3 jours parisiens : 3 époques artistiques et 1 bonus mode - PART I
16/01/2014
Jour 1 : Tandis que nous avions prévu un japonais, une balade (et sans se le dire, sûrement un Starbucks quelque part tout de même), mon amie Aurore* me propose d'ajouter une visite au musée du Moyen-Âge pour y admirer la restauration des célèbres tapisseries de la Dame à la Licorne. J'acceptai avec joie, d'autant que je suis plongée en ce moment dans le récit de Yannick Haenel, A mon seul désir, dont elles sont le sujet. Je pourrai donc poursuivre ma lecture avec l’œil imprégné des dites œuvres (et vous en entendrez sans doute parler ensuite)
La restauration est effectivement flamboyante ! Les rouges et les bleus sont d'une beauté impressionnante. J'avais déjà visité les tapisseries il y a deux ou trois ans tandis qu'elles n'étaient pas restaurées et la comparaison est sans appel. Cette vivacité des teintes rehausse la douceur virginale de l'anonyme dame médiévale et inspire, comme la tapisserie centrale l'évoque, un désir et un mystère délicieux. A noter que l'entier du musée est intéressant pour qui aime un tant soit peu l'Histoire mais j'aurai tendance à conseiller de profiter d'une exposition temporaire pour le faire - sans quoi, il n'est pas très grand.
Et pour conclure, si vous ne l'avez pas déjà lu, La Dame à la licorne de Tracy Chevalier est une lecture agréable pour un week-end pluvieux.
Jour 2 : Cette fois, c'est avec mon amie Céline que nous nous dirigeons de bon matin, le coeur en joie comme s'il était question d'un rendez-vous galant, pour visiter l'exposition Frida Kahlo/Diego Rivera au Musée de l'Orangerie dans le parc des Tuileries. Dernier jour de l'exposition : inutile de dire que nous avions prévu un billet coupe-fil réservé début décembre afin de ne pas mourir de froid pendant deux heures en attendant de rentrer.
Avant toute chose - parce qu'il faut toujours garder le meilleur pour la fin -, nous avons flâner dans la collection permanente du musée dont les pièces phare sont Les Nymphéas de Claude Monet, 8 tableaux gigantesques composés de plusieurs toiles et disposés dans deux salles arrondies. Ils composent le cycle d'un jour reflété délicatement sur les nénuphars de Giverny, de l'aube humide où se mêlent les mauveset les verts jusqu'au crépuscule d'un bleu noir profond. Entre ces deux pénombres où point le soleil lointainement, c'est toute une vie de lumière, de vent, de nuages qui s'exerce sur la végétation miroir. J'aime sans l'ombre d'un doute l'art des impressionnistes et particulièrement celui de Monet qui retranscrit à la fois une poésie de vivre et une rudesse élémentaire mais ces Nymphéas sont au-delà de ce que j'aurai pu imaginer. Une prouesse tout simplement, en plus d'une merveille picturale.
Le matin n°1 (Salle II, mur nord)
Je vous passe le reste de la collection permanente, qui vaut tout de même elle aussi son pesant de cacahuètes (de magnifiques Renoir, des natures mortes de Cézanne notamment) pour rentrer dans le vif du sujet.
Soyons francs du collier : J'aime Frida Kahlo. Sa peinture me parle viscéralement. Sans doute que d'avoir porté corsets et plâtre pendant moult années et de connaître un corps douloureux, empêché souvent, au quotidien m'aide à me sentir en empathie immédiate avec son art. Clairement, une toile comme La colonne brisée me parle. Bien des fois, elle a peint ce que je ressens. Au delà de cet aspect anecdotique de mon amour pour elle, j'aime son incroyable liberté de ton - où elle n'hésite pas à mêler une réalité crue à un univers onirique d'une originalité totale. De même que cette obsession de l'auto-portrait à mi-chemin entre un narcissisme psychanalytique et une dévotion païenne. Ou encore cette volonté d'une profonde unité entre les cultures, les arts, les éléments et les êtres vivants.
C'est donc avec une grande impatience que j'attendais de goûter de visu à ses œuvres (j'avoue que celles de Rivera, comme beaucoup d'autres visiteurs je pense, n'étaient pas mon objectif premier). Au final, je suis mitigée - avec tout de même plus de points positifs mais le gros point négatif ayant un peu tendance à gâcher la fête. Le déroulement des pièces m'a semblé très pertinent. Commencer par Diego Rivera, même si la plupart d'entre nous n'étions pas là pour ça, était pourtant une évidence : après tout, il a commencé à peindre vingt ans avec Frida. J'ai ainsi découvert un peintre qui m'était parfaitement inconnu à l'exception de ses murales très politisées. Son évolution est assez impressionnante. Cette salle ouvrait ensuite sur deux possibilités qui communiquaient ensuite: une petite pièce bleue et jaune rappelant la maison de Coyoacan sur la gauche où était évoquée les biographies de Frida et Diego ainsi que leur relation ; et une grande salle sur la droite où évoluaient leurs arts respectifs qui se répondaient et se complétaient. Les peintures les plus personnelles de Frida étaient rassemblées dans un cube central.
Ce qui marque le plus, c'est évidemment la disproportion des formats : Diego peignait sur de grandes toiles (lorsqu'il ne peignait pas des fresques) tandis que Frida peignait sur beaucoup plus petit. Les rares grands formats qu'elle a produit ne figuraient pas dans l'exposition. Bien sûr, cela peut dérouter si on ne le sait par avance. Il semble donc, de ce fait et du fait d'une première salle entièrement consacrée au peintre, que Rivera est plus présent que Frida Kahlo tandis que cette dernière est l'artiste phare. Mais c'est oublier l'intitulé de l'exposition qui, me semble-t-il, remplit parfaitement son objectif : montrer l'évolution des deux artistes, l'un avant l'autre (dans le cas de Rivera) puis l'un avec l'autre tout au long de leur vie commune. A ce titre, elle est très réussie et j'ai été enchanté d'en être.
Par contre, la mise en espace a clairement chié dans la mousse : Je me doute que l'espace dédié aux expositions temporaires n'est pas extensible à loisir mais les deux premières salles étaient beaucoup trop petites pour une exposition qui allait, de manière aussi prévisible, glaner autant de monde ! Résultat : c'était tout simplement l'horreur de circuler. Ajoutons que tenter d'apprécier une œuvre, de s'en imprégner, quand on est bousculé comme un premier jour de soldes à Châtelet s'apparente à une mission impossible. Je suis donc assez déçue de ce manque d'anticipation quant à l'organisation spatiale. La prochaine fois, il faut être plus modeste quand on a pas un gros espace et laisser les grosses têtes d'affiche artistiques aux musées qui ont les moyens de les accueillir.
(J'emprunte les photos du site Sortir à Paris puisqu'il était impossible de photographier l'expo - rapport au monde sus-dit, tout ça)
La suite demain !
Avec ce billet, je participe pour la première fois au challenge de Shelbylee, L'art dans tous ses états.
7 commentaires
Je partage ton sentiment sur les espaces de l'expo Frida Kahlo. Et je suis plus mitigée que toi sur le fond : j'ai trouvé ça très "people" comme point de vue ! Pas assez artistique à mon gout.
Je comprends ce que tu veux dire : beaucoup de place donnée à la vie personnelle des artistes au détriment de leurs travaux... C'est dû à la thématique de l'expo pour le coup, je pense, et au fait que leur relation a malgré tout beaucoup imprégné leurs œuvres. Mais on aurait tout de même pu espérer une exposition plus achalandée, c'est vrai...
Dans le genre top honte, j'ai réalisé avec l'expo Kahlo que l'Orangerie c'était dans Paris intramuros et que j'étais déjà passée 120 fois à côté. Et encore pire je réalise avec ton billet qu'évidemment Les Nymphéas sont là-haut (théoriquement, je le savais, mais j'avais pas connecté les 2 infos). J'irai la prochaine fois... Sinon j'ai beaucoup aimé La dame à la Licorne moi aussi ;)
Héhé, je mets souvent du temps à percuter certains éléments que j'ai pourtant sous le nez moi aussi ^^ Les Nymphéas sont vraiment impressionnants en vrai, j'espère qu'ils te plairont !
Perso, partout où j'ai visité des expos en Europe, j'ai eu ce problème du monde, avec la totale absence de bienséance du public qui te marche sur les pieds et se met devant toi pendant que tu regarde un tableau. J'ai failli péter un câble à l'expo Hopper et suis ressortie de très mauvaise humeur.
Ça donne clairement des envies de meurtres ^^ D'autant plus quand c'est mal géré en amont par le musée qui organise des pièces bien trop petites.
En parlant de monde, Le Salon du livre de Paris ne doit pas être mal non plus!
Il est intéressant de faire la comparaison Orangerie / Cluny -- non voulue, mais... Je connais la salle de Cluny où se trouvent les tapisseries, ainsi que la salle des nymphéas, habitant Paris. C'étaient deux salles où se reposer, malgré le nombre de visiteurs, bruyants parfois, et où s'apaiser de la furie extérieure ; bref, deux endroits où se ressourcer. La nouvelle présentation de Cluny, de cette salle en particulier, est désastreuse : éclairage presque cru qui rehausse certes les rouges et les bleus, mais qui permet de voir, oh ! combien les tapisseries présentent une usure mortelle donnant aux blancs -- "vendus", car c'est ce que l'on a voulu monter, combien elles ont été "nettoyées", voire blanchies (?) -- des visages un aspect de cadavre en décomposition. Une affliction pour le visiteur qui connaissait l'"avant" (et je ne suis pas le seul à m'en plaindre). Le désastre se voit admirablement bien en comparant avec d'autres tapisseries, qu'on trouve dès l'extérieur, lesquelles n'ont pas été touchées. La présentation en plan incliné éloigne les oeuvres et tasse la pièce par ailleurs : aucun enveloppement ; on est écrasé par la laideur. A noter l'absence de banc (présent avant), ce qui permettra, accessoirement, de faire entrer plus de monde, donc de faire rentrer plus d'argent, sur un sol indigent car trop clair, et très vite sale ; enfin, la température est excessive : on se demande comment les tapisseries résisteront à l'humidité humaine (souffle, et flashes que d'aucuns touristes continuent d'utiliser) compte tenu du nombre de visiteurs annuels... Le nouveau Cluny ? Un désastre ! On y a fait les poussière, ça se remarque, mais rien n'est finalisé : de la com' ! Extrêmement décevant pour un musée charmant sinon... Reste donc l'Orangerie pour se reposer, uniquement. Malheureusement, les accueils -- Cluny et l'Orangerie -- sont catastrophiques : plus préoccupés par leur téléphone, on comprend vite qu'on empêche les hôtes de caisse de surfer sur leur tactiles, au détriment du visiteur qui a bien envie d'aller voir ailleurs si c'est pareil (en aparté : c'est pareil à Branly).
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