Bliss de Shauna Cross
13/08/2011
Autant vous l'avouer: la part d'ado en moi (peut-être plus développée que le laissent à penser mes châles et mon addiction pour le thé dans des tasses à fleurs) a les bouclettes en ébullition! Bénies soient les petites choses de la vie qui nous émoustillent comme à 17 ans. Bon, en l'occurence la petite chose est encore un bouquin, mais ça, c'est parce que je suis un indécrottable petit rat de bibliothèque.
Tout n'était pourtant pas gagné : moi et la littérature ado, on a du mal à se comprendre. C'est pas faute de participer au groupe de lecture grands ado au boulot* pour améliorer mon inculture dans ce domaine et réviser mon point de vue. Mais jusque là, côté plaisir et satisfaction culturelle, c'était plutôt le désert de Gobi. Et là, bam, un roman qu'on me rapporte sans que j'ai pu le choisir fait office de révélation :
Bliss de Shauna Cross, Milan Macadam, 2011 (en VO, Derby Girl, Henry Holt and Co, 2007)
Toute ressemblance avec le titre d'un film dont je vous ai parlé dernièrement n'est pas fortuite. C'est d'ailleurs Shauna Cross qui a transposé l'histoire en scénario pour Drew Barrymore.
Je vais donc vous épargner une redite de l'histoire à base de Roller Derby très fidèlement retranscrite dans le film et me concentrer sur le fait que Bliss est fantastique!
Ado Super Géniale au Top de la Coolitute (ASGTC)
Elle donne juste envie de revenir dix ans en arrière et d'être sa meilleure amie pour décrypter le monde avec le mordant de l'idéalisme en écoutant un bon vieux Velvet Underground.
Parce que bien sûr, Bliss n'est pas de ces midinettes rose bonbon pour qui l'élection de Miss Bleuet et le conformisme sont une fin en soi. Elle est plutôt l'atypique dopée au rock qui emmerde les conventions et cherche à se tirer de son trou paumé - le tout avec une bonne dose d'intelligence et de lucidité histoire de parfaire le tout.
Ce côté cinglant et rebelle est d'ailleurs beaucoup plus appuyé dans le livre tandis qu'Ellen Page en donne une interprétation plus flegmatique et discrète (ce qui explique sans doute que j'ai plus le coup de foudre pour le personnage du bouquin). Ici, Bliss s'assume pleinement (comprendre, à la limite de l'outrance et du mauvais goût) - Elle ne porte pas de lunettes et garde ses cheveux bleus, s'habille avec des collants opaques fluos agrémentés d'épingles à nourrices, se pointe en cours d'éco avec un tee-shirt customisé "Mr Smiley est mon Dieu". En un mot : la classe internationale!
Vas-y que je te croque
Elle excelle dans l'art de croquer son environnement et sa personne sans aucune concession et la narration étant à la première personne (narration extrêment bien maîtrisée), j'aime autant vous dire que ça dégomme sec.
Petit morceau choisi d'une missive écrite à sa voisine de casier avec sa meilleure amie Pash - on devrait envoyer la même à toute les maniaques du string :
"Chère Lisa,
Il a été porté à notre connaissance l'exposition publique de votre postérieur à chaque passage devant votre casier. Que cette exhibition soit inconsciente, motivée par une recherche de courant d'air, ou par un désir de faire carrière dans l'industrie pornographique, elle doit cesser.
Vos camarades se trouvent forcés d'apercevoir vos dessous discutables et cette distraction n'a rien de plaisant. S'il est possible que vous preniez du plaisir à dévoiler votre string au reste du monde, le reste du monde n'a pas forcément envie de le voir.
Aussi nous vous prions instamment , Lisa, de rentrer le sparadrap qui vous sert de culotte et les fesses qu'il ne dissimule pas dans votre jean trop serré, et de nous épargner la nausée qu'il nous inspirent.
Bien à vous,
La ligue de défense des strings maltraités."
Et puis l'amour...
Ah l'amour... Merci à Shauna Cross de ne pas être de ces mièvres écoeurantes. Comme quoi, on peut parler d'amour, de vrais sentiments, de pelottage de lycée et de coups de foudre avec une heureuse distance, sans s'empêtrer dans une guimauve boueuse (et Dieu sait qu'après plusieurs bouquins pour ado, c'est un message qu'il faudrait vraiment faire passer aux auteurs - ça et le fait d'arrêter les histoires de vampires/fantômes/loups garou et autres créatures paranormales à deux sesterces sauf si c'est fait avec génie).
Exemple :
"On se met à parler. Enfin, presque. Je sais : sur le papier, c'est l'échange le plus stupide de l'histoire des conversations, mais, si on lit entre les lignes, la communication est profonde."
Ou bien
"J'ignorais totalement qu'un type pouvait être aussi tolérant vis-à-vis d'une fille poilue. Je l'imaginais déjà filer vers la sortie, pris de nausées. C'est juste Oliver, ou sont-ils tous aussi cool ? Bizarre : personne ne vous dit jamais ces choses là."
Vous l'aurez compris...
Ce livre m'a mis dans une joie toute bondissante et prépubère! Une vraie cure de rajeunissement! Je vais cependant m'arrêter là pour ne pas vous en faire risquer l'overdose. Mais n'hésitez pas à prendre Bliss sous le coude un de ces 4 si vous avez 3h à tuer, vous ne regretterez pas ce petit voyage dans le passé (avec ou sans les rollers).
PS : Point négatif de la traduction, les pseudo des derby girls. Franchement, Anna Gasaki et Dinah Mite, ça pue. Il aurait mieux valu garder les originaux.
*Les volontaires des secteurs adultes lisent et commentent des romans grands ados au fil des publications pour orienter les acquisitions des autres collègues adultes et jeunesse du réseau
2 commentaires
Mouarf, ça me tente. Pour les pseudos, j'en ai déjà vu de cet acabit sur des forums de roller derby francophone (ouais je traîne mes guêtres n'importe où :-D )
Aaaah ben lance-toi alors, il est génial ce bouquin !
(Effectivement, trainer sur les forums de roller derby, c'est original :p)
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