Sans parler du chien de Connie Willis
11/04/2013
Sans parler du chien de Conne Willis, ed. J'ai Lu, 2003 (1997 pour l'édition originale), 574p.
En matière de voyages dans le temps, je peux vous dire que vous ne serez pas déçus ! Nos historiens donnent même tellement de leur personne pour se balader d'un siècle à l'autre qu'ils peuvent en tomber malades. Si, si ! Le déphasage temporel, vous connaissez ? Prenez garde ! Voilà une affection chafouine qui vous donne la mauvaise habitude d'être un exalté mielleux.
Mais où Connie Willis nous emmène-t-elle dans ce roman, me demanderez-vous ? Et bien, pour commencer, nos historiens et leurs indispensables techniciens sont citoyens du XXIe. Ned Henry, Verity Kindle et Carruthers travaillent pour le professeur Dunworthy, lui-même engagé par la despotique Lady Shrapnell. Ils ont pour mission de reconstruire la cathédrale de Coventry à l'identique car Dieu est dans les détails, le tout pour d'obscures raisons sentimentales.
De là, le lecteur est embarqué tout d'abord en 1940 lors du bombardement de la cathédrale par l'aviation allemande afin de retrouver la fameuse potiche de l'évêque. Chef d'oeuvre de laideur, elle semble avoir joué un rôle crucial dans la vie de l'aïeule Shrapnell : elle est donc primodiale pour la nouvelle cathédrale.
Puis, nous voguons ensuite en 1888 où Ned Henry et Verity Kindle sont chargés de régler une anomalie - en l'occurrence la féline Princesse Arjuman n'aurait jamais du passer les barrières temporelles - afin de sauver l'humanité. Parce que, bien sûr, jouer avec les cordes du temps provoque au mieux des incongruités, au pire l'effondrement spatio-temporel. Autant vous dire que c'est comme les allumettes : il ne vaut mieux pas s'y frotter ! Dès lors, une série d'épisodes fantasques vont mener nos personnages par le bout du nez, qu'ils mettent en scène la sublime nunuche Tossie Mering, sa mère crédule et son père monomaniaque, un majordome instruit ou encore un professeur d'université illuminé. Et, comme le dit si bien le titre, tout cela sans parler du chien !
Les ruines de la cathédrale de Coventry après le raid nazi
Ma copine blogueuse Manu à qui j'ai piqué (comme d'habitude) l'idée de cette lecture amusante trouvait peut-être mal classé ce roman en SF. Et c'est vrai que ce classement pourrait rebuter certains néophytes du genre, peu enclins à vouloir goûter à des considérations technologiques à n'en plus finir ou à des batailles entre extraterrestres - ou à l'inversse décevoir ceux qui le souhaitent. Car de fait, rien de tout cela ici et c'est d'ailleurs réjouissant de rappeler ainsi que la SF ne se limite pas aux clichés cités ci-avant.
Connie Willis n'utilise pas le voyage temporel comme prétexte pour nous plonger dans un monde futuriste et nébuleux mais au contraire elle nous fait voyager dans le temps et nous offre le tableau d'une époque à petits coups d'humour savoureux. Du coup, il vaut mieux être prévenu : on passe bien plus de temps à l'époque victorienne (et à une ou deux autres époques aussi quand les transferts temporels foirent) qu'à tout autre époque. Cela étant, moi qui suis peu friande du tralala victorien de la haute société, j'ai vraiment pris beaucoup de plaisir à y suivre nos personnages car l'auteur développe un humour qui épingle, si ce n'est avec une débordante subtilité, du moins avec un talent comique certain, les moeurs de l'époque. J'ai particulièrement ri lorsque Ned s'étonne que Mme Mering se pâme à tout bout de champ sans jamais rien renversé avec elle comme s'il s'agissait d'un art de l'esquive en plus d'un art de la feinte. Bien vu !
Je relèverai tout de même deux petits bémols : les soixante-dix premières pages ne donnent pas forcément le ton du livre. Bien sûr, le principal concernant la cathédrale, Lady Shrapnell et le potiche sont mis en place mais tout cela était un poil fastidieux et pas forcément très clair comme première approche. En les ayant terminées, j'ai espéré que le reste du livre n'était pas dans la même veine ; heureusement il n'en est rien.
Les considérations sur les incongruités temporelles, ensuite, sont parfois salées. Pas dans le mauvais sens du terme mais disons que l'auteur part tellement loin dans les suppositions historiques (vous savez, le fameux "avec des si, on mettrait Paris en bouteille") que j'ai parfois eu du mal à suivre. Il faut dire aussi qu'elle a beau faire rire, elle nous décortique quelques faits historiques assez pointus que l'on ne peut totalement suivre si on n'est pas fin connaisseur - je pense ici aux fameuses recherches menées sur la bataille de Waterloo. (Du coup, c'est peut-être plus la faute de mon inculture que celle de l'auteur ?)
Pour conclure, je dirais que c'était une découverte rafraîchissante, drôle et rythmée que j'ai lu avec d'autant plus de plaisir que j'ai pu chiper ici ou là des références littéraires sympathiques. Sans parler du chien (d'ailleurs, je ne vous en ai pas parlé pour vous laisser tout le suspens de ce fameux cabot) est donc l'occasion de se divertir tout en agitant ses petites cellules grises. Il n'y a certainement pas de quoi bouder son plaisir !
Challenge Petit Bac 2013 chez Enna
Catégorie Animal
Challenge A tous prix chez Laure
Prix Hugo et Locus 1999 du meilleur roman de Science-Fiction
10 commentaires
Je note; il me tente beaucoup, mais ce que tu dis sur les premières pages me fait hésiter entre emprunt bibli ou un achat...les reconstitutions historiques ont-elles l'air précis?
Il n'y a pas à proprement dit de reconstitution historique. Disons que ça mêle en permanence vérité historique (le bombardement nazi par exemple) et supposition plus ou moins folle sur ce qui aurait pu se passer. Concernant l'époque victorienne, elle est surtout épinglée avec humour plus que reconstituée. Mais le questionnement que pose l’œuvre de manière générale sur l'Histoire est très intéressant !
Ah je suis ravie que ce livre t'ait plu malgré un début fastidieux.
Je suis sûre qu'il plairait à Shelbylee ;-)
Comme toujours, tu es une excellente inspiratrice de lectures ;)
Si Manu dit que ça me plairait alors, je ne peux que céder ! L'histoire me disait quelque chose, j'ai vu qu'elle avait écrit Black Out dont j'avais beaucoup entendu parler. Je pense que je vais me laisser tenter ;-)
Voilà une bonne idée ^^
C'est noté ! :)
Et merci pour cette belle participation ! :D Bon week-end ! bises
(je pensais avoir déjà laissé un commentaire :( )
Merci pour ton pti message, Laure ^^ :*
Ce livre me tente depuis un moment. Ton billet m'intrigue, et me donne envie de le lire très rapidement !
Désolée, ton commentaire était passé entre les mailles de mes alertes mails, du coup j'y réponds sacrément à la bourre :)
J'ai vu hier sur le blog de Shelbylee que ce livre te tentait bien aussi et j'en suis très contente ! J'espère qu'il sera à l'auteur de tes espérances !
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