display: block;" title="" src="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/media/02/00/1876841441.jpeg" alt="nos étoiles contraires,john green,amour,cancer,roman,littérature,une impériale affliction,voyage,amsterdam,mort" width="291" height="190" /><strong>Le mois américain <a href="https://plaisirsacultiver.com/">chez Titine</a></strong></p><p style="text-align: center;"><strong>Journée polar/roman noir/thriller<br /></strong></p>
Estrella Oscurahttp://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/about.htmlLittle women & Good wives de Louisa May Alcotttag:lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com,2020-09-12:62629892020-09-12T18:46:43+02:002020-09-12T18:45:00+02:00 Certains le savent, je me suis lancée cette année avec Fanny le défi de...
<p style="text-align: justify;"><strong><img id="media-6169779" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/media/02/00/3125069209.jpg" alt="little women,good wives,les quatre filles du docteur march,le docteur march marie ses filles,louisa may alcott,classique,xixème siècle,cinéma,greta gerwig,morale, le mois américain" width="280" height="435" />Certains le savent, je me suis lancée cette année avec <a href="https://danslemanoirauxlivres.wordpress.com/">Fanny</a> le défi de me remettre à la lecture en anglais,</strong> pratique que que j'avais complètement jetée aux oubliettes depuis plus de quinze ans. <em>Little women</em> a été le premier roman à essuyer les plâtres de ce projet en janvier et j'ai goûté avec plaisir ce retour à une de mes madeleines de Proust littéraires.</p><p style="text-align: justify;"><strong>Mon véritable objectif, à dire vrai, en relisant ce roman en début d'année était d'en arriver à <em>Good Wives</em>,</strong> le deuxième volume de la saga des soeurs March (j'ai découvert pour l'occasion qu'elle en compte 4 ; <em>Little men</em> et <em>Jo's boys</em> se déroulent quelques années plus tard). Je n'avais jamais eu le plaisir de lire la suite de <em>Little Women </em>puisque je ne l'avais jamais trouvée traduite en français (elle l'est à présent). Et quelle meilleure occasion pour me livrer à cette découverte très enthousiaste que le mois américain de Titine ?</p><p style="text-align: justify;"><strong>Pour ce qui est du résumé de <em>Little Women</em> et <em>Good Wives</em>, je vous la joue courtissime, puisque ces deux titres ont été abondamment portés à l'écran</strong> - spéciale dédicace aux versions cinématographiques de 1994 et de 2019, excellentes toutes deux. <em>Little women</em>, donc, raconte le quotidien de quatre soeurs : Meg, Jo, Beth et Amy, et de leur mère durant la guerre de Sécession, tandis que le père - qui n'est absolument pas docteur mais homme de foi, je ne sais quelle moquette ont fumé les traducteurs sur ce coup-là - est parti prêcher la bonne parole aux soldats. Dans <em>Good wives</em>, nous retrouvons les mêmes personnages trois/quatre ans plus tard grosso modo dans leurs vies de jeunes femmes et nous suivons leurs aspirations et leurs évolutions diverses : l'écriture pour Jo, l'art pour Amy, le mariage et la maternité pour Meg et les questionnements amoureux pour toutes.</p><p style="text-align: justify;"><strong>Première remarque avant tout, qui m'a marquée lors de ma lecture de <em>Little Women</em> :</strong> comme beaucoup de classiques étrangers (une pensée particulière pour Jane Austen), ce roman-là souffre indéniablement de nombreuses sapes dans ses traductions françaises pourtant considérées comme intégrales. Il n'y a qu'à voir la taille des ouvrages : 250 pages pour la VF / 400 pages pour la VO et je juge bien évidemment à l'aune d'éditions de formats similaires, de même pour la taille de police et l'interligne.</p><p style="text-align: justify;"><strong>Alors, qu'est-ce qui est passé à la trappe, exactement ?</strong> Et bien clairement, en priorité, la portée morale de l'ensemble, extrêmement présente dans le texte original, et pas des plus subtile. Il y est bien fait mention dans les éditions soit-disant intégrales des <em>Quatre filles du docteur March</em> mais c'est tellement édulcoré que ça passe crème sans qu'on s'en aperçoive vraiment, or, c'est tout de même un bon morceau du récit. Honnêtement, malgré tout, dans <em>Little women</em>, je l'ai plutôt bien vécu et l'ai intégré au fil des pages comme un élément historique. Aussi indépendante que fût Louisa May Alcott, elle était indéniablement une femme de son temps et de sa culture. Par contre, certains passages de <em>Good wives</em> m'ont complètement atterrée, malgré une remise dans le contexte. On est à des kilomètres de ce qu'on pourrait imaginer d'une auteure qui s'est battue pour l'émancipation des femmes, entre autres. Tout au contraire, dans ce roman, les chapitres consacrés à Meg sont effroyablement conformistes, même pour l'époque, et écrits sans l'once d'un second degré - c'est bien là tout le problème et ce qui fait que ces passages périmés ne passent pas du tout aux yeux du lecteur contemporain. Qu'on soit clairs : Louisa May Alcott ne dénonce rien quand elle explique le rôle de l'épouse et mère à travers le personnage de Meg et franchement, j'ai rarement lu quelque chose d'aussi indigeste. Notez que cela dit, cela constitue un très bon exemple littéraire pour illustrer la société conservatrice et puritaine américaine du milieu du XIXème siècle...</p><p style="text-align: justify;"><strong>Cela mis à part, j'ai beaucoup aimé découvrir les quatre soeurs plus amplement,</strong> et notamment Amy qui tient une place presqu'aussi importante que celle de Jo sous la plume de Louisa May Alcott - autre élément qui a joliment été sapé dans les versions françaises. Merci, au passage, à Greta Gerwig de lui avoir redonné sa vraie place dans son film. Jo et Amy, bien que très différentes du point de vue du caractère, sont également passionnantes par leurs envies d'amour, d'art et d'indépendance à la fois. Ce n'est pas pour rien, d'ailleurs, que le coeur de Laurie balancera de l'une à l'autre au fil des deux romans. Ce triangle amicalo-amoureux, de même que les relations sororales sont crédibles et extrêmement touchantes. Dans <em>Good wives</em>, la problématique de la création littéraire sera particulièrement développée et l'on voit Jo évoluer dans sa pratique, dans ses relations aux éditeurs - autre détail mis en exergue par Greta Gerwig qui, décidément, je le découvre en refermant <em>Good wives</em>, a sans doute réalisé la version la plus fidèle des deux premiers tomes de la saga - et dans le choix de ses sujets d'écriture. Au cours de ce roman-là, elle commence d'ailleurs à écrire <em>Little women</em>, peu de temps après le décès de Beth. La mise en abyme est charmante et il semble au lecteur qu'entre le premier et le deuxième titre, la boucle est bouclée.</p><p style="text-align: justify;"><strong>Pour cette raison et pour le bémol évoqué plus haut,</strong> je ne suis plus si sûre de lire les titres suivants, contrairement à mes envies initiales de janvier... Nous verrons. En attendant, je ne regrette par ce voyage en VO qui m'aura permis de prendre conscience de bien des éléments que la version française ne laissent pas entrevoir. Pour cela, c'est donc nécessairement une belle aventure - mais quelle aventure littéraire ne l'est pas, de toutes façons ?</p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-6026839" style="margin: 0.2em auto 0.7em; display: block;" title="" src="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/media/02/00/1876841441.jpeg" alt="nos étoiles contraires,john green,amour,cancer,roman,littérature,une impériale affliction,voyage,amsterdam,mort" width="291" height="190" /><strong>Le mois américain <a href="https://plaisirsacultiver.com/">chez Titine</a></strong></p><p style="text-align: center;"><strong>Journée consacrée à la littérature du XIXème siècle<br /></strong></p>
Estrella Oscurahttp://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/about.htmlUn été sans les hommes de Siri Hustvedttag:lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com,2019-06-24:61600572020-09-04T18:27:41+02:002020-09-04T18:27:41+02:00 Ce qui était autrefois l'avenir est maintenant le passé, mais le...
<p style="text-align: justify;"><strong><img id="media-6006532" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/media/01/01/1658001027.jpg" alt="un été sans les hommes,the summer without men,siri hustvedt,actes sud,babel,féminisme,amour,couple,séparation,société,générations,swap" width="251" height="402" /></strong></p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'book antiqua', palatino, serif; font-size: 10pt;">Ce qui était autrefois l'avenir est maintenant le passé, mais le passé revient au présent à l'état de souvenir, il est ici et maintenant dans le temps de l'écriture.</span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><strong>Lorsque son mari lui annonce qu’il souhaite faire une pause après trente ans de mariage</strong> – comprendre par là batifoler pépouze avec sa jeune collègue française – Mia finit à l’hôpital psychiatrique avec une bouffée délirante – et c’est ainsi que commence le récit. Une fois ces <em>Tessons de cerveaux</em> rassemblés, retourner dans l’appartement où sa vie était intimement liée à celle de Boris lui est insupportable. Elle décide plutôt de prendre le large et d’en revenir aux sources, dans ce petit village du Minnesota où elle a grandi et où vit aujourd’hui sa mère, en relative autonomie, dans une résidence pour personnes âgées. Le travail de Mia est compréhensif et lui accorde un congé de plusieurs mois – elle est poétesse et professeur d’université – ; de son côté, afin de ne pas être tout à fait oisive et de ne pas trop ruminer, elle assurera un cours de poésie pour adolescents trois fois par semaine – où devrais-je dire pour adolescen<em>tes</em>, attendu que la pratique poétique ne rameute pas les foules masculines à cet âge-là. Voilà comment débute pour Mia cet <em>été sans les hommes</em>.</p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'book antiqua', palatino, serif; font-size: 10pt;">Et qui mesurera la souffrance? Qui parmi vous calculera la magnitude de la douleur que l'on peut à tout moment trouver au dedans d'un être humain?</span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><strong>Ma lecture a merveilleusement commencé</strong> et je n’étais pas loin de souscrire point par point au <a href="https://ellettres.wordpress.com/2017/11/27/un-ete-sans-les-hommes-de-siri-hustvedt/">coup de cœur de ma copinette Ellettres</a> qui a eu la générosité de m’offrir ce roman lors d’un swap. La langue m’est apparue piquante, vivifiante et organique. Siri Hustvedt va droit au but et a l’art de toucher son lecteur, en dévoilant avec sensibilité l’intériorité blessée mais profondément volontaire et vibrante de Mia. Il est assez rare, convenons-en, de croiser en littérature une héroïne d’âge mûr, pleine de doutes, d’appétits et de désirs telle que Mia, en somme une femme d’âge mûr en chair et en os, et c’est heureux de le découvrir avec franchise et humour. Autour de Mia gravitent en plus de nombreux satellites féminins – les Cygnes de la maison de retraite, leur club de lecture et leurs broderies grivoises cachées ; les ados du cours de poésie, leur instinct grégaire, leur volonté de puissance et leurs mesquineries pour y parvenir ; la voisine Lola, ses enfants, son mari détestable et ses bijoux pour changer d’air – toutes offrent une panorama kaléidoscopique de la condition féminine du XXIème siècle, idyllique probablement pour certains (hommes ?), loin de l’être pour d’autres (femmes ?).</p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'book antiqua', palatino, serif; font-size: 10pt;">Dépouillés d'intimité et vus d'une distance considérable, nous sommes tous des personnages comiques, de risibles bouffons qui allons trébuchant dans nos vies en créant de beaux désordres en chemin, mais si l'on se rapproche, le ridicule vire rapidement au sordide, au tragique ou à la simple tristesse.</span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><strong>Pourtant – parce qu’il y a un <em>mais</em> -,</strong> je me suis essoufflée et mon enthousiasme est retombé à mesure que je lisais. J’ai fini par retrouver, malgré une fraîcheur de style indéniable et un propos fort intéressant, ce que je reproche à bon nombre de romans contemporains qui traitent de notre société : un manque de souffle et de hauteur et, ce que je reproche à bon nombre de romans à étiquette (ici le féminisme, mais ça pourrait, à l’occasion, être autre chose) : l’entretien du clivage malgré une louable volonté de départ. Si je comprends l’intérêt de la dénonciation, et heureusement que l’art participe à cette dynamique salutaire, j’ai beaucoup plus de mal avec la démonstration. Or, c’est exactement ce que j’ai ressenti à force à travers la distribution orientée de ce roman et les parenthèses régulièrement théoriques où la philosophie et la sociologie sont convoquées pour un but qui se renifle dès la deuxième ligne. Ce processus didactique qui n’a d’égal en finesse que la samba du mammouth au festival de la poterie a pour vertu de m’ennuyer les neurones. Ceci explique donc une lecture finalement mitigée.</p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'book antiqua', palatino, serif; font-size: 10pt;">Nous devons tous nous accorder de temps à autre la fantaisie de nous projeter, une chance de nous vêtir des robes et d'habits de ce qui n'a jamais été et ne sera jamais. Cela donne un peu d'éclat à nos existences ternies et, parfois, nous pouvons choisir un rêve plutôt qu'un autre et, par ce choix, trouver quelque répit à la tristesse ordinaire.</span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><strong>J’aimerais pourtant savoir exactement ce qui se cache derrière l’œuvre de Siri Hustvedt</strong> ou, pour le dire autrement, si ce roman est à part dans sa production artistique ou non. Pour cela, par chance, je pourrais plonger dans le deuxième titre d’elle que je possède dans ma PAL, grâce à un autre swap (ce qui est sûr, donc, c’est qu’elle a du succès), <em>Tout ce que j’aimais</em>, un titre plus ancien. Le propos, encore une fois, semble passionnant. Il est à espérer que la forme le soit aussi !</p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-6026839" style="margin: 0.2em auto 0.7em; display: block;" title="" src="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/media/02/00/1876841441.jpeg" alt="nos étoiles contraires,john green,amour,cancer,roman,littérature,une impériale affliction,voyage,amsterdam,mort" width="291" height="190" /><strong>Le mois américain <a href="https://plaisirsacultiver.com/">chez Titine</a></strong></p><p style="text-align: center;"><strong>Journée "Ladies first" consacrée à un roman féministe, écrit par une femme ou mettant en scène un personnage féminin marquant<br /></strong></p>
Estrella Oscurahttp://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/about.htmlTemps glaciaires de Fred Vargastag:lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com,2020-08-27:62597172020-08-27T16:15:13+02:002020-08-27T16:12:00+02:00 Chose promise, chose due : voici le deuxième Vargas dont je vous parlais...
<p style="text-align: justify;"><img id="media-6164956" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/media/00/00/3692213393.jpg" alt="Temps galciaires.jpg" width="280" height="452" /><strong>Chose promise, chose due :</strong> <strong>voici le deuxième Vargas dont je vous parlais dans le précédent billet</strong> - et puisqu'il m'a offert quelques bons jours de dévoration livresque, j'espère qu'il saura aussi me remettre le pied à l'étrier du blog après cet été d'intense procrastination. J'avoue que là, je peine un peu à trouver la motivation, très engluée dans une flemme intense et probablement aussi un genre de déni de rentrée. Et vous, ça se passe comment ?</p><p style="text-align: justify;"><strong><em>Temps glaciaires</em> est l'exception qui confirme la règle de tous les Vargas que j'ai lus jusqu'ici</strong> puisque le début n'est pas lent du tout et ça fait du bien. C'est là le premier point qui fait que ce titre est mon préféré de l'auteure à ce jour. Très rapidement, on se trouve confronté à plusieurs suicides qui n'en sont pas, évidemment. C'est d'abord Danglard puis Adamsberg qui participent à l'élucidation de ces morts suspectes, liées entre elles par un étrange signe qui pourrait être une initiale, un signe dans une langue étrangère ou une guillotine stylisée. Allez savoir. En grattant un peu, on se retrouve assez vite (décidément, ce n'est tellement pas courant qu'il faut le souligner) face à deux pistes possibles : celle d'un voyage en Islande vieux de plusieurs années et celle d'une association de reconstitution historique centrée autour de la figure de Robespierre. Dans un cas comme dans l'autre, ça fait un peu froid dans le dos, n'est-ce pas ?</p><p style="text-align: justify;"><strong>L'enquête est passionnante de bout en bout,</strong> non seulement pour son aspect strictement policier puisque le mystère est impeccablement entretenu mais aussi pour son aspect historique - et je retrouve exactement ici ce que j'aime chez Vargas : une auteure qui sait distiller des pointes d'érudition sous un style enlevé, à la fois familier et poétique, et une intrigue qui pique la curiosité. Toutes les discussions entre les personnages autour de la Révolution et de la figure de Robespierre étaient si intéressantes qu'elles m'ont donné envie de creuser le sujet par la suite (A cet égard, je vous conseille l'excellente conférence d'Henri Guillemin sur le sujet disponible sur Youtube : probablement ce que j'ai entendu de plus passionnant et de plus éclairé sur la question).</p><p style="text-align: justify;"><strong>Au coeur des dites discussions,</strong> Danglard tire indéniablement son épingle du jeu et montre une facette de sa personnalité trop peu exploitée jusqu'ici au profit des intuitions d'Adamberg. Je suis ravie que l'auteure lui donne enfin un rôle à sa mesure. En contrepoint, Adamsberg apparaît aussi plus complexe, plus humain à dire vrai. D'une manière générale, j'ai aimé ces personnages de la maturité, moins caricaturaux et plus profonds.</p><p style="text-align: justify;"><strong>Je n'ai pas enchainé sur un troisième titre de Vargas après ça,</strong> bien que j'en aie déniché un nouveau en bouquinerie depuis. Je préfère, pour l'heure, profiter de ce coup de cœur policier comme il m'arrive rarement d'en avoir et le conseiller à tous ceux qui veulent bien m'entendre prêcher la bonne parole (j'ai déjà fait une victime aussi enthousiaste que moi depuis. J'espère avec ce billet grossir les rangs des adeptes). En attendant,<a href="https://plaisirsacultiver.com/"> le mois américain de Titine</a> attaque très bientôt. Croisons les doigts que cela réveille un peu mon envie d'écrire !</p>
Estrella Oscurahttp://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/about.htmlSous les vents de Neptune de Fred Vargastag:lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com,2020-07-28:62543262020-08-08T14:35:01+02:002020-08-08T14:35:01+02:00 Peu de temps avant de partir au Québec pour une formation de quinze jours...
<p style="text-align: justify;"><img id="media-6157194" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/media/00/00/1380206992.jpg" alt="sous les vents de neptune, fred vargas, polar, rompol, roman policier, adamsberg, danglard, enquête, meurtre, serial killer, québec, trident, neptune, souvenir, frère, famille" width="250" height="404" /><strong>Peu de temps avant de partir au Québec pour une formation de quinze jours avec son équipe,</strong> Adamsberg fait face à une panne de chaudière au commissariat (remarquez, ça donne un avant-goût de la caillante canadienne qui attend tout le monde sous peu), à un Danglard complètement fébrile à l'idée de prendre l'avion et à plusieurs malaises sans gravité qu'il finit par relier à une ancienne affaire. Affaire d'autant plus pénible qu'elle l'a occupé douze ans, est ancrée dans son enfance et lui a valu de perdre son frère Raphaël. Plus Adamsberg creuse, plus la plaie de cette ancienne affaire se rouvre. Il se pourrait même qu'elle le suive, armée de son trident, jusqu'aux confins de la banlieue d'Ottawa...</p><p style="text-align: justify;"><strong>Comme dans beaucoup de romans de Fred Vargas,</strong> le début de ce titre est très lent et se concentre sur la psychologie, le caractère et l'histoire des personnages de façon riche et fouillée, principalement celles d'Adamsberg, évidemment, de Danglard, de Retancourt et de quelques-uns de leurs acolytes québécois ensuite. Définitivement, je n'apprécie que peu Adamsberg. Il a beau être présenté comme quelqu'un d'à part dans sa manière d'être flic et sa manière d'être tout court, cela le conduit surtout à être assez lâche et égoïste les trois quarts du temps dans quasi tous les domaines de sa vie. Mais soit, peu importe (d'autant que cette antipathie inspirée par Adamsberg est faite exprès par Vargas - ainsi Adamsberg s'inscrit dans la lignée de Holmes et de Poirot : Très compétent au boulot mais humainement aux fraises), car j'aime tous les autres personnages. Danglard et Retancourt m'apparaissent de plus en plus délicieux à mesure que je les découvre - et accessoirement plus compétents qu'Adamsberg dans ce roman. </p><p style="text-align: justify;"><strong>Le début est lent, disais-je, et on serait tenté de se demander pourquoi tous ces détails parfois.</strong> Mais c'est parce que les intrigues vargassiennes sont toujours hyper fouillées et pleines de ramifications alambiquées. Dans ce roman-là, Adamsberg sait qui est le coupable - et nous aussi par la même occasion. Sauf que ce n'est qu'une énième intuition du célèbre commissaire contre qui joue un fait <em>a priori</em> irréfutable et sauf que ce coupable est intelligent et puissant comme Neptune - comme Moriarty face à Holmes. Aussi, la tension est toute dirigée vers le moyen de démontrer la théorie d'Adamsberg puis de faire fléchir ce colosse. Que voilà un parti pris original (bien que complètement irréaliste, entendons-nous bien) qui va, en plus, se compliquer au fur et à mesure du récit - mais je ne vous en dis pas plus pour ne pas spoiler plus avant.</p><p style="text-align: justify;"><strong>C'est globalement un très bon cru de Fred Vargas</strong>, même si ce n'est pas mon titre préféré de la série Adamsberg. Clairement, pour moi, le polar est toujours une bonne pioche pour les lectures de vacances, surtout lorsqu'on a à domicile une petite six ans qui accapare pas mal et rend la lecture parfois compliquée. Au moins, avec un polar, je suis tranquille, j'ai le neurone aéré et l'avantage avec Vargas, c'est que ça reste toujours de qualité. J'ai fait une croix depuis longtemps sur les polars au style douteux - je ne parle même pas des traductions dégueulasses de certains polars nordiques - et aux intrigues sempiternellement identiques. Aération neuronale, oui mais purée de neurones, non. A l'heure où je rédige ces lignes, j'en suis déjà à mon deuxième Vargas de la semaine (et pour le coup, il est génialissime donc je vous en parle bientôt). On est pas mal en terme d'aération, là.</p><p style="text-align: justify;"> </p>
Estrella Oscurahttp://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/about.htmlL'Education sentimentale de Gustave Flauberttag:lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com,2020-07-23:62532722020-07-29T11:07:29+02:002020-07-29T07:30:00+02:00 Depuis quelques années, je redécouvre Flaubert et plus je le lis/plus je...
<p style="text-align: justify;"><img id="media-6155936" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/media/00/00/1029870687.jpg" alt="L'éducation sentimentale.jpg" width="281" height="464" /><strong>Depuis quelques années, je redécouvre Flaubert et plus je le lis/plus je vieillis, plus je l'apprécie.</strong> Aussi, je me suis dit qu'il était temps de réessayer <em>L'Education sentimentale</em> qui m'avait rasée il y a quelques quinze ans au point d'en abdiquer la lecture aux alentours de la page 140 (mon nombre de pages fatidique à l'époque). Pour me motiver à réitérer l'expérience dans l'année en cours, j'avais inclus ce titre dans ma pile des 20 pour 2020 (challenge initié sur Instagram par <a href="https://pagesversicolores.wordpress.com/">Fanny</a>). Honnêtement, dans les faits, je me voyais moyennement atteindre mon objectif mais deux éléments m'ont finalement décidée à en faire le premier livre des grandes vacances : <br />1/ J'ai passé l'épreuve folle de relire <a href="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/archive/2020/05/29/le-lys-dans-la-vallee-de-balzac-6242159.html"><em>Le lys dans la vallée</em> de Balzac</a> il y a quelques mois et ça s'est finalement plutôt bien passé. A partir de là, toutes les lectures étaient possibles ;<br />2/ <a href="http://www.lanuitjemens.com/">Electra</a> avait prévu de le lire cet été. J'ai profité de l'occasion pour lui proposer une lecture commune histoire de me motiver. Nous y voilà !</p><p style="text-align: justify;"><strong><em>L'Education sentimentale</em> couvre grosso modo 12 ans de la vie de Frédéric Moreau, protagoniste velléitaire,</strong> avec une ellipse temporelle finale qui nous projette directement en 1867 dans les tous derniers chapitres conclusifs. En parallèle, et peut-être bien principalement, c'est autant d'années d'existence d'une époque que dépeint Flaubert : celle du déclin de la dernière monarchie française, de l'avènement de la 2ème République puis du Second Empire. Bref, le virage du milieu du XIXème siècle.</p><p style="text-align: justify;"><strong>Mais revenons-en brièvement à Frédéric pour planter le nœud du récit</strong> - extrêmement ténu, soyons clairs, attendu que Flaubert ici ne fait pas dans le roman palpitant à tiroirs. En septembre 1840, Frédéric Moreau, jeune homme de 18 ans rentre à Nogent chez sa mère après une visite chez un oncle dont il brigue l'héritage. Il n'a aucune envie de retourner s'enterrer deux mois dans ce trou avant d'attaquer son droit à Paris, aussi rentre-t-il par la voie la plus longue : le bateau. Durant le trajet, il fait la connaissance d'Arnoux, un marchand d'art à la faconde séduisante mais vulgaire, et de sa femme, la belle madame Arnoux dont il tombe instantanément amoureux. Durant toutes les années qui vont suivre, il n'aura de cesse de se rapprocher du cercle des Arnoux pour fréquenter cette femme simple et belle qui lui inspire tant de respect et un amour aussi constant que sincère sans qu'il ne se passe finalement jamais rien. En parallèle de quoi, il nourrit bien des projets sans jamais aller au bout de rien. Contrairement à son ami d'enfance Deslauriers, Frédéric vit dans une aisance financière suffisante, bien que fluctuante au cours de sa vie, pour ne pas nourrir d'ambition forcenée. Il n'a pas besoin de parvenir, il est déjà un bourgeois installé depuis sa naissance. Aussi, même politiquement, contrairement à Sénécal, très extrémiste dans son engagement par exemple, il ne se mouille pas vraiment. Il suit le mouvement en ne voyant que ce qu'il veut voir. Frédéric, en somme, est l'incarnation de la médiocrité bourgeoise, ce juste milieu qui ne crée ni ne construit rien sans être méchant pour autant (en même temps, il ne manquerait plus qu'il morde). Il est exactement le contraire du Rastignac balzacien auquel l'auteur fait référence avec son ironie subtile et délicieuse au tout début du roman, dans la bouche de Deslauriers :</p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: book antiqua, palatino, serif; font-size: 10pt;">- Rappelle-toi Rastignac dans <em>la Comédie humaine</em> ! Tu réussiras, j'en suis sûr ! </span></p></blockquote><p style="text-align: justify;">Évidemment, ce sera un échec cuisant à tous points de vue.</p><p style="text-align: justify;"><strong>Cette existence plutôt insipide est finalement l'occasion de brosser une époque, cette charnière décisive du XIXème siècle.</strong> L'esprit romantique incarné par Frédéric atteint ses limites : beaucoup de projets et de rêves, de grandes aspirations (j'allais dire de <em>Grandes espérances</em>) mais aucune inscription véritable dans la société. <em>Beaucoup de bruit pour rien</em> dirait Shakespeare. Voilà. A un moment donné, c'est beau de rêver et de s'exalter mais ça n'aboutit à rien si ce n'est pas nourri d'effets concrets. Rapidement, d'ailleurs, Frédéric laissera tomber ses velléités (parmi d'autres) d'écriture poétique et de création picturale. Littérairement, le virage entre le romantisme et le réalisme est ainsi fait.</p><blockquote><p><span style="font-family: book antiqua, palatino, serif; font-size: 10pt;"><span id="word_id_95">Il</span> <span id="word_id_96">s’était</span> <span id="word_id_97">arrêté</span> <span id="word_id_98">au</span> <span id="word_id_99">milieu</span> <span id="word_id_100">du</span> <span id="word_id_101">Pont</span>-<span id="word_id_102">Neuf</span>, <span id="word_id_103">et</span>, <span id="word_id_104">tête</span> <span id="word_id_105">nue</span>, <span id="word_id_106">poitrine</span> <span id="word_id_107">ouverte</span>, <span id="word_id_108">il</span> <span id="word_id_109">aspirait</span> <span id="word_id_110">l’air</span>. <span id="word_id_111">Cependant</span>, <span id="word_id_112">il</span> <span id="word_id_113">sentait</span> <span id="word_id_114">monter</span> <span id="word_id_115">du</span> <span id="word_id_116">fond</span> <span id="word_id_117">de</span> <span id="word_id_118">lui</span>-<span id="word_id_119">même</span> <span id="word_id_120">quelque</span> <span id="word_id_121">chose</span> <span id="word_id_122">d’intarissable</span>, <span id="word_id_123">un</span> <span id="word_id_124">afflux</span> <span id="word_id_125">de</span> <span id="word_id_126">tendresse</span> <span id="word_id_127">qui</span> <span id="word_id_128">l’énervait</span>, <span id="word_id_129">comme</span> <span id="word_id_130">le</span> <span id="word_id_131">mouvement</span> <span id="word_id_132">des</span> <span id="word_id_133">ondes</span> <span id="word_id_134">sous</span> <span id="word_id_135">ses</span> <span id="word_id_136">yeux</span>. <span id="word_id_137">À</span> <span id="word_id_138">l’horloge</span> <span id="word_id_139">d’une</span> <span id="word_id_140">église</span>, <span id="word_id_141">une</span> <span id="word_id_142">heure</span> <span id="word_id_143">sonna</span>, <span id="word_id_144">lentement</span>, <span id="word_id_145">pareille</span> <span id="word_id_146">à</span> <span id="word_id_147">une</span> <span id="word_id_148">voix</span> <span id="word_id_149">qui</span> <span id="word_id_150">l’eût</span> <span id="word_id_151">appelé</span>.</span></p><p><span style="font-family: book antiqua, palatino, serif; font-size: 10pt;"><span id="word_id_152">Alors</span>, <span id="word_id_153">il</span> <span id="word_id_154">fut</span> <span id="word_id_155">saisi</span> <span id="word_id_156">par</span> <span id="word_id_157">un</span> <span id="word_id_158">de</span> <span id="word_id_159">ces</span> <span id="word_id_160">frissons</span> <span id="word_id_161">de</span> <span id="word_id_162">l’âme</span> <span id="word_id_163">où</span> <span id="word_id_164">il</span> <span id="word_id_165">vous</span> <span id="word_id_166">semble</span> <span id="word_id_167">qu’on</span> <span id="word_id_168">est</span> <span id="word_id_169">transporté</span> <span id="word_id_170">dans</span> <span id="word_id_171">un</span> <span id="word_id_172">monde</span> <span id="word_id_173">supérieur</span>. <span id="word_id_174">Une</span> <span id="word_id_175">faculté</span> <span id="word_id_176">extraordinaire</span>, <span id="word_id_177">dont</span> <span id="word_id_178">il</span> <span id="word_id_179">ne</span> <span id="word_id_180">savait</span> <span id="word_id_181">pas</span> <span id="word_id_182">l’objet</span>, <span id="word_id_183">lui</span> <span id="word_id_184">était</span> <span id="word_id_185">venue</span>. <span id="word_id_186">Il</span> <span id="word_id_187">se</span> <span id="word_id_188">demanda</span>, <span id="word_id_189">sérieusement</span>, <span id="word_id_190">s’il</span> <span id="word_id_191">serait</span> <span id="word_id_192">un</span> <span id="word_id_193">grand</span> <span id="word_id_194">peintre</span> <span id="word_id_195">ou</span> <span id="word_id_196">un</span> <span id="word_id_197">grand</span> <span id="word_id_198">poète</span> ; <span id="word_id_199">—</span> <span id="word_id_200">et</span> <span id="word_id_201">il</span> <span id="word_id_202">se</span> <span id="word_id_203">décida</span> <span id="word_id_204">pour</span> <span id="word_id_205">la</span> <span id="word_id_206">peinture</span>, <span id="word_id_207">car</span> <span id="word_id_208">les</span> <span id="word_id_209">exigences</span> <span id="word_id_210">de</span> <span id="word_id_211">ce</span> <span id="word_id_212">métier</span> <span id="word_id_213">le</span> <span id="word_id_214">rapprocheraient</span> <span id="word_id_215">de</span> <span id="word_id_216">Mme</span> <span id="word_id_217">Arnoux</span>. <span id="word_id_218">Il</span> <span id="word_id_219">avait</span> <span id="word_id_220">donc</span> <span id="word_id_221">trouvé</span> <span id="word_id_222">sa</span> <span id="word_id_223">vocation</span> ! <span id="word_id_224">Le</span> <span id="word_id_225">but</span> <span id="word_id_226">de</span> <span id="word_id_227">son</span> <span id="word_id_228">existence</span> <span id="word_id_229">était</span> <span id="word_id_230">clair</span> <span id="word_id_231">maintenant</span>, <span id="word_id_232">et</span> <span id="word_id_233">l’avenir</span> <span id="word_id_234">infaillible</span>.</span></p><p><span style="font-family: book antiqua, palatino, serif; font-size: 10pt;"><span id="word_id_235">Quand</span> <span id="word_id_236">il</span> <span id="word_id_237">eut</span> <span id="word_id_238">refermé</span> <span id="word_id_239">sa</span> <span id="word_id_240">porte</span>, <span id="word_id_241">il</span> <span id="word_id_242">entendit</span> <span id="word_id_243">quelqu’un</span> <span id="word_id_244">qui</span> <span id="word_id_245">ronflait</span>, <span id="word_id_246">dans</span> <span id="word_id_247">le</span> <span id="word_id_248">cabinet</span> <span id="word_id_249">noir</span>, <span id="word_id_250">près</span> <span id="word_id_251">de</span> <span id="word_id_252">la</span> <span id="word_id_253">chambre</span>. <span id="word_id_254">C’était</span> <span id="word_id_255">l’autre</span>. <span id="word_id_256">Il</span> <span id="word_id_257">n’y</span> <span id="word_id_258">pensait</span> <span id="word_id_259">plus</span>.</span></p></blockquote><p style="text-align: justify;"><br />Flaubert se concentre aussi sur le portrait politique et social de cet entre-deux du siècle. Ainsi, de longs passages (très intéressants intellectuellement mais je dois vous dire avec honnêteté qu'ils ne sont pas toujours très enthousiasmants pour le lecteur néanmoins...) sont consacrés aux discussions politiques lors desquelles Frédéric, fidèle à lui-même, reste très en retrait et l'on observe de façon distanciée et toujours ironique les motivations révolutionnaires (l'ambition, la domination, l'égalité) des insurrections successives (1848, le coup d’État de Napoléon III).</p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: book antiqua, palatino, serif; font-size: 10pt;"><span id="word_id_104">—</span> <span id="word_id_105">Est</span>-<span id="word_id_106">ce</span> <span id="word_id_107">que</span> <span id="word_id_108">les</span> <span id="word_id_109">journaux</span> <span id="word_id_110">sont</span> <span id="word_id_111">libres</span> ? <span id="word_id_112">est</span>-<span id="word_id_113">ce</span> <span id="word_id_114">que</span> <span id="word_id_115">nous</span> <span id="word_id_116">le</span> <span id="word_id_117">sommes</span> ? <span id="word_id_118">dit</span> <span id="word_id_119">Deslauriers</span> <span id="word_id_120">avec</span> <span id="word_id_121">emportement</span>. <span id="word_id_122">Quand</span> <span id="word_id_123">on</span> <span id="word_id_124">pense</span> <span id="word_id_125">qu’il</span> <span id="word_id_126">peut</span> <span id="word_id_127">y</span> <span id="word_id_128">avoir</span> <span id="word_id_129">jusqu’à</span> <span id="word_id_130">vingt</span>-<span id="word_id_131">huit</span> <span id="word_id_132">formalités</span> <span id="word_id_133">pour</span> <span id="word_id_134">établir</span> <span id="word_id_135">un</span> <span id="word_id_136">batelet</span> <span id="word_id_137">sur</span> <span id="word_id_138">une</span> <span id="word_id_139">rivière</span>, <span id="word_id_140">ça</span> <span id="word_id_141">me</span> <span id="word_id_142">donne</span> <span id="word_id_143">envie</span> <span id="word_id_144">d’aller</span> <span id="word_id_145">vivre</span> <span id="word_id_146">chez</span> <span id="word_id_147">les</span> <span id="word_id_148">anthropophages</span> ! <span id="word_id_149">Le</span> <span id="word_id_150">Gouvernement</span> <span id="word_id_151">nous</span> <span id="word_id_152">dévore</span> ! <span id="word_id_153">Tout</span> <span id="word_id_154">est</span> <span id="word_id_155">à</span> <span id="word_id_156">lui</span>, <span id="word_id_157">la</span> <span id="word_id_158">philosophie</span>, <span id="word_id_159">le</span> <span id="word_id_160">droit</span>, <span id="word_id_161">les</span> <span id="word_id_162">arts</span>, <span id="word_id_163">l’air</span> <span id="word_id_164">du</span> <span id="word_id_165">ciel</span> ; <span id="word_id_166">et</span> <span id="word_id_167">la</span> <span id="word_id_168">France</span> <span id="word_id_169">râle</span>, <span id="word_id_170">énervée</span>, <span id="word_id_171">sous</span> <span id="word_id_172">la</span> <span id="word_id_173">botte</span> <span id="word_id_174">du</span> <span id="word_id_175">gendarme</span> <span id="word_id_176">et</span> <span id="word_id_177">la</span> <span id="word_id_178">soutane</span> <span id="word_id_179">du</span> <span id="word_id_180">calotin</span> ! </span></p></blockquote><p style="text-align: justify;">L'auteur nous invite également à déambuler dans nombre de soirées mondaines où d'autres ambitions se découvrent, notamment celles des femmes qui n'ont finalement pas cinquante possibilités à leurs dispositions à l'époque : épouser ou se prostituer. Une mention spéciale pour le personnage de Rosanette, la courtisane qui passe entre tous les bras comme moyen de s'extirper de son effroyable condition d'origine. Celle qui apparaît au départ comme une Marie couche-toi-là écervelée - par opposition à Marie Arnoux, sainte entre toutes, sorte de Mme de Tourvel qui ne flanche pas (il faut dire à sa décharge que Frédéric n'a rien de Valmont) - est en fait d'une complexité intéressante. J'ai particulièrement apprécié que les personnages féminins soient d'une heureuse profondeur, à la fois factuelle et symbolique.</p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: book antiqua, palatino, serif; font-size: 10pt;"><span id="word_id_115">L’affranchissement</span> <span id="word_id_116">du</span> <span id="word_id_117">prolétaire</span>, <span id="word_id_118">selon</span> <span id="word_id_119">la</span> <span id="word_id_120">Vatnaz</span>, <span id="word_id_121">n’était</span> <span id="word_id_122">possible</span> <span id="word_id_123">que</span> <span id="word_id_124">par</span> <span id="word_id_125">l’affranchissement</span> <span id="word_id_126">de</span> <span id="word_id_127">la</span> <span id="word_id_128">femme</span>. <span id="word_id_129">Elle</span> <span id="word_id_130">voulait</span> <span id="word_id_131">son</span> <span id="word_id_132">admissibilité</span> <span id="word_id_133">à</span> <span id="word_id_134">tous</span> <span id="word_id_135">les</span> <span id="word_id_136">emplois</span>, <span id="word_id_137">la</span> <span id="word_id_138">recherche</span> <span id="word_id_139">de</span> <span id="word_id_140">la</span> <span id="word_id_141">paternité</span>, <span id="word_id_142">un</span> <span id="word_id_143">autre</span> <span id="word_id_144">code</span>, <span id="word_id_145">l’abolition</span>, <span id="word_id_146">ou</span> <span id="word_id_147">tout</span> <span id="word_id_148">au</span> <span id="word_id_149">moins</span> « <span id="word_id_150">une</span> <span id="word_id_151">réglementation</span> <span id="word_id_152">du</span> <span id="word_id_153">mariage</span> <span id="word_id_154">plus</span> <span id="word_id_155">intelligente</span> ». <span id="word_id_156">Alors</span>, <span id="word_id_157">chaque</span> <span id="word_id_158">Française</span> <span id="word_id_159">serait</span> <span id="word_id_160">tenue</span> <span id="word_id_161">d’épouser</span> <span id="word_id_162">un</span> <span id="word_id_163">Français</span> <span id="word_id_164">ou</span> <span id="word_id_165">d’adopter</span> <span id="word_id_166">un</span> <span id="word_id_167">vieillard</span>. <span id="word_id_168">Il</span> <span id="word_id_169">fallait</span> <span id="word_id_170">que</span> <span id="word_id_171">les</span> <span id="word_id_172">nourrices</span> <span id="word_id_173">et</span> <span id="word_id_174">les</span> <span id="word_id_175">accoucheuses</span> <span id="word_id_176">fussent</span> <span id="word_id_177">des</span> <span id="word_id_178">fonctionnaires</span> <span id="word_id_179">salariés</span> <span id="word_id_180">par</span> <span id="word_id_181">l’État</span> ; <span id="word_id_182">qu’il</span> <span id="word_id_183">y</span> <span id="word_id_184">eût</span> <span id="word_id_185">un</span> <span id="word_id_186">jury</span> <span id="word_id_187">pour</span> <span id="word_id_188">examiner</span> <span id="word_id_189">les</span> <span id="word_id_190">œuvres</span> <span id="word_id_191">de</span> <span id="word_id_192">femmes</span>, <span id="word_id_193">des</span> <span id="word_id_194">éditeurs</span> <span id="word_id_195">spéciaux</span> <span id="word_id_196">pour</span> <span id="word_id_197">les</span> <span id="word_id_198">femmes</span>, <span id="word_id_199">une</span> <span id="word_id_200">école</span> <span id="word_id_201">polytechnique</span> <span id="word_id_202">pour</span> <span id="word_id_203">les</span> <span id="word_id_204">femmes</span>, <span id="word_id_205">une</span> <span id="word_id_206">garde</span> <span id="word_id_207">nationale</span> <span id="word_id_208">pour</span> <span id="word_id_209">les</span> <span id="word_id_210">femmes</span>, <span id="word_id_211">tout</span> <span id="word_id_212">pour</span> <span id="word_id_213">les</span> <span id="word_id_214">femmes</span> ! <span id="word_id_215">Et</span>, <span id="word_id_216">puisque</span> <span id="word_id_217">le</span> <span id="word_id_218">Gouvernement</span> <span id="word_id_219">méconnaissait</span> <span id="word_id_220">leurs</span> <span id="word_id_221">droits</span>, <span id="word_id_222">elles</span> <span id="word_id_223">devaient</span> <span id="word_id_224">vaincre</span> <span id="word_id_225">la</span> <span id="word_id_226">force</span> <span id="word_id_227">par</span> <span id="word_id_228">la</span> <span id="word_id_229">force</span>. <span id="word_id_230">Dix</span> <span id="word_id_231">mille</span> <span id="word_id_232">citoyennes</span>, <span id="word_id_233">avec</span> <span id="word_id_234">de</span> <span id="word_id_235">bons</span> <span id="word_id_236">fusils</span>, <span id="word_id_237">pouvaient</span> <span id="word_id_238">faire</span> <span id="word_id_239">trembler</span> <span id="word_id_240">l’hôtel</span> <span id="word_id_241">de</span> <span id="word_id_242">ville</span> ! <br /></span></p></blockquote><p style="text-align: justify;">(Et hop, un joli discours indirect libre flaubertien comme on les aime ♥)</p><p style="text-align: justify;"><strong>Le bilan de ma lecture est donc plutôt positif dans la mesure où, intellectuellement parlant, Flaubert coche toutes les cases de ce qui me ravit les neurones :</strong> une finesse stylistique sans pareille, une musicalité syntaxique impeccable, une ironie aussi subtile que mordante et un propos ô combien maîtrisé qui s'exprime à travers une construction narrative parfaite. Pour autant, comme je l'ai brièvement mentionné précédemment, ce n'est pas une lecture exaltante. Flaubert a voulu signifier les limites du romantisme, en marquer son essoufflement, et sanctionner le passage d'une ère à une autre ; dont acte. Mon professeur de XIXème à l'université avait résumé <em>L'Education sentimentale</em> en disant qu'il s'agissait d'un roman sur l'ennui - ce qui m'avait marquée, évidemment, parce que ce n'est pas la mise en bouche la plus engageante, n'est-ce pas ! Et en effet, c'est tout à fait ça. C'est tellement bien fait, d'ailleurs, qu'on est pas loin de s'ennuyer régulièrement en le lisant, du coup... Autant vous dire que ce qui m'a sauvée, comme avec <em>Le Lys dans la vallée</em>, c'est d'avoir su lire un certain nombre de passages en lecture rapide. Il n'est pas dit, sinon, que j'aurais tenu jusqu'au bout - ce que je suis ravie d'avoir fait au demeurant, car la conclusion de l'histoire d'amour durable bien que platonique entre Frédéric et Mme Arnoux est vraiment touchante et belle. Vous voilà donc prévenus si vous ambitionnez de vous attaquer à ce monument.</p><blockquote><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: book antiqua, palatino, serif; font-size: 10pt;"><span id="word_id_236">Bien</span> <span id="word_id_237">qu’il</span> <span id="word_id_238">connût</span> <span id="word_id_239">Mme</span> <span id="word_id_240">Arnoux</span> <span id="word_id_241">davantage</span> (<span id="word_id_242">à</span> <span id="word_id_243">cause</span> <span id="word_id_244">de</span> <span id="word_id_245">cela</span>, <span id="word_id_246">peut</span>-<span id="word_id_247">être</span>), <span id="word_id_248">il</span> <span id="word_id_249">était</span> <span id="word_id_250">encore</span> <span id="word_id_251">plus</span> <span id="word_id_252">lâche</span> <span id="word_id_253">qu’autrefois</span>. <span id="word_id_254">Chaque</span> <span id="word_id_255">matin</span>, <span id="word_id_256">il</span> <span id="word_id_257">se</span> <span id="word_id_258">jurait</span> <span id="word_id_259">d’être</span> <span id="word_id_260">hardi</span>. <span id="word_id_261">Une</span> <span id="word_id_262">invincible</span> <span id="word_id_263">pudeur</span> <span id="word_id_264">l’en</span> <span id="word_id_265">empêchait</span> ; <span id="word_id_266">et</span> <span id="word_id_267">il</span> <span id="word_id_268">ne</span> <span id="word_id_269">pouvait</span> <span id="word_id_270">se</span> <span id="word_id_271">guider</span> <span id="word_id_272">d’après</span> <span id="word_id_273">aucun</span> <span id="word_id_274">exemple</span> <span id="word_id_275">puisque</span> <span id="word_id_276">celle</span>-<span id="word_id_277">là</span> <span id="word_id_278">différait</span> <span id="word_id_279">des</span> <span id="word_id_280">autres</span>. <span id="word_id_281">Par</span> <span id="word_id_282">la</span> <span id="word_id_283">force</span> <span id="word_id_284">de</span> <span id="word_id_285">ses</span> <span id="word_id_286">rêves</span>, <span id="word_id_287">il</span> <span id="word_id_288">l’avait</span> <span id="word_id_289">posée</span> <span id="word_id_290">en</span> de<span style="color: #000000;" title="dehors"><span id="word_id_0">hors</span></span> <span id="word_id_1">des</span> <span id="word_id_2">conditions</span> <span id="word_id_3">humaines</span>. <span id="word_id_4">Il</span> <span id="word_id_5">se</span> <span id="word_id_6">sentait</span>, <span id="word_id_7">à</span> <span id="word_id_8">côté</span> <span id="word_id_9">d’elle</span>, <span id="word_id_10">moins</span> <span id="word_id_11">important</span> <span id="word_id_12">sur</span> <span id="word_id_13">la</span> <span id="word_id_14">terre</span> <span id="word_id_15">que</span> <span id="word_id_16">les</span> <span id="word_id_17">brindilles</span> <span id="word_id_18">de</span> <span id="word_id_19">soie</span> <span id="word_id_20">s’échappant</span> <span id="word_id_21">de</span> <span id="word_id_22">ses</span> <span id="word_id_23">ciseaux</span>.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p></blockquote><p style="text-align: justify;"><strong>A présent, allons lire <a href="http://www.lanuitjemens.com/2020/07/29/leducation-sentimentale-%c2%b7-gustave-flaubert/">le billet d'Electra</a> !</strong></p><p style="text-align: justify;"><strong>Textes de Flaubert précédemment lus et chroniqués :</strong> <em><a href="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/archive/2013/08/27/un-coeur-simple-de-gustave-flaubert-5149604.html">Un coeur simple</a></em>,<em> <a href="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/archive/2014/10/24/madame-bovary-de-gustave-flaubert-5475304.html">Madame Bovary</a></em> et <a href="http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/archive/2018/05/12/salammbo-de-gustave-flaubert-6050984.html"><em>Salammbô</em></a>, coup de coeur absolu que je vous encourage à lire absolument ♥</p>