Mélusine ou la Noble Histoire de Lusignan de Jean d'Arras
06/06/2012
Oyez, oyez, gentes dames et braves messires ! Approchez-vous prestement car, j'aime autant vous le dire, vous ne verrez pas ça tous les jours - ni même tous les mois - ni même tous les ans. Bref, vous l'aurez compris, c'est un truc de fou : votre humble servante littéraire s'est amusée à lire un roman médiéval ! La raison en est sa faiblesse aux conseils littéraires de tous poils, et sa curiosité en la matière (mais est-ce vraiment une faiblesse?) qui l'a décidée sur l'invitation d'une certaine jeune femme à replonger dans le Moyen-Âge (période littéraire que j'avais pourtant exécrée pendant mes études mais après tout, y a que les cons qui ne changent pas d'avis !)
Mélusine ou la Noble Histoire de Lusignan de Jean d'Arras, ed. Le livre de poche, Coll. Lettres Gothiques (bilingue), Traduit, présenté et annoté par Jean-Jacques Vincensini, 2003, 819p. (dont plus d'une centaine d'introduction)
Reprenons-donc, chers lecteurs. On me conseille, on m'en fait des éloges, je suis faible et je loue donc à la bibliothèque. Globalement, ces découvertes sont toujours des lectures intéressantes même si j'en formule parfois une critique un poil acerbe parce que le principe même de m'ouvrir à d'autres horizons me plait. Il n'en reste pas moins qu'on ne change pas d'avis radicalement à tous les coups, vous en conviendrez. Et c'est ce qui se passe pour moi avec ce sympathique Mélusine de Jean d'Arras : Y a pas à tortiller, j'ai quand même un mal de chien avec la littérature médiévale.
Pour vous situer un peu le contexte : ce roman de Jean d'Arras daté de 1393 (et oui, on remonte loin hein) est la première occurrence littéraire de la fée Mélusine. L'ouvrage commence par remercier Dieu et le seigneur commanditaire, comme il était de bon ton de le faire, puis brosse l'ascendance de notre féérique protagoniste. Où l'on apprend qu'elle est fille du Roi d'Ecosse et de la fée Persina qui, après avoir donné naissance à ces trois filles Mélusine, Mélior et Palestine, s'enfuit du royaume suite à la trahison de son royal époux. C'est également à la suite d'une trahison que Mélusine se trouvera sous le joug d'une malédiction : tous les samedis, elle se transformera des pieds à la taille en serpent. Ainsi donc, lorsque Mélusine rencontre et séduit Raymondin, jeune chevalier, elle lui promet monts et merveilles à une seule et unique condition : que jamais il ne cherche à la voir ou à savoir ce qu'elle fait le samedi.
L'union se passe donc sous les meilleurs auspices pendant de très nombreuses années. Raymondin reconquiert les terres de son père avec succès, les huit fils du couple connaissent un brave destin malgré des difformités extravagantes. En parallèle de cette existence courtoise et guerrière, Mélusine construit à la vitesse grand V (on est fée ou on ne l'est pas) la ville de Lusignan - Etymologiquement parlant, Mélusine signifierait Mater Lusina, la mère de Lusignan.
Ce bon temps, vous vous en doutez cependant, n'est pas voué à durer : Tôt ou tard, Raymondin brisera son serment pour apercevoir Mélusine en sa rampante condition. Le charme est alors rompu et tout est bien qui finit mal (comme ça a tjs été le cas avant que Disney réécrive tous les contes de fées quoi)
Moi, j'avoue, c'est le type d'histoires qui me séduit d'emblée. Dès qu'il est question de mythes ancestraux et de personnages magiques, je signe sans réfléchir. Un peu de mystère en prime et c'est le bonheur. C'est ainsi que commence Mélusine, en effet. Sauf que rappelez-vous, ça date pas d'hier, et la littérature médiévale souffre, à mes yeux, d'un certain nombre d'handicap qui me rasent rapidement passées les cent premières pages.
Tout d'abord, l'écriture est formatée avec X formulations toutes faites qui, bien qu'évidentes du point de vue de l'histoire littéraire, n'en sont pas moins chiantes pour les lecteurs contemporains que nous sommes.
Ensuite, c'est long, redondant et prévisible, nom de Dieu ! Heureusement que les siècles suivants se sont mis à utiliser cet excellent outil littéraire appelé ellipse parce que punaise, là j'avais juste envie de faire défiler les pages par dizaines pour que le livre avance plus vite tellement c'était ennuyeux ! (ce que j'ai pas mal fait, soit dit en passant) Jusqu'à la période des fils, ok, c'est sympa (surtt qu'en plus, je suis mauvaise langue mais Jean d'arras utilise "un peu" l'ellipse, du coup, on passe direct de leurs naissances à l'adolescence des ainées, n'est-ce-pas génial?). Mais une fois Urien et son cadet partis en croisade contre les sarrazins, on se tape leur vie puis celles des frères suivants par le menu pendant troooooooop de pages (en gros, ça couvre les 2/3 tiers du bouquin hein) et on s'en fouuuuuuuuuuut mais graaaaaaaaaaaaaaaaave ! (Oui, je crie mon ennui de la littérature médiévale). Ca se passe toujours pareil en plus, puisqu'ils sont tous protégés par un anneau magique de Mélusine, donc on sait d'emblée qu'ils vont tous gagner, qu'ils vont tous déchirer et faire de beaux mariages (sauf celui qui devient moine et celui qui brûle le monastère évidemment), donc il n'y a aucune pointe de curiosité ou d'attente. Tout est mortellement prévisible et il n'y a rien de pire pour me tuer l'envie de lire.
Au final, vous l'aurez compris, malgré le personnage principal, ce bouquin n'a, à mes yeux, rien de féérique ni de magique. C'est juste un bon gros schéma pris en bloc dans lequel on remplit les trous en insérant des noms de personnages différents.
Alors là, évidemment, je vais me faire tuer par les médiévistes parce que je suis d'une mauvaise foi intersidérale et bien sûr que c'est autrement plus profond que l'honteux portrait que j'en brosse là. Une prof avait même réussi à me convaincre que Le roman de Guillaume de Dole de Jean Renart était un tournant dans la littérature du genre. N'empêche que, le mot de la fin sera celui-ci, avec toute la subjectivité qu'il impose : C'est atrocement chiant à lire, et on ne m'y reprendra pas de si tôt !
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5 commentaires
Je ne connais pas du tout ce mythe qui a l'air intéressant. Après, c'est vrai que la littérature médiévale, comme la littérature antique d'ailleurs, n'est pas facile d'accès, donc je comprends facilement ton point de vue ! Une chronique franche et tonique comme je les aime, merci de ta participation :-)
Mdr ca pour etre tonique elle est tonique. Je ne me suis pas encore attelee a cette tache, je doute que je lise de si tot de la litterature medievale. L'histoire de Melusine je la connais, comme toutes les legendes elle est inspiree d'une vraie histoire qui s'est bien evidemment deroulee en France. Un grand seigneur prenomme Raymondin a rammene comme trophe de guerre une nana etrangere a la peu mate, il l'a epouse mais elle etait tres belle et bien plus jeune que lui. Apparemment elle a fricote avec l'un des bergers du patelin. Quand le vieux seigneur la surprise en train de faire des galipettes avec le jeune homme, il la enmuree vivante dans une tour de son chateau pour s'en debarasser. Melusine est morte dans d'atroce conditions. Ensuite ce coquin a fait courir le bruit que son epouse exotique etait repartie dans son monde enchante (la population de gueux a gobe sans se poser de questions, Ah les gueux...) pour que la population ne pose ps de questions derangeantes.
Cette histoire a ete decouverte quand au 20eme siecle, les proprietaires du chateau ont voulu faire des traveaux, ils entendaient comme des mugissement pronvenant d'une des tours, en fait cela venait d'une cavite ou l'air s'engouffrait. Quand ils ont voulu reparer le trou, ils se sont appercus qu'il y avait quelquechose de cache dans le mur et ils ont trouve une longue chevelure, et des ossements humains. C'est ainsi qu'ils ont decouvert la veritable histoire de Melusine.
J'ai lu ca dans les histoires de Michel de Grece, le Ruban noir de Lady Baresford passionnantt. des histoires de fantomes remises dans leur contexte historique, nettement moins chiant que ton roman medival que je ne lirai sans-doute jamais. Bises
@Myrtille et Missy : Aha, merci la tonicité de la chronique :D
Et merci Missy, pour les faits réels ayant inspirés la légende de Mélusine ! Je n'en savais rien et c'est très intéressant ! J'aime comprendre à partir de quoi l'imagination a brodé son fil ^^
Je ne connais pas mais en fan du Moyen Âge, je pense que ça pourrait me plaire. La légende de Mélusine, très liée à la noble famille des Lusignan, est très intéressante en plus et j'adore la langue médiévale donc, pourquoi pas ? :)
Ah oui, si tu es fan de littérature du Moyen-Âge, tu y trouveras sans aucun doute ton plaisir !
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