La Lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson
18/11/2013
La Lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson, ed. Zulma, 2013, 131p.
La Lettre à Helga, raconte la plus vieille histoire du monde : une histoire d'amour passionnée, fulgurante, impossible. Le genre d'histoire d'amour qui reste vissée au corps et au cœur toute sa vie durant - même (surtout) si l'on a pas pris les bonnes décisions à son endroit. C'est donc au soir de sa vie que Bjarni Gislason se penche sur cette passion qui l'a uni à Helga et qui reste, inextricablement, liée à la terre. Car c'est dans une région reculée d'Islande, dans un petit village d'éleveurs de moutons, que tout a commencé et d'où rien n'est jamais sorti. Bjarni aime avec autant d'ardeur et de profondeur ses bêtes dont il a hérité que cette plantureuse et sensuelle voisine, Helga. L'un et l'autre se mêle un jour que l'odeur d'urine fermentée embaume la grange et Bjarni de palper ce corps avec une fougue sans pareille. Il est entièrement tourné vers Helga, tout l'appelle vers elle. Pourtant, la saison de ces amours diluviennes ne peut durer : vient le temps de l'ultimatum ; fuir avec Helga ou vivre à jamais sans plus la toucher ni lui parler. Bjarni avoue sans complaisance sa lâcheté à l'idée de quitter sa vie rurale et ne connaîtra jamais le quotidien aux côtés de la femme désirée. Au fil de la plume, il noircit de magnifiques pages, des odes à la terre, aux animaux, aux paysages rudes de l'Islande. Il ne partira donc jamais mais il aimera toujours Helga ; c'est aussi ce qu'il lui écrit à chaque ligne de sa lettre.
J'ai lu des chroniques trèèèès contrastées sur ce petit opus, tantôt terriblement enthousiastes, tantôt sèches. On ne va pas se mentir : il faut avoir une certaine affinité avec la bouse et l'urine pour apprécier cette lettre - qui n'est pas une déclaration d'amour, plutôt un constat, un lâcher-prise avant de mourir - car l'emprunte en est plus que prégnante. Mieux vaut laisser de côté, dès les premières pages, le tendre amour citadin, car la passion ici se joue dans le foin et la pleine poitrine d'Helga est comparée aux mamelles des brebis - ce qui occasionnera un petit moment d'égarement à Bjarni qui m'a fait rire, d'ailleurs. On s'aime, on se palpe, on se vautre tels des animaux, on court même parfois plein de désir flagrant dans les champs. Néanmoins, cet amour un peu bestial est aussi profond, sincère, décoiffant, viscéral. La matérialité de toute chose n'empêche pas cet enracinement ; il en est peut-être même la condition. Vous l'aurez compris, ce n'est pas terriblement romantique mais c'est mêlé à la terre, à une quotidienneté sans fard. Personnellement, bouseuse creusoise moi-même d'adoption (ça doit jouer hein), j'ai apprécié cette franchise un peu surprenante, cette absence complète de pathos et de mièvrerie.
Quant à l'homme, que dire ? Bien sûr, il y a de la lâcheté, de la déception cuisante. Comme quoi, le plus grand amour ne donne pas toujours les ailes de l'exploit, de l'aventure. On aime mais on peut se révéler petit et pleutre lorsqu'il s'agit d'aller hors de soi. Il y aussi de l'orgueil, l'air de rien, chez Helga et une vengeance sourde à continuer à vivre sous le nez de Bjarni avec cette enfant qu'il ne peut jamais approcher pour attiser la perpétuation de la faute. S'aimer, faillir et ne pas pardonner : ce n'est pas très reluisant et ça ne fait pas rêver mais, avouons-le, c'est terriblement humain. J'ai aimé cette humanité qui ne ment pas.
Alors, d'accord, ce n'est pas le gros coup de cœur que j'espérais secrètement après la lecture de quelques chroniques merveilleuses mais c'est une lettre que j'ai goûté avec délice et douceur, d'une traite (comme l'invitait la quatrième de couv)(et sans mauvais jeu de mots avec les brebis hein). Le regard de Bjarni, sa vie d'éleveur, sa relation aride avec Unnur et celle brûlante avec Helga, tout cela m'a touchée et, contre toute attente, m'a donné le sourire. Cette ultime lettre qui, on le devine dès le début, n'aura pas de destinataire, est un peu le point final à une existence crépusculaire. Qui n'aura pas toujours été rose mais qui aura été intense. C'est peut-être ce qu'on peut se souhaiter de mieux à 90 ans !
Challenge de la Rentrée Littéraire 2013 chez Hérisson
6eme lecture
Merci à PriceMinister-Rakuten pour l'envoi de ce titre qui participe aux Matchs de la Rentrée Littéraire 2013
14 commentaires
J'ai été plutôt déçue par cette lecture qui m'a laissée sur ma faim... Je n'ai pas retrouvé la poésie que j'espérais y trouver...
Je pense en effet que les premières chroniques élogieuses qui ont beaucoup mis en avant la poésie du texte et l'amour qu'il exprimait ont peut-être induit en erreur les lectrices suivantes... Car le texte est tout de même assez cru et ce n'est pas tant une lettre d'amour qu'un constat en fin de vie.
Moi, j'ai du mal avec ces auteurs du nord et je ne le sens pas ce roman.
Pour ma part, c'est vraiment quitte ou double... soit j'aime beaucoup soit je m'ennuie à mourir...
L'amour est dans le pré ca ne me tente définitivement pas. Ca me rappelle un peu le Mazzetti où tout le monde avait tout un foin (^^) de cette histoire d'amour, mais j'avais détesté le personnage de l'agriculteur, même si moi aussi je vis dans la cambrousse profonde. Je préfère retourner à mes Harlequins^^
"L'amour est dans le pré" héhé : bien résumé ! Le dépaysement a du bon aussi ;)
Oups je n'avais pas fait attention à la date de ton billet, je me contentais de recenser les nombreux liens que je connaissais ! J'aime beaucoup ton billet, tu parles vraiment très bien de ce roman, et aussi avec beaucoup d'humour !
Aucun problème Anne ! Merci beaucoup pour ton avis sur mon billet :*
Le texte est aussi plutôt cru... Ce qui personnellement m'a surpris !
Oui, je suis d'accord !
Moi aussi j'ai les pieds dans des sabots et les sabots dans la terre mais rien à faire ça ne passe pas bien! Observer son amante et son enfant à travers des jumelles! C'est le comble!
Quand ça ne passe pas, il ne faut pas se forcer ;)
Lol les amours d'Helga dans le foin ne m'inspirent pas beaucoup. Cependant, j'ai bien rit en lisant ton billet. La contemplation des moutons bof bof. La littérature islandaise m'attire peu. Je passe (moi aussi je suis une bouseuse mais quand même pas au point de me rouler dans la paille...).
Héhé je peux tout à fait comprendre que ça ne plaise pas. Je crois que ce livre a déçu ceux et celles qui justifie ne s'attendaient pas à autant de "rusticité" dans le propos. Il vaut mieux être prévenu du coup !
Les commentaires sont fermés.