Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier
20/11/2015
Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier, XYZ, 2011, 184p. (publié en poche chez Folio)
L'idée de mourir est terrifiante mais qu'est-ce qu'être vieux, au fond ? Finir en maison de retraite, être fliqué pour tout et rien par du personnel fonctionnaire de tout poil ? Merci bien ! Dans Il pleuvait des oiseaux, les ptits vieux décident de faire sécession dans les bois, histoire de vivre la vieillesse à leur façon : non comme une fin ennuyeuse mais comme une nouvelle chance. Au début du récit, lorsque la photographe débarque, elle tombe sur Charlie. Celui-là, avec sa cabane bien rangée, ses tonnes de fourrures et son chien Chummy, a fui les traitements pénibles d'une insuffisance rénale. Le lendemain, le duo improbable, souvent muet, est rejoint par Tom qui se refait une santé sur le tard après une vie dissolue. La photographe est à la recherche d'un troisième homme : Boychuck - dont le prénom est incertain. Elle travaille sur le portrait de toutes les victimes encore en vie des Grands Feux du début du siècle. Boychuck est l'un d'eux, très célèbre pour son errance dans les décombres calcinés, l'air hébété et irrésolu. Manque de pot, Boychuck est déjà/enfin parti : mort de sa belle mort. Pourtant, la photographe a goûté là un environnement qui la séduit, qui semble l'appeler. Elle sait qu'elle reviendra à nouveau à l'ermitage des vieux. Puis une deuxième femme arrive aussi inopinément : c'est Marie-Desneige, escortée par son neveu bienveillant. Elle, elle a décidé de fuir l'hôpital psychiatrique qui la retenait prisonnière depuis tellement de dizaines d'années qu'on ne peut qu'être révolté. Dans ses yeux pétille la connaissance de tout ce qui ne se dit pas. Est-ce vraiment là être fou ?!
Vous faites le calcul : voilà deux donzelles qui percutent la routine bien rangée des hommes solitaires. Un peu de douceur, des silences délicieux, de la motivation, du désir saupoudré sont au menu bien sûr. Et puis, le passé toujours en filigrane.
Au regard de mes autres lectures québécoises ce mois-ci, Il pleuvait des oiseaux est le seul récit dont je connaissais le propos et dont j'avais lu des tonnes de chroniques éparses toujours élogieuses. Un livre qui fait l'unanimité, forcément, ça interpelle. J'étais donc dans une joie frétillante à l'idée de l'entamer. Grave erreur, je pense : cette histoire mignonne n'a pas fait le poids face à mes attentes. L'histoire est mignonne, c'est indéniable. Le propos est plein de bons sentiments et développe une pointe d'originalité au départ et d'optimisme à la fin qui fait forcément du bien par où ça passe. Je me suis tout à fait représenté l'ermitage des ptits vieux et, franchement, j'ai adoré l'idée.
Il m'a néanmoins manqué de la profondeur, une espèce d'épaisseur essentielle pour que ça me touche vraiment au lieu de me faire seulement passer le temps. Avec un tel propos de base, on aurait pu écrire autre chose, m'a-t-il souvent semblé. Je n'ai pas tellement apprécié la forme du récit sous forme de chapitres tout à fait artificiels ni la caricature intersidérale campée par Marie-Desneige. Là où le lien entre les Grands Feux, Boychuck et la peinture aurait pu être passionnant, elle vire à la fabulette amoureuse et à la lecture totalement foireuse de tableaux. Bref, de bonnes idées mais trop de superficialité, trop de mignonnerie et pas assez de couilles, nom d'un petit lapin en mousse !
Disons-le : peut-être aurais-je plus apprécié ce récit à un autre moment, dans une autre humeur ? En l'occurrence, je venais de lire Sorray, le retour au monde peu de temps avant, qui se profilait dans la même veine - de la littérature mignonne qui fait du bien mais qui ne casse pas trois pattes à mémé non plus. Il faut croire que là où j'ai presque tout toléré dans Sorray (parce que précisément, ça m'a fait du bien), j'ai été beaucoup plus critique avec Il pleuvait des oiseaux (parce que j'étais déjà requinquée, merci). On en revient toujours à cette nécessité de bien choisir sa lecture et son moment. Les mauvais timings peuvent être tout à fait fatals...
Québec en novembre 2015 chez Karine et Yueyin
4ème participation
14 commentaires
Oui, c'est possible que tu l'eusses apprécié (oui, oui, oui...) dans une autre vie, dans une autre époque... Mais bon, avec des si... Tu sais que Jocelyne Saucier s'est inspirée d'une vraie personne e sa famille qui a vraiment vécu ça pour Marie Desneige ? Moi je me souviens avoir beaucoup aimé mais j'étais peut-être aussi complètement sous le charme de l'auteur rencontrée au Festival America...
Je ne savais pas pour l'inspiration de Marie-Desneige, non ! (Mais depuis, Mior a également pris le relais de l'information héhé). Mais vois-tu, c'est ça que je voulais dire par "on aurait pu en écrire bien autre chose" : le propos de base autour de Marie-Desneige, la violence qu'enjoint un internement arbitraire quasiment à vie, est une inspiration littéraire passionnante. Le résultat que j'en ai lu sous la plume de Saucier m'a semblé totalement décevant, caricatural et superficiel.
c'est toujours intéressant de lire des avis différents du sien ;-) moi j'y ai vu beaucoup de poésie et de douceur et j'ai vraiment aimé ces personnages ;-) mais je pense que tu as raison aussi quand tu dis que les moments sont importants pour nos lectures! :-)
Voilà ! Tout comme j'avais vu dans "Sorray", ma lecture québécoise précédente, beaucoup de poésie et de douceur. Mais je pense que deux livres de cet acabit à la suite, c'était trop pour moi et le second a donc souffert de ce timing... ^^
J'ai aussi ce sentiment de très bien mais sans plus. Je n'ai pas trop adhéré sauf à me dire que c'est un beau conte !
C'était en effet une belle histoire agréable et chaleureuse, sans plus.
Hehe, décidément, il n'était pas dans ta palette celui-là ;) Par contre, n'hésite pas à découvrir "Les héritiers de la mine" de la même auteur, quand ça te dira. Personnellement, j'ai préféré. Le style est beaucoup plus éclaté ! Bonne fin de semaine Lili :)
Ah mais oui, je le lirai aussi, comme tous les livres que tu m'as offerts, ma Topi ! J'ai toujours quelques scrupules à chroniquer une déception qui vient d'un cadeau mais je préfère être franche sur mon sentiment et l'appréciation de ma lecture. Ça n'empêche pas que je lirai cet autre titre de Saucier pour voir ce qu'il en est ! Mille bises douces¨¨*
Elle en a sorti un autre depuis et malgré ton avis mitigé, je pense que je lirai quand même cet auteur...
Tu as bien raison Maggie, d'autant que je suis quasiment la seule, avec Denis, à être un poil mitigée sur ce titre. Tout le monde l'a par ailleurs adoré !
Je n'aurai pas le temps de le lire ce mois-ci mais je tenterais sans doute dans un moment !
Héhé, pareil pour moi concernant Jacques Poulin ;)
Oui comme tu dis c'est mignonnet, tout à fait d'accord! Pour ma part, j'ai adhéré à la forme du roman, le récit, le point de vue par personnage. La romance, oui bon, ça enjolive on va dire. Ce que j'ai surtout aimé c'est le voyage, le dépaysement lié à un retour à la nature, pour s'éloigner d'une vie trop rangée. Et le questionnement qu'il y a derrière.
Ce dépaysement est effectivement agréable ! Mais comme je lis régulièrement des textes dans cette atmosphère, cela me rend sans doute d'autant plus critique.
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