Novecento : pianiste d'Alessandro Baricco
03/02/2014
Novecento : pianiste d'Alessandro Baricco, Folio, 2002, 87p.
Alessandro Barrico annonce d'emblée la couleur de ce texte en exergue : il a été écrit pour le théâtre, pour un comédien et un metteur en scène particuliers. Après réflexion, au moment de l'édition, il apprécie l'idée qu'il devienne également un texte à lire à haute voix, dans l'intimité. Une chose est sûre, d'une manière ou d'une autre, Novecento : pianiste est à envisager par le truchement de la parole, qu'elle soit rêvée, personnelle ou théâtrale.
C'est en portant attention à cette précision de l'auteur et en écoutant la voix d'un comédien imaginaire déclamant son monologue que j'ai apprécié fortement ce texte.
Je l'avais déjà commencé peu de temps après l'achat mais je n'y avais pas goûté grand chose, honnêtement. Je m'étais simplement demandée ce que trouve tant de monde à Barrico. Je l'ai donc laissé en plan, attendant une autre fois pour le finir et trancher un avis. La proposition de lecture commune d'Eimelle est donc tombée à point nommé !
Il s'agit d'une tranche de vie d'un jeune trompettiste, lorsqu'il officia dans l'orchestre du Virginian pendant six ans, entre l'Europe et les USA. De cette époque, il nous offre l'amitié qu'il vécut avec le pianiste virtuose Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento et son incroyable personnalité. Novecento est de ces enfants nés sur le paquebot, en troisième classe, et abandonnés à l'arrivée aux États-Unis par des parents émigrants qui ne pouvaient s'imposer un tel "fardeau" au commencement d'une nouvelle vie. Né sur le bateau, Novecento y restera toute sa vie : adopté par un mécanicien, il se cache sur le bateau à sa mort pour ne pas être rendu à la terre ; il devient ensuite pianiste à bord lorsqu'on découvre son génie. Il essayera bien de descendre un jour mais l'immensité du monde le terrifie. Lui qui envoie "au cul le règlement", ne se sent bien que sur l'univers clos du paquebot et du clavier de son instrument. Entouré mais jamais noyé par l'immense Océan. Logiquement, c'est donc sur le Virginian qu'il est né, et sur le Virginian qu'il finira, dans l'apothéose des grands esprits.
Novecento est un texte parcouru de poésie et d'oralité : deux ingrédients qui en font un parfait monologue à entendre et à jouer. De fait, comme pur texte à lire, je ne le trouverais pas fantastique. Sympathique, plein d'une gentille poésie mais pas non plus extraordinaire ou foudroyant. C'est l'idée d'une mise en jeu qui me le rend beaucoup plus intéressant. L'exercice du monologue théâtral est parmi les plus compliqué, me semble-t-il, et ce récit de vie en offre une palette d'espaces et de nuances à exploiter. Sans parler de l'utilisation de la musique jazz, que Novecento agrémente de sa virtuosité - j'ai du mal à imaginer ce que peut donner du jazz avec "plus de notes", mais ce doit donc être passionnant à découvrir !
Bref, pour ne pas en rajouter plus qu'il n'en faut (manquerait plus que je fasse une chronique plus longue que le texte original), j'ai vraiment lu et apprécié Novecento en tant que monologue théâtral. A savoir si j'apprécierai le style de Baricco dans un autre format, je ne sais pas. Pour trancher, il me faudra inévitablement tenter !
Lu en lecture commune avec Eimelle, Miriam, Jostein et Ostinato !
Challenge Des mots et des notes chez Anne
4eme participation
16 commentaires
J'ai lu ce petit bouquin il y a des années et il m'a vraiment laissé un souvenir impérissable. Non pas qu'il soit extraordinaire ou foudroyant, je te rejoins à ce propos, mais j'y retrouvais une certaine intensité qui résonnait bien avec le moment où je l'ai lu. C'est vrai qu'il a une grande puissance théâtrale. Je le relirais bien pour confirmer (ou non!) cela ! :)
Oui, je trouve que son intensité prend tout son sens dans l'idée du mise en voix et en espace ! J'espère qu'il te plaira autant si tu le relis :)
J e n'ai l'ai pas vu interprété mais c'est vrai qu'il a été donné au festival d'Avignon. C'est un texte poétique et tu as raison d'en souligner la portée orale. Une histoire bien extraordinaire, en plus!
Effectivement, l'histoire est vraiment touchante et étonnante ! Le fond comme la forme transporte. J'aimerais beaucoup le voir joué !
je suis contente que tu aies apprécié!
De même pour toi !
Je l'ai lu il y a très très longtemps... L'aimerais-je encore aujourd'hui ? (Soie reste THE livre d'Alessandro Barricco...)
Il faudrait le relire pour trancher ;)
J'ai noté "Soie" sur pas mal de blog... Je l'avais tenté en livre audio et ça ne m'avait vraiment pas du tout accroché, j'ai trouvé ça super plat. En même temps, je ne m'en fais pas un avis définitif : n'étant pas fan du format audio, je pense que ça a tendance à accentuer certains de mes ressentis. Je le réessayerai donc en livre papier pour voir ! Sinon j'ai feuilleté "Océan Mer" à la médiathèque et ça m'a bien plu. Je le louerai prochainement !
Il y a une nouvelle "version" de Soie : le roman intégral illustré par REbecca Dautremer, une petite merveille... (j'dis ça, j'dis rien !)
Je note ;)
(Océan Mer est très touchant aussi, je l'avais également beaucoup apprécié ! :) )
Ah ben, j'irai d'autant plus le louer alors !
Moi j'ai adoré, visuellement pour la poésie, l'histoire de ce jeune homme et musicalement avec l'écriture scandée... Baricco a un style bien particulier, on aime ou pas mais quand on aime c'est magique ! Soie est tout petit, lancinant, il y a des images extraordinaires ! Une écriture à la fois ramassée et déployée, un tour de force !
Décidément, Alessandro Baricco ne soulève que passion et enthousiasme !! Il faut décidément que je retente "Soie" en version papier donc. J'espère y trouver le même plaisir de toi et autres consœurs blogueuses, c'est toujours ennuyeux d'être déçue par un livre qui n'a reçu qu'éloges. C'est ce qui m'arrive en ce moment et on se demande toujours si c'est pas nous qui avons loupé un truc, du coup...
Baricco ne soulève pas que passion et enthousiasme, en tout cas pas chez moi... Je ne comprends toujours pas l'engouement qui l'entoure, après avoir lu ce monologue et Soie. Si j'ai fortement ressenti l'oralité de ses textes, je n'y vois aucune poésie (que ce soit en italien ou en français), ni quoi que ce soit d'extraordinaire dans les histoires narrées.
J'attendrai ton avis sur Océan mer, même si je n'ai actuellement plus l'envie de retenter ma chance avec cet auteur.
Je pense pas tenter tout de suite mais c'est vrai que j'aimerais enfin me faire une idée de sa plume. Je ne pars pas qu'avec d'excellents a priori, sachant que ma tentative en livre audio avait été désastreuse. On verra !
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