Le journal d'un fou de Nicolas Gogol
20/12/2012
Le journal d'un fou, suivi de Le portrait et La perspective Nevsky de Nicolas Gogol, ed. Librio, 2007, 120p.
Les trois nouvelles du court livre que voilà composent à l'origine un plus large recueil de récits fantastiques de Gogol intitulé Arabesques. Cette extraction, bien qu'un peu arbitraire, m'a permise de découvrir l'univers de ce classique russe, qui brouille avec brio les pistes du rêve (souvent angoissant) et de la réalité (qui ne l'est, du coup, pas moins).
Dans la première nouvelle, Le journal d'un fou, un petit fonctionnaire ministériel du nom de Propichtchine écrit son quotidien au jour le jour. Entre des considérations prosaïques sur son travail ou ses soirées solitaires, se glissent rapidement des éléments incongrus qui créent une brèche fatale dans le réel : il entend les chiens parler, il peut même lire leur correspondance... A partir du moment où il découvre que la femme aimée est sur le point de se marier, il sombre irrémédiablement dans la folie. Persuadé d'être le roi d'Espagne, il ne comprend pas pourquoi sa cour s'obstine à le malmener et lui faire subir des traitements de choc...
Dans Le portrait, Gogol nous offre une variante russe de ce thème fantastique si cher aux écrivains du XIXeme : Le tableau aux multiples pouvoirs - le visage si réel qu'il en est terrifiant, guidant son possesseur (ou bien est-ce son possédé) vers la fortune, mais à quel prix ?
Enfin, dans La Perspective Nevsky, c'est celui de l'amour fatal qui prend le relai. Le jeune peintre Piskariov suit un soir dans cette rue de St Pétersbourg, une jeune femme à l'allure délicieuse, à la beauté fascinante. Totalement saisi, il la suit mais cet éblouissement se mue en accablement lorsqu'elle se dévoile comme une vile prostituée. Dès lors, Piskariov s'évade dans le rêve et, avec l'aide de l'opium, se construit une autre réalité où cette douce présence est à l'image de son désir : pure, sensible et lumineuse, jusqu'à la chute mortelle.
Trois nouvelles ; trois thèmes phare du fantastique donc. Brillamment menées, elles plongent dans un univers suranné et hypnotique où le lecteur lui-même se doit d'être attentif, tant les méandres sont nombreux.
A noter que la femme, décidément, est toujours objet du désir et de la perte - figure diabolique et tentatrice. Gogol le dit bien dans la première nouvelle d'ailleurs : La femme est l'épouse du diable. Voilà encore bien un thème fantastique - on pensera par exemple au Moine de Lewis ou aux ouvrages de Barbey d'Aurevilly. Tremblez messieurs, nous avons le pouvoir !
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Challenge Un classique par mois
Décembre bis, et hop, challenge complet !
4 commentaires
J'ai du mal avec les écrivains russes. Pourtant, les thèmes sont souvent intéressants.
Disons que leur problème majeur, c'est de faire des intro de 200 pages et des digressions monstrueuses à base de personnages à 4 noms. Il faut s'accrocher.
Ici, la question ne se pose pas : ce sont des nouvelles :)
Alors voilà un excellent post.
C'est la première fois que je viens sur ce blog : je suis d'ors et déjà une fan .
Tu aurais de la lecture à conseiller sur ce sujet ?
En tout cas encore félicitations !
Merci pour tes gentils commentaires, cher(e) visiteur(euse?) mystère !
En matière de lecture à conseiller, tout dépend de tes goûts bien sûr. Mais il y a toutes les chroniques que je publie régulièrement sinon :)
A bientôt !
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