Le rouge et le noir de Stendhal
11/09/2015
Le rouge et le noir de Stendhal, Le livre de poche, 1997[1830], 576p.
Julien Sorel est de ces héros romantiques affublés de dents qui rayent le parquet. Fils d'un scieur de Verrières, petite bourgade de Franche-Comté, il aspire à un destin héroïque qui lui permettrait de gravir l'échelle sociale à l'image de Napoléon. A défaut de pouvoir s'engager dans la carrière militaire, il envisage la carrière religieuse qui lui offrirait une belle position d'influence et l'auréole d'un certain savoir qui fait mouche en société. De fait, sa connaissance par cœur de la Bible en latin lui permet de se faire engager chez la famille de Rênal comme précepteur. Rigide et encore tout rose de jeunesse, il séduit malgré lui la maîtresse de maison. Il saute sur l'occasion, plein d'hypocrisie, tentant de jouer un Dom Juan de pacotille. Contre toute attente, c'est cette gaucherie qui séduit d'autant plus Madame de Rênal, et lui-même finit par se prendre au jeu des amours adultères. Tout y est : la gestes dans la pénombre du jardin, les rencontres nocturnes et les déclarations enflammées d'une sensiblerie désopilante jusqu'aux lettres anonymes et la fuite au séminaire. Toute cette affaire lui aura tellement mis du plomb dans la tête qu'il ne manquera pourtant pas de reproduire la même séduction entre le théâtre et le romantisme niais avec la jeune Mathilde de la Mole, fille de son noble employeur à la sortie du séminaire. En bonne et due forme, cela devra se conclure, cette fois, par une jolie fin tragique dont on se demande s'il faut en rire ou en pleurer.
Une fois n'est pas coutume, je rédige mon billet un bon mois après ma lecture. Mais comme toute chronique de grands classiques revus et corrigés jusqu'à la moelle depuis leur parution, peu importe que je me rappelle avec précision de tel ou tel élément puisqu'il vous suffira d'ouvrir la page wikipédia du roman pour en avoir le descriptif détaillé. Ce qui compte, c'est mon sentiment de lecture et ce dernier est aussi tranché que le roman : Durant toute la première partie, j'ai savouré avec un sourire sans faille l'ironie de Stendhal - car pour moi, indéniablement, Le rouge et le noir est un roman grandement ironique. Je ne peux pas imaginer deux secondes qu'il en soit autrement tant Julien Sorel est hyperbolique dans ses ambitions, ses prétentions et ses certitudes ; tant, surtout, ses actes, en contrepoint, sont toujours à côté de la plaque. Quant à cette relation avec Madame de Rênal, elle est une savoureuse parodie de séduction amoureuse où il semblera au lecteur admirer Jean-Claude Dus se prenant pour le Vicomte de Valmont. Par contre, durant tout la seconde partie, j'ai cru mourir d'ennui au point d'enclencher une marche rapide des dernières cent pages afin de me débarrasser du fardeau. Le sous-titre du roman, Chronique de 1830, prend ici tout son sens avec des scènes de salons mondains interminables à base de discussions prout prout sur l'angoisse d'être riche et de s'ennuyer avec des riches (faut avouer qu'il y a de quoi en chier parfois, mon lapin), et les ambitions de tel ou tel qui me court sur le haricot. En sus, on nous ressert le bis repetita de la loose séductrice - or c'est très clairement beaucoup moins drôle la deuxième fois. Dans cette partie, l'ironie de Stendhal me semble perdre de sa verve au profit d'un souci social trop exacerbé à mon goût et d'une mièvrerie romantique que je ne goûte que peu (vous devez maintenant le savoir, le romantisme n'est pas mon mouvement littéraire favori). Les dernières pages, à base du procès de Julien, auraient pu remonter le niveau si elles ne partaient pas d'une réaction surréaliste de notre protagoniste. Quant au final, il donne envie de se draper dans un rideau en débitant des invocations lyriques... Non décidément, ce n'est pas possible.
Voilà, donc je me paye l'outrecuidance de (presque) pourrir un des plus grands romans du XIXème siècle. Comme si j'avais le talent d'arriver à la cheville ne serait-ce que d'une phrase de Stendhal hein... Mais c'est le charme de ce blog, après tout : avoir le droit de ne pas tout aimer, même les illustres classiques.
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16 commentaires
Mdr, je me suis bien amusé en lisant ton billet. J'ai récemment discuté de ce roman avec ma sœur cadette qui l'a lu et que me l'avait conseillé (la discussion était très tendue..). Elle ne comprenait pas (honte à moi!) pourquoi ce classique exceptionnel (selon ses dires) était absent de mes chroniques... Lol j'ai lu une grande partie de ce livre et il m'ait tombé des mains. Je le trouve (pour reprendre ton expression favorite) "un poil soporifique". En bref, je me suis bien fait chier et ça à durer longtemps (très longtemps). J'ai sauté pas mal de passage, j'ai trouvé le style péteux. Et je doute le relire dans son intégralité avant quelques années, peut-être même jamais. Bon, voilà c'est dit!
D'ailleurs en parlant de flops littéraires, je suis en train de concocter une petite liste des dernières daubes. J'ai lu dernièrement, "La maître des illusions". As-tu lu ce roman? Je suis pratiquement à la fin et je n'ai toujours pas compris l'intérêt du livre. Quand est-ce qu'on rentre dans le vif du sujet? (il ne me reste qu'une toute petite centaine de pages, ça fout la trouille). Clairement, je suis passée à côté d'"un bijou" d'après ma libraire. Bof, il y a facilement 250 pages (et je suis gentille) de trop. Je confonds encore les noms des personnages, ce qui à mon avis est mauvais signe et l'intrigue est d'une mollesse!
Enfin si un jour tu croises le chemin, au détour d'un rayon de "La confrérie des chasseurs de livres" (titre oh combien ronflant...) surtout fuis!!! Ne t'arrêtes surtout pas à tes risques et péril! Je n'en dirai pas plus. Allez bises! Ce n'est pas grave que tu sois moins prolifique sur le blog quand tu reviens parmi nous c'est toujours un plaisir de te lire et de rigoler.
Salut Missy !
Je suis ravie de t'avoir amusée le temps d'une chronique. Ce que tu me dis sur ton ennui du roman ne m'étonne aucunement. J'avais pourtant bien aimé La chartreuse de Parme, mais ici, le romantisme m'a été fatal ! Je l'ai terminé par acquis de conscience mais clairement en diagonale et sans enthousiasme, histoire de ne pas regretter d'y avoir déjà perdu plusieurs semaines.
Je note les titres dont tu me parles. Je verrai ce que tu en penses dans tes prochaines chroniques. Ce sont pourtant des livres qui ont eu bonne presse me semble-t-il.
Bises !
Je l'ai lu deux fois, par scrupule, car je me disais que mon ennui de la première lecture était peut-être dû au fait que je l'avais lu relativement jeune (genre à 16 ans). Mais en fait, non, je suis juste insensible à Stendhal. J'ai quand même tenté La Chartreuse de Parme après mais ça n'a pas été mieux... ^^
Stendhal en tient une couche dans la rubrique des indigestes du XIXème ! Cela dit, je ne garde pas un souvenir aussi ennuyeux de La Chartreuse de Parme.
Haha j'aime comment tu malmènes les classiques. Ce livre m'était en effet tombé des mains à la moitié, signe qu'il est, ou tout blanc, ou tout noir... Heu, rouge et noir... Bref, je sors ;)
Et ben voilà ! Cette fameuse moitié de roman est fatale ! Stendhal aurait du s'économiser l'écriture de la deuxième partie finalement :p
J'ai La Chartreuse de Parme dans ma PAL. Tu sembles avoir plus apprécié, alors je crois que j'irai plutôt vers ce titre pour une introduction à Stendhal ;)
J'avais mieux aimé, sans comparaison ! Après, je l'ai lu plus rapidement aussi, ça doit aider (je pense que Stendhal est typiquement le genre d'auteur dont il ne vaut mieux pas laisser traîner la lecture, au risque de s'ennuyer instantanément)
Tu me fais peur avec cette histoire de romantisme de retour dans la deuxième partie, j'ai déjà très mal supporté le court Armance de ce point de vue... J'en viendrais presque à envisager de ne lire que la première partie, pour savourer l'ironie et rester sur cette impression. Ou je pourrais relire La chartreuse aussi, ça remonte à (trop) loin.
Hmm, si comme moi, tu n'es pas fan du mouvement romantique, je t'encourage vivement à faire l'impasse sur "Le rouge et le noir", au risque de vivre quelques longues soirées à mi-chemin entre l'ennui profond et l'irritation violente. Mieux vaut éviter les romans romantiques pour l'instant :p
Je l'ai lu lorsque j'étais en fac de lettres et j'avais aimé, par contre je n'ai pas accroché à La chartreuse de Parme du tout !!
Nous sommes tout à fait opposées alors, Bianca !
Wow ! Et bien... j'ai eu un ressenti de lecture totalement opposé au tien ! o_O
J'ai adoré Le rouge et le noir, j'aitout pris au premier degré, j'ai tout pardonné à Julien Sorel... il faut bien l'admettre je suis une romantique dans l'âme^^
Ah, pour le coup, tu n'y as pas vu d'ironie ? Comme quoi, il y a autant de lectures que de lecteurs !
Non, non pas du tout... Du coup, j'avais voulu retrouver ça dans L'éducation sentimentale sans savoir ce que j'allais lire, et j'ai été ultra déçue.
Tu as lu aussi La chartreuse de Parme, je ne l'ai pas encore lu, c'est très différent ?
Après réflexion pas tellement... Beaucoup d'ironie aussi au début, moins sur la longueur. Mais je me rappelle avoir été plus intéressée et avoir lu le livre en une dizaine de jours. Ça aide aussi de ne pas y passer des semaines qui n'en finissent pas.
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