La théorie des cordes de José Carlos Somoza
29/10/2012
La théorie des cordes de José Carlos Somoza, ed. Actes Sud, Coll. Lettres Hispaniques, 2007, 514p.
Comme je vous l'avais dit dans ma chronique de La caverne des idées le mois dernier, on retrouve systématique deux ingrédients dans les romans de Somoza et celui-ci comme les autres, ne dérogent à pas cette règle.
Un univers particulier tout d'abord, la plongée dans un monde érudit que l'auteur triture pour l'interroger. Comme le titre de l'ouvrage l'indique, il a cette fois jeté son dévolu sur la physique contemporaine et cette fameuse théorie des cordes qui admet l'existence hypothétique de plusieurs dimensions que nous ne pouvons percevoir, notamment celles du temps. Dès lors, Somoza met en scène plusieurs chercheurs, philosophes des sciences, anthropologues et bien sûr physiciens, pour participer à un programme mystérieux sur ce sujet, financé par un fonds privé. Elisa Robledo, notre protagoniste, est l'un deux. Recrutée par l'éminent David Blanes, elle y découvre la possibilité d'isoler certaines cordes de temps et de les "ouvrir" littéralement avec suffisamment d'énergie, afin d'observer des évènements passés.
Et puis, dès lors, des ficelles tenants de la SF et du thriller se mettent en place. A l'excitation d'approcher un enjeu scientifique aussi majeur, succède apidement l'inquiétude, l'angoisse puis la terreur viscérale d'avoir ouvert la boîte de Pandore. Et dix ans après chez les personnages encore en vie, celle-ci est toujours vivace. Car depuis les premiers travaux, des participants au projet ont commencé à disparaître dans des circonstances non seulement étranges mais surtout épouvantables. Et lorsqu'Elisa, en 2015, empoigne un journal et découvre qu'un nouveau membre est assassiné en Italie, elle se laisse submerger par la peur et déroule enfin le fil du passé à son ami Victor Lopera.
Comme toujours, je suis très bon public avec les romans de Somoza. Je me fais prendre sans discuter dans le suspens haletant et je bois les pages comme une tasse de thé, sans voir le temps passer. Je crois qu'il ne m'est arrivé qu'avec lui de rester scotchée des heures sur un livre au point de ne pas m'apercevoir de la nuit tombée. En outre, j'ai découvert grâce à ce roman des problématiques scientifiques qui étaient parfaitement inconnues à la franche littéraire que je suis (et je ne regarde même pas Big Bang Theory, vous imaginez!) - j'ai ainsi approché rapidement la question de la relativité, des dimensions, et du temps de Planck. Somoza a non seulement le don de vulgariser avec justesse des domaines parfois abscons mais aussi d'en tirer une dynamique accrocheuse et passionnante qui toujours me surprend et qui, pour moi, tient vraiment du génie littéraire.
Néanmoins, malgré cette attirance personnelle pour l'auteur, je tâche de ne pas en perdre mon objectivité littéraire et je dois bien reconnaître que j'ai présentement quelques petites choses à lui reprocher.
Tout d'abord, à force de le lire, je supporte de moins en moins le problème qu'il entretient visiblement avec la gente féminine - et en tant que psychanalyste de formation, il devrait vraiment songer à le soigner. A part La caverne des idées, son premier roman pour lequel il n'avait visiblement pas encore trouvé ce "truc" qu'il reproduit depuis, chaque ouvrage de Somoza est affublé d'une bonnasse décrite abondamment et habillée les 3/4 du temps comme une péripatétitienne, évidemment supérieurement intelligente, avec un mental à toute épreuve blah blah blah. Bref, Somoza fantasme sur Lara Croft et donc, logiquement, on se tape l'ersatz de Lara Croft dans tous ses bouquins. Je dois vous avouer que c'est profondément lassant à la longue. Honnêtement, dans un ou deux bouquins pourquoi pas, surtout si ça sert l'histoire. Mais dans tous les bouquins ?! Ca frise le manque d'originalité voire la fixette pitoyable.
Ensuite, on pourrait reprocher à La théorie des cordes une progression lente, peut-être trop lente, de l'intrigue. Elle met un certain temps à décoller - un peu comme dans le deuxième tome de Millenium, vous voyez ? Au bout de 150 pages, on est toujours pas dans le vif du sujet, et Elisa Robledo ne cesse de dire "Et c'est alors que le pire est arrivé" mais en fait non. En parlant de ça, à force d'attendre le pire, on l'attend finalement comme le Messie et le danger, dans tout ça, c'est d'être un poil déçu. Cela n'a pas été mon cas ici, mais avec un suspens aussi grossier relancé si souvent, cela ne m'étonnerait pas que d'autres que moi plus habitués à des thrillers SF se lassent franchement.
Pour conclure, La théorie des cordes a été pour moi une lecture parfaitement réussie : j'ai accroché tant au sujet traité, aux hypothèses émises et aux réflexions soulevées sur l'éthique scientifique qu'au suspens enlevé. Je suis persuadée qu'il saura séduire des lecteurs habituellement peu portés sur la thématique ou la forme du thriller. Les plus connaisseurs par contre, déploreront sans doute une spéculation scientifique et une progression narrative un peu grossières. Mais ceux-ci pourront se tourner vers d'autres horizons de lecture. Il en faut pour tous les goûts !
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6 commentaires
J'avais adoré La dame n°13 et j'ai acheté Clara et la pénombre dans la foulée. Je ne l'ai pas encore lu. Puis j'ai acheté L'appât et je ne l'ai pas encore lu non plus. Tu me fais une piqûre de rappel !
Il y a un bon moment pour chaque lecture : des fois les livres attendent longtemps dans la PAL et puis un jour, on les prend et on les dévore ^^
Fan de Somoza, je les ai tous ;-) Des petits bijoux d'écriture...
En plus dans la théorie des cordes, sur le thème de la physique, ça n'était pas gagné d'avance, je ne suis pas adepte des matières scientifiques ! Mais c'est Somoza et il sait donner un attrait même à cela.
Oui il est vraiment passionnant et captivant !
Un auteur qui me tente énormément, et qu'il me tarde de découvrir (Clara et la pénombre végète dans ma PAL depuis bien trop longtemps à mon goût). Ton enthousiasme est communicatif !
Merci Miss Léo ! Il n'y a pas à dire : j'aime énormément cet auteur ! J'espère que "Clara et la pénombre" te plaira :)
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