Petits Oiseaux de Yôko Ogawa
15/11/2014
Petits Oiseaux de Yôko Ogawa, traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle, Actes Sud, 2014, 269p.
Petits oiseaux raconte la complicité de deux frères en dehors du monde, seuls à se comprendre en usant du langage des oiseaux. Comment tous deux, liés par un lien indicible, vivent dans la solitude totale une sorte de vie en dehors de la vie, douce, chaude, sécurisante, uniquement rythmée par une routine inamovible et rassurante. Il raconte également comment le cadet devient monsieur aux petits oiseaux après le décès de son aîné et continue à évoluer seul dans une vie toujours aussi solitaire et toujours aussi remplie d'oiseaux.
"Seul, avec pour modèle le gazouillis des oiseaux, en faisant résonner les sons à ses oreilles, il avait glissé un par un dans sa poche les petits oiseaux de mots éparpillés sur son îlot. Il avait ramassé les cristaux de mots qui s’étaient échappés du gazouillis des oiseaux."
Concrètement, il ne se passe rien dans ce roman - comme dans beaucoup de romans d'Ogawa, semble-t-il à force de découvrir son univers. On se laisse porter sur les petits chemins d'une existence - car même les deux frères ensemble ne forment qu'une seule vie - vide de tout ce qui, ordinairement, rythme une existence. Les bribes de dialogues sont particulièrement édifiantes à cet égard : l'aîné de répond jamais qu'en paw-paw, ce qui empêche toute communication, et le cadet ne sait jamais que dire "eh" ou "ah". Aussi les pénétrations dans le monde sont plutôt plates et sans consistance. Le lieu où tous deux, puis seulement le cadet, se retrouvent à leur aise est la maison : le nid confortable et sécurisant. Ceux qui maintiennent un véritable lien avec le monde sont les oiseaux. Rien ne se dit mais tout se comprend ; rien ne s'explique mais tout se chante dans la liberté des êtres voyageurs, un peu étrangers à toute terre et parfaitement ici où qu'ils soient.
On a beaucoup souligné la poésie et la douceur de Yôko Ogawa. J'avoue ne pas l'avoir toujours sentie et je referme ce roman avec le sentiment mitigé d'être passée à côté d'une partie du livre. Autant j'ai profondément aimé certains passages, certains chapitres, autant d'autres m'ont paru superficiels, inconsistants. Il m'est arrivé de ne pas saisir la poésie de son style et de le trouver surtout ennuyeux. D'autres fois, il me fallait mettre quelques signets entre les pages pour me rappeler de beaux passages. Bref, je ne ressors pas avec un sentiment de lecture global. Sans doute est-ce le genre d'oeuvre qu'il faut pouvoir savourer dans un certain état d'esprit, calme, reposé, tout à fait à l'écoute, et sans doute n'ai-je pas toujours su être dans ce quasi-recueillement.
Néanmoins, je reconnais à Yôko Ogawa le talent d'évoquer l'autisme sans jamais le nommer, uniquement par touches et par la grâce de cette métaphore filée des oiseaux. Les personnages des frères, eux-mêmes différents l'un de l'autre, sont sans doute très différents de l'image imposée par la société et pourtant heureux dans leur monde et leur solitude. Elle permet d'envisager l'idée qu'être autiste ne se vit pas forcément comme une maladie mais comme une porte ouverte sur d'autres univers. Cette capacité de l'auteure à offrir le regard et la manière très particulière de ressentir des autismes m'a particulièrement touchée et rien que pour cette délicatesse, le roman mérite d'être lu.
Challenge écrivains japonais chez Adalana
2eme participation
Merci à Priceminister pour cette nouvelle édition 2014 des Matchs de la rentrée littéraire !
8 commentaires
j'ai un reel pb avec cette auteure que je n'arrive pas a lire. Et a priori je ne retenterai pas avec celui là alors :)
Je peux te comprendre... Certains passages sont joliment poétiques mais d'autres frisent l'ennui et ne sont pas forcément sauvés par le style...
J'avais bien aimé L'annulaire, un court bouquin de cette auteure. Je vais passer pour celui-ci, car je ne crois pas pouvoir survivre à un 269 p. où il ne se passe rien ;) Par contre, ton billet et le lien avec l'autisme m'a séduite. Psst...je me suis inscrite au Challenge écrivains japonais, après l'avoir repéré sur ton blogue. Tentatrice, va ! ;) Bon samedi à toi, chère Lili !
Hihi, décidément, je vais te rallier à plusieurs challenges, c'est super ! J'ai hâte de te lire sur les lettres japonaises !
Bon week-end Topinambulle :*
C'est rare quand ça arrive lorsque tu présentes un livre mais j'avoue ne vraiment, vraiment pas être tentée... Pas que le thème me rebute, mais c'est plutôt la métaphore des oiseaux, je crois, qui me laisse un goût pas très fort... Maintenant, si tu penses que cela me plairait et que ce livre mérite vraiment d'être lu, je suivrai ton conseil de m'y pencher !
Honnêtement, vu comme je me suis ennuyée sur certains passages, je ne te conseillerais pas ce roman ! Connaissant un poil tes goûts, je doute vraiment qu'il te plaise.
Pas très tentée par celui-là... mais j'aime bien cette auteure en général.
Merci pour ta participation :)
On ne peut pas être tentée à tous les coups ! Notre PAL en souffrirait trop ^^
C'est toujours un plaisir de participer à ton challenge Adalana !
Les commentaires sont fermés.