Un balcon en forêt de Julien Gracq
26/09/2013
Un balcon en forêt de Julien Gracq, ed. José Corti, 1958, 253p.
Depuis le temps que j'entendais parler de Julien Gracq ! Mes professeurs de Lettres m'en ont toujours vanté le phrasé, la langue ciselée, poétique, impeccable. Peut-être trop d'ailleurs car, à force, je crois que j'en ai eu un peu peur. Un peu comme avec Proust, vous voyez ? On en vient à se demander si on pourra lire un tel auteur et l'apprécier à sa juste valeur. Si on peut prendre le risque de passer à côté. Bref, Julien Gracq me collait un peu les miquettes.
Finalement, il m'a fallu le trouver sur une plaquette de lectures imposées pour me motiver à tenter le voyage. Comme quoi, les lectures imposées ont parfois du bon.
Un balcon en forêt ne raconte rien - et donc il dit l'essentiel. L'aspirant Grange est envoyé en faction dans un petit fortin au bord de la Meuse, au tout début de la deuxième guerre mondiale. Il a sous ses ordres trois soldats mobilisés et ne fait quasiment rien de ses journées durant neuf mois, soit les 3/4 du livre. Nous sommes à cette période méconnue, cette drôle de guerre, où les français sont positionnés en nombre réduit autour de la ligne Maginot (où l'essentiel des moyens étaient déployés) et attendent les nazis. Seulement, ils attendront un bon moment avant d'en apercevoir les balles. Et durant ce temps, Grange s'inscrit dans cette vie retirée, pleine de la forêt vitale et d'une vie bucolique resserrée autour d'un petit village. Son quotidien semble être celui d'une ermite à la fois contemplatif et routinier. C'est la nature qui exprime toute la palette des sensations innombrables. En elle que s'imprime l'évolution des heures. Elle semble immobile tout d'abord puis devenir aigre à l'approche des troupes ennemies. La rencontre avec Mona est également de toute beauté tant elle apparaît comme une nymphe perlée de pluie, irréelle et pimpante.
Progressivement et avec une irréalité ironique, les nazis finiront pas atteindre le fortin de leur obus et par tuer deux soldats. Grange n'est que blessé mais préfère rester là, dans ce microcosme étrange. Tellement plein que la solitude n'est plus un problème.
Je ressors de cette lecture très étonnée. Julien Gracq distille une poésie déroutante, presque fantastique. S'il n'est pas question d'épisodes rebondissants, l'écriture et le paysage se meuvent perpétuellement. Dans cette immobilité, les secondes deviennent pénétrantes. En outre, le style de Gracq est à la fois d'une grande modernité dans cette déconstruction du récit et emprunte pourtant au plus grands auteurs du XIXeme dans le phrasé. Je n'ai pu m'empêcher de retrouver fréquemment des formulations typiques de Zola, par exemple.
La lecture de Gracq est indéniablement un voyage du style, en apesanteur.
8 commentaires
Lu il y a longtemps, j'en garde un bon souvenir mais pas dans les détails... Et on ne peut pas tout relire, groumpf !!! :) Tu en parles très bien ! ^^
Non c'est clair ! Mais pour ma part, ça m'a donné envie de découvrir le reste de son oeuvre :)
Merci pour ton passage par ici Aspho, je me disais que Gracq ne passionnait pas grand monde hihi ^^
Arf ça se passe près de chez moi et je ne l'ai jamais lu. Il faudrait que je m'y mette quand même !
Surtout que, même s'il est un poil flippant de prime abord, il vaut vraiment le détour :)
Je ne suis pas sûre que ce soit pour moi.
Spontanément, je ne te le conseillerai pas...
On m'a souvent dit qu'il FALLAIT que je le lise. C'est sans doute pour ça que je ne l'ai pas fait! :) Opposante, dit-on!
Mais c'est le problème avec Gracq et d'autres auteurs : on ne serine tellement avec comme étant la quintessence de la littérature, que ça bloque. Il faut essayer d'oublier tout ce qu'on nous dit !
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