Bel Ami de Guy de Maupassant
30/09/2013
Bel-Ami de Guy de Maupassant, ed. Folio, 415p., 1885
Au début du roman, Georges Duroy sort d'un restaurant et respire Paris. Ancien sous-officier, le voilà modeste employé avec une féroce envie de réussir - c'est-à-dire être riche et en mettre plein la vue. Il n'a aucun talent particulier si ce n'est celui de séduire. Mais dans une société en pleine mutation où les possibilités de réussite poussent comme des bolets en octobre, Georges Duroy n'a pas besoin de plus. Il possède même l'arme fatale.
Lorsqu'il rencontre au hasard des rues son ancien camarade d'armée, Charles Forestier, il saute sur l'occasion. Il découvre que le journalisme est un merveilleux ascenseur social et Forestier lui propose de l'y introduire. Qu'il ne sache pas écrire n'est pas un problème : depuis quand un journaliste a-t-il besoin d'écrire? Il se contente de faire écrire ses premières chroniques par Madame Forestier puis de voguer de femmes en femmes jusqu'au sommet qu'il s'est choisi, dans la plus totale décomplexion et une pointe de machiavélisme de comptoir.
Si Rastignac est l'arriviste dandy et élégant, Georges Duroy en est sa version premier prix. Malgré cette beauté que Maupassant ne cesse de nous vanter - des cheveux blonds cendrés, une moustache parfaite agitée au gré des coquineries, Duroy n'est rien d'autre qu'un jeune mufle peu intelligent avec les dents qui rayent le parquet. Et aucun scrupule ne l'encombre ! Ni celui de pénétrer dans un domaine professionnel pour lequel il n'a aucune aptitude, ni celui de manipuler les femmes de pour arriver à ses fins. Au début, son goût de réussir à quelque chose d'attachant. On sent une grossièreté de paysan rouennais qui attend ardemment de toucher du doigt la plus grosse pâtisserie de la vitrine. Mais progressivement, son envie devient dévorante, insatiable voire cruelle. Le livre se termine et pourtant, le lecteur ne peut s'empêcher de suspecter encore notre héros de quêter de nouvelles avancées. Lors de son mariage avec l'ex-madame Forestier, il offre d'ailleurs à son nom un avatar aristocratique : Du Roy de Cantel. Ce petit tour découvre à lui seul toute la modestie et le snobisme de mauvais-goût de notre héros.
Ces quelques considérations sur Duroy étant faites, il faut bien évidemment ajouter que Bel-Ami est un excellent tableau satirique de l'univers parisien fin de siècle. Tout le monde en prend pour son grade : tant la politique épinglée dans ses malversations et ses calculs mesquins que le journalisme dans son absence de professionnalisme, d'objectivité et de qualité. Maupassant a chroniqué pour des revues et publié nombres écrits (dont Bel-Ami) sous forme de feuilletons. Il est donc bien placé pour plomber son sujet. Ici, qu'il s'agisse des politiques ou des journalistes, c'est l'argent qui tire toutes les ficelles. A la tête de La Vie Française : un riche juif qui n'a cure de l'écriture. Aux affaires étrangères : un provincial également riche qui n'a cure des retombées d'une bataille. C'est donc la politique en Afrique du Nord qui fait les frais des ces considérations mercantiles sous le manteau et, tandis que les deux sus-cités s'enrichissent encore plus, une intervention militaire s'engage avec surprise.
Je ressors de cette lecture plutôt séduite. Pas complètement foudroyée comme j'ai pu l'être chez Zola, avouons-le, mais moi qui y allait à reculons, je n'ai pas vécu l'ennui que je redoutais. L'écriture de Maupassant est simple, claire, sans emphase. Il pique juste sans en faire trop. Le personnage de Bel-Ami est décidément savoureux de muflerie rustre et la satire de l'époque en général/du journalisme en particulier est sans objection.
Il fait bel et bien partie des classiques à avoir lus au moins une fois dans sa vie !
Challenge XIXème siècle chez Fanny et Kheira (Netherfield Park)
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11 commentaires
J'avais été agréablement surprise par ce roman qui me faisait un peu "peur" mais que j'ai finalement beaucoup apprécié !
L'adaptation ciné est, en revanche, totalement ratée, à mon avis... Je me suis beaucoup ennuyée en tout cas !
Je n'en ai vu que la bande-annonce et elle ne me donne pas du tout envie ! J'ai l'impression qu'ils sont complètement passés à côté de l'histoire !
J'aime beaucoup Maupassant, surtout ses contes que j'ai lu à plusieurs reprises. Il me reste ses romans à lire désormais !
De mon côté, je n'ai jamais lu ses contes ! Que me conseilles-tu ? Pour l'instant, j'ai "Le Horla" dans mon Kindle :)
J'ai lu et relu Maupassant, je le trouve délicieux et acide, un mélange sucré-salé subtil ! J'ai vu les adaptations de certaines de ses nouvelles sur F2 avec plaisir mais le film Bel-ami, j'en ai entendu trop de mal pour m'y risquer !
Tu résumes à merveille l'écriture de Maupassant et tu me donnes vraiment envie de continuer à le lire ! J'ai aussi regardé plusieurs des adaptations de ses nouvelles, elles sont très réussies !
Je n'aimais pas Maupassant depuis le lycée et la lecture complètement rébarbative d'Une vie. Par contre, Bel-Ami a été un coup de coeur pour moi. Il faudrait que je découvre la suite de son oeuvre.
Ah, moi j'avais beaucoup aimé "Une vie" ! Enfin, ça date un peu mais dans mon souvenir, ça m'avait plu. Il faudrait que je le relise un de ces 4 !
Je me souviens avoir aimé "Le horla" alors que je ne me souviens pas de l'histoire. J'ai acheté ce titre-ci lors d'une de mes envies de relire des classiques mais l'envie est passée :-/
Ah non, c'est "Une vie" que j'ai.
Bon, je m'apprêtais à te dire que tu pouvais te lancer dans "Une vie", ça se lit très bien et c'est très touchant mais j'ai relu le commentaire de Shelby qui infirme cette suggestion héhé. De toute façon, si tu n'es pas dans une humeur de classiques, ce n'est pas la peine : tu risquerais de te gâcher la lecture juste parce que ce n'est pas le bon moment. Maupassant peut bien attendre tranquillement sur l'étagère :)
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