La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette
17/02/2014
La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, dans toutes les éditions de poche que vous voudrez, 1678, 180p. grosso modo (ouais, aujourd'hui, je le fais à la louche)
Résumer La Princesse de Clèves apparait plutôt périlleux puisque, avouons-le, il ne se passe techniquement pas graaaand chose. C'est sans doute bien ce qui rebute beaucoup de monde d'ailleurs. On sait tous que le roman relate une passion amoureuse qui ne se concrétise jamais et, disant cela, on a à peu près tout dit. Mais à peu près seulement. Car s'il n'est effectivement pas question d'aller de péripétie en péripétie et de tourner frénétiquement les pages, La Princesse de Clèves est tout de même bien plus que ce piètre raccourci contemporain.
Il faut dire, tout d'abord, qu'il nous promène sous le règne d'Henri II, au début de XVIème siècle. Madame de Lafayette fait revivre une époque et la cohorte d'intrigues de cour qui s'y rapporte avec faste et beauté : il ne sied pas, en effet, de présenter une cour autrement qu'en la montrant magnifique. Ainsi donc, en parallèle de la passion entre Madame de Clèves et le Duc de Nemours, le lecteur découvre un nombre incalculable d'affaires entre divers personnages. Qu'il s'agisse d'une lettre volée au Vidame de Chartres qui met en péril son honneur et celle d'une maîtresse ou bien de l'intrigante influence de la duchesse de Valentinois sur le Roi lui-même, tout n'est qu'amour, gloire et beauté (oui oui). Pour apprécier La Princesse de Clèves, il faut donc avoir deux affinités nécessaires : d'une part, un fort penchant pour l'histoire et ses méandres (sans quoi, un certain nombre de passages apparaîtront comme de fastidieuses digressions), d'autres part, apprécier cette vie parallèle qui s'inscrit en contre-point de l'apparence de la cour où tout se joue à coup de non-dits, de courriers secrets, de confidences et de rendez-vous dérobés (Il y a quelque chose des Liaisons Dangereuses avant l'heure, le machiavélisme et la réflexion sur un nécessaire juste milieu en moins)
Ces points posés, Madame de Lafayette expose tant une réalité qu'un point de vue particulièrement pessimiste sur le sentiment amoureux. La Princesse de Clèves est déjà mariée lorsqu'elle rencontre le Duc de Nemours et, malgré une passion qui les saisit tous deux, il n'est pas envisageable pour elle de s'y laisser aller. Telle est la réalité : céder, à cette époque, c'est perdre son honneur. Tandis qu'une femme moins vertueuse aurait eu moins de scrupules sur ce point, jugeant, selon le vieil adage, que "ni vu ni connu, j't'embrouille", Madame de Clèves fait preuve d'une droiture d'esprit qui ne lui permet pas le mensonge. En outre, que nous dit-on de l'amour : qu'il envahit, qu'il affaiblit et déroute. Que, n'étant plus maître de soi, l'être est à la merci de ce qu'il ressent. La jalousie, surtout, est le dommage collatéral le plus abject et le plus inévitable de la passion amoureuse. Et c'est précisément cette jalousie qui tue - au sens propre du terme dans ce roman, et continue de pourrir la vie malgré le trépas.
Voyez-vous donc, La Princesse de Clèves a bien des choses à nous dire, au-delà de l'à peu près du résumé ci-avant. Ces choses là ne sont certes pas follement amusantes. Autant ne pas attaquer ce roman si vous voulez de la légèreté ou du divertissement. Par contre, il faut vous ôter de l'idée que le roman est terriblement ennuyeux comme le colporte à tort la rumeur. J'y allais à reculons comme bien du monde à cause de ça et ai été agréablement conquise. Je n'irai pas jusqu'au coup de cœur, soyons sincère, mais ce n'est franchement pas passé loin. Quel plaisir de vivre de telles bonnes surprises !
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18 commentaires
Je le lirai quoi qu'on en dise, mais j'avoue que ton avis est assez rassurant. Un classique comme je les aime.
Si tu aimes l'histoire et la vie de cour, ce sera en effet un classique comme tu les aimes ! Finalement, il y a beaucoup de classiques qui ne sont si "horribles" que la rumeur le véhicule ^^
Comme je te l'ai déjà dit j'avais adoré ce livre et ton magnifique billet me donne envie d'y plonger à nouveau !
C'est toujours sympa de relire un livre après plusieurs années ! On se rend compte comme notre regard a évolué - ou pas !
Pas lu cette princesse-là, mais La princesse de Montpensier de la même Madame de La Fayette, très bien aussi, classique pareillement et pas du tout ennuyeux
Je note cette autre princesse pour une prochaine envie :)
Je l'ai lu il y a un petit moment maintenant (un peu plus de dix ans) mais je me souviens que j'avais beaucoup aimé. Et tu en parles si bien que j'aurais presque envie de le relire ;)
Héhé, ça me fait plaisir ! C'est toujours sympa de donner envie de lire ou de relire avec un billet !
Je t'avais laissé un commentaire et je ne le vois pas apparaître. ???
Je ne l'ai pas reçu :/
J'ai des difficultés pour laisser mes commentaires chez toi, je ne sais pas pourquoi et si je suis la seule? Mais ça l'air de marcher à présent! Je disais que La princesse de Clèves et le premier grand roman français qui s'appuie sur la psychologie des personnages. Evidemment pour bien l'apprécier il faut quitter la mentalité de notre époque et se glisser dans l'histoire, les moeurs d'un autre siècle. Pour ma part, j'ai beaucoup aimé ce roman.
J'avais tenté de le lire il y a très longtemps mais je l'avais abandonné en cours de route, sans réussir à rentrer dans l'histoire, il faudrait que je retente un jour !
Ce n'était peut-être pas le bon moment à l'époque ! J'espère qu'il saura te séduire une prochaine fois.
J'hésite car comme tu le sais, je n'aime pas les romans historiques mais j'ai adoré Les liaisons dangereuses ! Comme quoi, je peux être trèèèès incohérente (comme toutes les filles, non ?)
Vive l'incohérence, surtout littéraire (c'est la moins chiante à vivre, héhé) !
Pour ce qui est de ce titre, j'avoue que je ne me lancerai pas à te l'offrir, mais qui sait, il pourrait te surprendre et ton appréciation me surprendre par la même occasion !
@claudialucia : Tu n'es pas la seule pour les commentaires ! Depuis jeudi, je n'arrive pas à laisser plus d'une réponse aux commentaires à la fois, c'est rageant. J'espère mieux réussir aujourd'hui... C'est vraiment chiant, ces bugs de plateforme.
Pour en revenir au roman, tu as raison concernant la psychologie des personnages. On est vraiment à une étape importante de l'évolution du genre romanesque avec cette œuvre !
Un roman que j'ai lu ado puis relu il y a deux ou trois ans et que j'ai totalement redécouvert et lu autrement. Lors de ma première lecture j'étais touchée par l'amour de Nemours pour la princesse, et puis lors de ma lecture, le Prince de Clèves m'est apparu tellement plus intéressant et touchant. Et puis j'aime aussi ce roman pour sa place dans la littérature française !
Ah oui, je suis complètement d'accord ! L'amour du Prince de Clèves est particulièrement touchant. Il m'a aussi beaucoup touchée.
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