Jonathan Strange & Mr Norrell de Susanna Clarke
14/09/2015
Jonathan Strange et Mr Norrell de Susanna Clarke, Le livre de poche, 2008, 1144p.
Avant de me lancer dans le vif du sujet, avant d'en dire quoi que ce soit, il faut commencer par me réjouir d'une victoire personnelle : Je l'ai fait ! J'ai lu un maxi pavé ! Le genre de poche tellement énorme qu'on se demande pourquoi ne pas avoir fait deux tomes (franchement, c'est moins flippant au premier abord et c'est plus facile à transporter dans le sac à main). Mais je l'ai fait ! Poussée un poil aux fesses par la proposition de LC de Shelbylee, j'ai fini par trouver le courage de sortir ce gros machin de ma PAL dans laquelle il trainait depuis Mathusalem (parce que les pavés et moi, les vrais pavés, je veux dire, les briques pour caler les meubles, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé). Et heureusement pour ma pomme, je l'ai fortement apprécié ! (Soyons honnêtes, de toutes façons : si ça n'avait pas été le cas, je n'aurai pas poussé le bouchon jusqu'à la dernière page.) C'est donc un bon point pour commencer : même si vous n'aimez pas les pavés a priori, ne partez pas à toutes jambes. Vous pourriez tout de même aimer cet opulent roman !
Du début à la fin, la Fantasy et l'Histoire se mêlent habilement pour développer durant une quinzaine d'années le récit de deux magiciens d'un nouveau genre.
Tout commence en 1806 tandis que Mr Norrell s'attaque aux petites sociétés de magie éparses dans le nord de l'Angleterre, fustige les amateurs incultes et grappille tous les ouvrages de magie disponibles sur le marché. Car Mr Norrell est le premier praticien de magie depuis plusieurs siècles et entend être le seul. Il entend aussi s'ouvrir à un destin noble et glorieux : celui de soutenir l'Angleterre dans ses différentes entreprises et notamment dans sa lutte face à Napoléon. Pour cela, il doit convaincre les membres du gouvernement qu'il n'est pas un obscur magicien de plus, comme se déclare l'être quelques individus dépenaillés des rues de Londres. Mr Norrell accomplit alors le miracle ultime, non sans réclamer l'appui d'un homme-fée dont l'engeance est réputée pour sa fourberie. Cet évènement sera effectivement le début de l'incursion problématique de cet individu magique dans l'existence de bien des personnages, la source à la fois de folies délicieuses et de frustrations déprimantes.
Mais, malgré ses efforts, Mr Norrell n'est pas le seul magicien d'Angleterre. Un autre est appelé à un grand destin par la prophétie du roi Corbeau : Jonathan Strange, qui découvre sa vocation au hasard d'une rencontre, teste ses talents au hasard d'un plateau d'argent et de quelques fleurs séchées. Et voilà que notre second magicien entre en scène, plus alerte, plus charismatique et plus avenant que le timoré Mr Norrell. C'est grâce à lui que l'Angleterre parvient à vaincre Napoléon. Tout d'abord l'élève de Norrell, Strange finira par se détacher de certains dogmes absurdes de son maître et prendra les routes plus dangereuses des grands magiciens de jadis.
Ce roman, de part sa taille et, sans doute aussi, de part quelques faux espoirs qu'il pourrait susciter, plait ou ne plait pas, sans entre-deux. Les déçus pourront lui reprocher quelques lenteurs et une dynamique un peu pauvre. De fait, mieux vaut ne pas attendre de ces 1100 et quelques pages qu'elles soient haletantes à la façon d'un page turner de plage. Jonathan Strange et Mr Norrell n'est pas une aventure, ce n'est pas non plus un policier et il ne se dévore donc pas comme tel. Il s'agit plutôt d'un roman d'ambiance, de la chronique savante et minutieuse d'une une époque à mi-chemin entre fantasme et réalité. Susanna Clarke imbrique les deux avec une telle habileté que l'on serait presque tenté, parfois, de se demander où est le vrai et où est le faux ; on aurait presque envie de croire avec jubilation que l'usage de la magie était en vigueur sur les champs de bataille napoléoniens. Lentement mais sûrement, on est plongé dans un monde qui nous enveloppe comme une doudoune chaude que l'on n'a plus envie de quitter. Je conçois parfaitement, en refermant ce livre, pourquoi il a été adapté au format série : suffisamment d'action pour rythmer un épisode savamment mais suffisamment peu, ou distillée avec parcimonie et uniformément, pour progresser lentement et sur une taille imposante. Ce roman est une sorte de marathon, voyez-vous, mais de cette sorte qui se mène avec plaisir - si ce n'est engouement - et dont on savoure l'intelligence, le style et l'imagination - si ce n'est le suspens. Il pourra plaire à beaucoup de ceux qui sont habituellement réfractaires à la Fantasy ou aux gros pavés et pourra décevoir ceux qui les apprécient d'ordinaire. Il pourra aussi séduire ou ennuyer tout le monde. Le fait est, surtout, qu'il pourra vous surprendre, quels que soient vos goûts a priori. Ne lui claquez donc pas la couverture au nez sur une supposition et laissez-vous tenter !
Lecture commune avec Shelbylee
Challenge A Year in England chez Titine
4eme lecture
Challenge un pavé par mois chez Bianca
Deuxième participation de septembre, hop !
20 commentaires
Pour une période de "flemme littéraire" (sic), tu te poses là ! ^^ Pour notre prochain pavé commun, j'imaginais le commencer début octobre...
Non mais je triche, je l'ai lu en juin/juillet ce roman-là ! J'attendais juste Shelbylee, puis elle a attendu que je retrouve internet après mon déménagement... D'où une publication qui tombe pile après la flemme dont je parlais hier mais qui s'est en fait produite après héhé.
Ok pour commencer le Joël Dicker début octobre, je l'entamerai donc sans doute après le roman que j'ai en cours !
On peut dire que que tu sais le vendre en tous les cas, moi tu m'as donné envie...J'aime ce que tu dis sur l'atmosphère plutôt que l'action à tout prix...;
Oui vraiment, c'est un roman d'ambiance, et c'est ce qui est bon, je trouve ! On s'y croit complètement, on est totalement habité :)
Tu m'as eue avec "roman d'ambiance" ;) Et puis, la magie, le nord de l'Angleterre, c'est tentant !
Franchement, on a terriblement envie d'y être ! J'adore ce genre d'ambiance !
Je n'avais pas été totalement convaincue par le recueil de nouvelles de Susanna Clarke et du coup je n'ai jamais eu envie de lire celui-ci. je suis plus tentée par la série que par le roman. Peut-être me donnera-t-elle envie d'ouvrir le roman !
J'avais lu pas mal d'avis mitigés sur le recueil de nouvelles, c'est vrai... Je ne suis pas forcément tentée de le lire non plus.
Néanmoins, tu as raison : essaye quand même la série car elle est très agréable à regarder et l'univers est plutôt bien rendu !
Le titre me disait quelque chose et la fin de ton article m'a éclairée... c'est de la série que j'ai entendu parler !
J'aime bien la façon dont tu évoques le roman, cette idée de "marathon", et je conçois que la barrière des 1000 pages soit toujours effrayante ;) Je crois qu'à part quelques Stephen King, qui relèvent davantage du page turner pour le coup, je l'ai rarement dépassée... Mais écoute, à l'occasion, je ne dis pas "non" :) J'aime cette idée d'accompagner des personnages au fil de (très) nombreuses pages...
Pour ma part, je n'ai jamais lu Stephen King (tralala...)
Bon, si tu ne trouves pas le temps de tenter le gros pavé dont je parle, n'hésite pas à tester son adaptation série : elle est vraiment réussie !
On commence toutes les 2 par une victoire face à ce pavé^^ Je ne suis pas sûre par contre de caler les meubles avec, ou alors, il faut avoir un sacré problème de meubles ^^ Je suis bien contente d'avoir partager cette longue aventure avec toi. Il faut que je termine de regarder la série, je n'ai pour l'instant vu que le premier épisode.
Tu n'as pas tort, c'est peut-être un plan foireux pour caler les meubles... En attendant, file vite poursuivre la série, qui est vraiment pas mal du tout !
Je fais partie des déçus... Je n'en pouvais plus de tous ces gens que j'avais tellement envie d'étrangler ! :) Je pense que la série me conviendrait beaucoup mieux.
(Je réalise en écrivant cela que j'ai eu le même problème pour Game of Thrones : j'ai voulu lire le livre par principe et maintenant je pense que j'aurais dû tenter la série.)
Ah ben voilà : ça passe ou ça casse ! Note que ce n'est pas passé non plus pour moi avec GOT... Mais il n'en est pas de même avec la série par contre.
Beau billet! Je suis en train de le terminer en anglais. C'est juste génial. Je suis complètement accro. Tu as raison c'est in livre d'atmosphère. Je n'ai pas lu la fin, bientôt. Je te dirai si mon avis est toujours positif. Bises
Oh, en anglais ! Tu as du courage ! J'espère que la fin te plaira !
Il est dans ma PAL depuis très longtemps mais j'ai peur de m'ennuyer, j'ai lu beaucoup de billets négatifs même si le tien est plus élogieux !
C'est vrai que ce roman n'a pas plu à tout le monde. Précisément parce que certains attendaient, à tort, un page turner. Lorsqu'on sait à quoi s'en tenir, c'est tout à fait différent :)
J'aime beaucoup Stephen King. Il y a quelques mois de ça, avant de mettre mon blog en place, j'avais rédigé un début de chronique sur "22-11-63" (que je n'ai jamais achevée...) et j'avais écrit :
"J’ai toujours pensé que Stephen King était un fabuleux faiseur d’histoires. De ceux qui font de chaque page une aventure, de chaque « héros » un compagnon, de chaque détail un trait un peu plus précis dans la grande image qui se dessine dans nos têtes…
Un faiseur d’histoires qui font peur, peuplées de monstres, de fous, de démons, d’impossible, d’horreur sournoise qui envahit un quotidien sans fard. Un faiseur d’épopées contemporaines, qui nous embarque sur des centaines et des centaines de page."
Et c'est vraiment ça ! D'ailleurs, "22-11-63" serait un bon premier King à lire, si le coeur t'en dit un jour... :)
Merci pour le conseil !
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