Expiation de Ian McEwan
20/06/2016
Expiation de Ian McEwan, Folio, 2005, 488p.
Suite à ma découverte très plaisante de Ian McEwan avec Sur la plage de Chesil, je n'ai glané que des éloges d'un autre de ses romans (jusqu'alors inconnu à mon bataillon, je l'avoue) : Expiation. Un élément a retenu alors tout particulièrement mon attention et précipita non seulement l'achat mais la lecture du dit-titre : la question de l'écriture romanesque.
En 1935, Briony est une jeune demoiselle de treize totalement obnubilée par l'écriture. On peut, très franchement, parler d'une sorte d'obsession. Son quotidien, précieux et ordonné au centimètre près, est l'occasion perpétuelle d'une création ou, du moins, d'un projet créatif. Au début du récit, elle s'apprête à jouer sa première pièce avec des cousins fraîchement arrivés pour l'été. Briony se révèle très vite autoritaire, presque maniaque et, surtout, persuadée de décrypter au plus près faits et gestes tandis qu'elle ne fait que lire l'existence des gens qui l'entourent comme un roman à ciel ouvert : il y a bien du vrai, mais où commence l'imagination ?
Autour de cette auteure en devenir, évolue sa soeur Cecilia, elle aussi en pleine construction. Ce n'est plus l'adolescence qu'elle franchit mais l'âge adulte, où il lui faut doser l'affirmation de soi et comprendre ce qu'on ressent exactement entre le dégoût, la colère et l'attirance.
Le problème lorsque bien des êtres se cherchent et cherchent à comprendre les autres et le monde, c'est qu'ils n'aboutissent pas tous aux mêmes conclusions. Briony, pour le malheur de beaucoup, aboutira à une réponse romanesque dont elle est l'héroïne tragique salvatrice. Échec cuisant.
Quelques années plus tard, lorsqu'un peu de maturité et la tornade de la Seconde Guerre Mondiale seront passées par là , il sera tant de retrouver nos personnages sur le cheminement du pardon et de l'expiation.
Le début m'a déroutée : j'y retrouvais exactement un McEwam woolfien (je n'ai pu m'empêcher de sourire et d'acquiescer en lisant une référence aux Vagues de Woolf au fil du livre, d'ailleurs) mais je ne saisissais pas exactement où il m'emmenait. Soit, je ne boudais pas mon plaisir au départ : les pages relatives à Briony sont subtiles et savoureuses. Quel talent de saisir avec tant d'acuité le passage compliqué de l'adolescence et l'émergence d'un écrivain qui se cherche et se construit ! Malheureusement, je me suis très vite aperçue qu'absolument tous les personnages du roman m'irritaient profondément. Impossible de ressentir autre chose que de l'ennui chatouilleux pour Briony - les réflexions sur l'écriture et son processus mises à part -, pour Cecilia et les autres (dont j'ai déjà oublié les prénoms). Par conséquent, la première partie est lentement devenue un exercice de persévérance, m'accrochant péniblement à la promesse que bientôt, je n'allais plus pouvoir lâcher le livre.
Et là, c'est donc la dégringolade à partir de la deuxième partie, bien pire que la précédente dans l'ennui mortel car le style d'Ewan qui a le don de faire miroiter joliment les âmes au gré d'un rayon de soleil a disparu. Je tombai donc dans un roman lambda, où les personnages sont passés d'irritants à totalement inintéressants à mes yeux. Je n'ai développé aucun intérêt ni goût pour notre trio devenu fade et mièvre - Briony avec cinq ans de plus décroche la palme de la platitude - encore une fois, quelques très brèves réflexions sur l'écriture romanesque (et la fameuse référence aux Vagues) mises à part. Je me suis accrochée encore jusqu'aux dernières pages, tenue par la promesse d'une fin inattendue à faire pleurer les plus dures. C'est donc officiel : je suis un cœur de pierre et n'ai absolument pas saisi où était l'inattendu dans l'affaire. C'était terriblement attendu au contraire, non ?! (eu égard aux cinquante mille réflexions sur l'écriture romanesque sus-citées).
Bref, tout comme Briony avec sa conclusion romanesque à l'affaire familiale de 1935 : échec cuisant. Je me faisais une telle joie de ce roman ! J'étais tellement persuadée de l'adorer comme tout le monde ! Mais comme plusieurs blogueuses l'ont fait remarquer dernièrement, entendre trop de commentaires dithyrambiques d'un titre, c'est peut-être le meilleur moyen d'en être déçue... Je crois qu'à force, je m'en étais faite une idée tellement élevée, qu'évidemment, la déconvenue ne pouvait qu'être au bout du chemin...
Le mois anglais 2016 chez Lou et Cryssilda
6ème participation
LC autour d'un auteur contemporain
28 commentaires
Ah bah mince, c'est un roman que j'ai adoré !!
J'aurais aimé que ce soit aussi mon cas !
Ah zut alors ! A vous dégoûter de bloguer ;-)
Oui, l'effet "c'est génial tu verras" peut avoir des effets désastreux ...
Mais plus profondément , il y a un effet "les mystères de la litterature" qui fait que l'on peut recevoir un texte ( de qualité ) de façons fort différentes ...à un point parfois vraiment étonnant !
Et peutetre aussi le fait que si MacEwan a l'œil d'un entomologiste, il en a aussi la froideur... (Bcp n'ont pas aimé Chesil pour cette raison là) et que ses personnages sont rarement "sympathiques ".
Bon, tu es au courant d'un truc de dingue : il y a des gens qui n'aiment pas Woolf !!
Tu as raison, ça fait partie du mystère des Lettres qu'un bouquin marche ou pas. Franchement, d'après la 4eme de couv, j'aurais bien plus misé sur "Expiation" que "Sur la plage de Chesil" et pourtant c'est le second que j'ai apprécié...
Et ouiii, je ne le sais que trop qu'il existe des gens qui n'aiment pas Woolf ! Mais honnêtement, j'ai beau l'adorer, la vénérer, l'aduler (etc.), je comprends tout à fait pourquoi !
Quel courage d'être allée jusqu'au bout ! :)
J'aime cet auteur, mais je trouve qu'il y a du bon et du moins bon parmi sa production. Je ne pense pas avoir lu celui-ci, je ne m'en souviens pas en tout cas, mais cela ne me donne pas envie non plus ! (Keira Knightley en couverture... no way !)
Si tu aimes McEwan, ça vaut sans doute quand même le coup de tenter ce titre-là : il pourrait te plaire. Ne serait-ce que pour être fixée !
J'avais découvert le film de Joe Wright et je t'avoue qu'il m'avait complètement bouleversée (James McAvoy quand même !). Du coup je connaissais l'histoire en lisant le roman et j'avais les personnages "réels" en tête, ce qui a sans doute joué aussi pour apprécier le roman (même si du coup il n'y avait plus aucun suspense).
Je voulais regarder le film après la lecture du livre, justement. J'avoue que je n'en ai plus autant envie que ça...
Je n'ai même pas pu le finir celui-ci tellement je m'ennuyais!
Je me sens moins seule !
J'ai récemment vu le film et j'avais beaucoup aimé (il y a James McAvoy dedans ça aide) :)
Pour tout avouer, je ne sais même pas qui est James McAvoy...
Il faut que je l'avoue (je l'ai peut-être déjà fait ici ?) le peu que j'ai lu de Virginia Woolf m'a fait bailler... par contre ce roman de McEwan m'a enthousiasmée... tout arrive dans la vie de lecteur !
Je crois que tu me l'avais dit pour Woolf ;)
J'ai vu le film dans des conditions assez désastreuses (les copines qui connaissaient le film par cœur et pleuraient par avance, et il était évidemment hors de question de ne pas le voir en VO) et me suis ennuyée à périr, même avec le (beau ?) James McAvoy. Un peu comme toi, je crois que trop d'attente ont entouré ce film / roman et ont gâché l'impression qu'il aurait pu faire dans d'autres circonstances. Dommage pour toi en tout cas, surtout que les références à Woolf étaient un sérieux atout pour te plaire, non ?
C'était même l'atout de choix ! Mais c'était sans doute aussi une barre un peu trop haute par la même occasion...
roman encensé en effet! jamais lu encore l'auteur. Vu le film par contre, plutôt pas mal. Et cette couverture qui allie titre du film et titre du roman me fait bondir à chaque fois!
La couverture est atroce, je suis totalement d'accord !
je ne l'ai pas lu pourtant j'ai lu pas mal de McEwan... je vais vraiment finir par croire qu'il y a soit des excellents romans soit des pas bons... D'un même auteur, c'est étonnant !
Il a l'air de ne pas être égal, en effet...
J'avais arrêté en milieu de parcours mais me promets de le lire un jour !! J'avais adoré la première partie pour ma part, l'univers créé me fascinait, j'appréciais les personnages... mais dès lors qu'on s'est mis à accorder davantage de place à la grande soeur, j'ai commencé à m'ennuyer.
Pour ma part, le personnage de Cecilia m'a plu. J'ai trouvé intéressant son cheminement vers l'âge adulte. Le souci, peut-être, ce sont bien des longueurs qui donnent à l'ensemble de la première partie un caractère beaucoup trop lent...
On me l'a conseillé mille fois... J'en lirai peut-être un de l'auteur...
Ça mérite d'être tenté !
Je tricherai et regarderai le film :)
Héhé, je te comprends !
Rhoo je dois faire partie de celles qui t'avaient conseillé le titre ! J'avais adoré la 1e partie et ses personnages un peu ingrats justement, et cette suprême injustice qui tombe au moment de l'éclosion d'un amour naissant... La 2e partie m'avait ennuyée et l'épilogue m'avait révoltée, dans le sens où je n'acceptais pas le destin des personnages XD Quoi qu'il en soit ce livre m'avait secouée, mais je suis d'accord avec toi en ce qui concerne ses défauts.
Malheureusement, chez moi, il n'a rien remué du tout :/
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