Absente de Megan Abbott
17/01/2013
Absente de Megan Abbott, ed. Sonatine, 2009 / Le Livre de poche, 2011, 317p.
C'est elle, Jean Spangler. Bouche impeccable, sourcils dessinés et cascade chatain savamment domptée. Elle qui, comme bien d'autres gamines du fond des USA, chercha la lumière d'Hollywood dans des rôles de seconde zone et dans l'effervescence de quelques soirées. Elle qui va disparaître mystérieusement un soir de 1949, deux ans seulement après le Dalhia Noir, et dont on ne retrouvera que le sac à main.
De ce fait divers en pointillé, Megan Abbott nous propose un cheminement tortueux dans les bas-fonds de Los Angeles aux côtés de Gil Hopkins, dit Hop, pour nous délivrer une surprenante réponse.
Ecrivaillon pour l'Examiner à l'époque des faits, il est, deux ans plus tard, attaché de presse du studio qui employait Jean. Il était surtout présent à ses côtés la nuit de sa disparition, avant qu'il ne s'eclipse avec une danseuse quelconque et qu'il range ce souvenir dans un coin de sa mémoire. Iolene Harper se charge pourtant de lui rappeler les faits, visiblement terrorisée : Et s'il n'avait pas planqué quelques indices pour protéger un duo de stars en vogue ? Bien plus touché qu'il ne voudrait l'être, Hop replonge malgré lui dans cette sombre affaire, dans un tango endiablé avec une autre journaliste de l'Examiner, Franny Adair. Après des rencontres énigmatiques, bien des verres de scotch et trop peu de sommeil dans une ambiance lourde, Jean Spangler est sans doute au bout du chemin.
Je dois avouer tout de go que je n'ai pas été conquise à 100% par ce polar. Dieu sait pourtant que j'aime cette atmosphère ambivalente de l'âge d'or d'Hollywood, entre un glamour de surface et la pire des noirceurs sous le vernis. Megan Abbott ne démérite pas, en toute objectivité, à cet exercice périlleux de réanimer le phénix et l'ambiance m'a semblé d'un goût parfaitement plausible. Comme dans tout roman noir s'inscrivant dans cette veine, c'est d'ailleurs plus un roman d'ambiance qu'un roman à suspens. Il faut s'imprégner du phrasé, de l'allure des personnages, de la lumière en demi-teinte des lieux et se laisser porter. Ne pas craindre l'horreur et la misère humaine, aussi. Car ici, encore, c'est tout cela qui est exposé à travers ces figures de femmes à la fois désespérées et fatales qui ne sont plus que viande pour espérer un morceau de gloire ou de bonheur. Ces femmes qui sont tellement viande que l'homme les marque de son couteau, y appose sa signature et sa suprématie. A quel moment la femme cesse-t-elle d'être consentante pour devenir une proie? Le moins que l'on puisse dire, c'est que pour mener l'ambivalence à son comble, il n'y a jamais d'innocentes victimes, ni de méchants bourreaux. Rien n'est tout noir ou tout blanc. C'est la roue d'Hollywood qui, inlassablement, broie les vies qu'elle draine dans son sillon.
Après m'être posée la question un moment sur les raisons de ma non-adhésion totale, c'est une discussion avec Manu qui m'a éclairée : Le livre a trop souffert d'une comparaison avec Le Dahlia Noir d'Ellroy que je n'ai pu m'empêcher de faire tout le long de ma lecture. En même temps, la 4eme de couverture faisait elle-même la comparaison avec l'affaire, donc... Elle a orienté ma comparaison inconsciente. Même si Absente est indéniablement un bon roman (ne me faite pas dire ce que je n'ai pas dit), il ne recelle pas l'éclatante puissance évocatoire du verbe d'Ellroy, cette ciselure cinématographique qui fait prendre vie à chaque page. Lire ce livre de Megan Abbott, c'était avoir l'impression de lire Le Dahlia Noir en moins bien, en édulcoré, en plus lisse, en moins risqué. Les comparaisons, malheureusement, ne peuvent pas être en faveur des deux parties.
Il n'empêche que j'ai tout de même passé un plutôt bon moment de lecture. Et je suis à présent particulièrement curieuse de lire un autre roman de Megan Abbot, Adieu Gloria, qui semble avoir de très bons échos !
Merci beaucoup à Manu pour me l'avoir offert dans le swap du nouvel an et je vous invite à aller lire de ce pas son avis sur ce livre que nous avons lu en lecture commune !
Et cette lecture s'inscrit en outre dans le challenge polar historique de Samlor !
*
Post-scriptum : j'ai super envie d'un swap rock'n'roll - ambiance bière, cheveux longs, perfecto, motifs à pois, bouquins qui swinguent et musique old school. Des intéressés pour savoir si ça vaut le coup que j'organise ?
6 commentaires
Il est dans ma PAL prioritaire car je l'ai emprunté à la bibliothèque et ce que tu écris me donne d'autant plus envie de le lire (surtout que je n'ai pas lu Le Dahlia noir).
Ahh, j'en lirai ton avis avec plaisir alors !
Bon, je suis contente que tu ne sois pas complètement déçue ;-)
J'avais vu que ça traitait d'une histoire vraie mais je ne pensais pas que c'était carrément le pitch d'origine avec le nom de l'actrice d'origine ! Bon ok, j'ai oublié de faire la recherche.
Et pour le swap, tu connais ma réponse ! J'ai déjà le perfecto, la robe à pois et la musique rock old school :-D
Oui, c'est un fait 100% réel à la base ! Et effectivement, le livre m'a bien plu malgré cette comparaison inconsciente que j'ai faite et dont j'ai un peu culpabilisé : c'est toujours dommage quand une précédente lecture gâche un poil une actuelle.
Pour le swap, je crois malheureusement qu'on est les seules à être motivées. Snif ! Au pire, on se le fait que toutes les deux :p
J'aimerai bien lire le Dhalia Noir. Dommage que le livre ne t'ai pas plu entièrement. En tout cas le sujet est intéressant. Je n'ai d'ailleurs rien lu sur le thème d'Hollywood et ses travers.
Pour ce qui est du swap je passe en ce moment que j'aurais plutôt envie de lire sur l'histoire des colonies donc faire un swap romans d'aventure. Et aussi j'avoue que je n'ai pas beaucoup d'idées de lectures pour le swap que tu proposes. Mais je viendrais lire vos billets et suivrai les échanges de colis avec attention. Bisous!
Ohhh un swap aventure, voilà qui est alléchant ! Si tu en croises un sur la toile, tu me tiens au courant? :)
Les commentaires sont fermés.