Paix sur les champs de Marie Gevers
08/04/2016
Paix sur les champs de Marie Gevers, Espace Nord, 2013 [1941], 231p.
Le printemps ne va pas tarder, sur les champs en Campine. En attendant, une obscure brume de février préside à la rencontre de Julia, une jeune fille élevée par sa grand-mère Anna, et Louis Vanasche, un émondeur un peu effronté. Leurs maisons respectives sont les deux premières que le lecteur découvre. Il entrera encore dans celle d'Aloysius, un vieux rebouteux un peu devin, censé comprendre les forces secrètes qui régissent alors les campagnes, celle de Jules, le frère d'Anna et celle de Johanna et Lodia. A mesure que l'on avance entre les amours malheureuses de Julia et Louis et entre les morts d'Aloysius et d'Anna, on dénoue le fil d'une vieille rancœur de sang entre Johanna et les Vanasche, qui s'enroule autour du fantôme de la première Lodia, morte assassinée et dont la mort n'a jamais été ni jugée ni pardonnée. L'amour, lumineux, tentera de démêler les erreurs du passé et les héritages trop lourds à porter pour offrir un avenir où le meurtre et la sorcellerie ne sont pas des tares héréditaires.
Et voilà que je découvre en refermant ce beau roman qu'il est le deuxième d'un diptyque consacré à la campagne campinoise. C'est donc malheureusement sans connaître La ligne de vie, le passé de certains personnages, la problématique de l'amour incestueux et des guerres d'un village à l'autre que j'ai lu Paix sur les champs qui se déroule une génération plus tard. Les jeunes ignorent pour la plupart ce qui a motivé la haine et la rancœur entre les familles. Ils ne veulent que s'aimer et concrétiser le sentiment le plus simple et, pensent-ils, le plus pur. Pourtant, les souvenirs serpentent entre eux, dans le noir des mots tus, et grèvent la simplicité de leurs amours. Il est aussi question de toutes ces nuances de ce sentiment qui ne saurait être juste et bon que dans le cadre du mariage. Aussi, Louis oscille entre celle qui se donne et enfante en dehors du sacrément qui donnerait une légitimité à la descendance et celle qui se refuse, dans l'espoir du droit chemin et du consentement maternel. On pénètre ainsi dans un univers rural archaïque, pétri de superstitions, de croyances occultes, de traditions rigides malgré cette période de l'entre-deux guerres qui a apporté bien des évolutions. Le monde bouge, évolue, mais encore un peu loin de ces familles qui devront attendre Louis et Lodia pour tenter de secouer le grand arbre séculaire et émonder les vieilles rancunes.
Comme toujours avec Marie Gevers, c'est une lecture passionnante, servie par une langue poétique d'une grande pureté et d'une maîtrise impeccable. On soulève un pan de la petite histoire de jadis, dans les campagnes oubliées, qui mérite pourtant d'être découvert. Merci à Anne et Mina de m'en donner encore une fois l'occasion lors de ce nouvel avril belge.
Deuxième participation au mois belge 2016 d'Anne et Mina
Rendez-vous autour d'un classique
10 commentaires
Je ne connais pas du tout cette auteur, qui est donc à découvrir, si je comprends bien !
Indéniablement ! C'est dommage que Marie Gevers ne soit pas plus passée à la postérité, même en Belgique, car c'est vraiment une grande auteure, à la poésie subtile et fine. Après, il faut être sensible à ses thèmes de prédilection : l'évolution des êtres en lien avec les cycles de la nature, l'amour, la transmission... :)
Je retiens donc de lire La ligne de vie avant Paix sur les champs, dommage que ce ne soit pas indiqué sur la 4e de couverture. J'ai l'impression de retrouver tout l'univers de Marie Gevers dans ton billet, avec ces amours impossibles, ce devin de la vie à la campagne, et toute la finesse psychologique des personnages.
Oui, c'est exactement ça Mina : on retrouve décidément le fil rouge des thématiques de Marie Gevers ici !
En effet, c'est bien dommage que la 4ème de couverture n'indique pas qu'il s'agit du deuxième titre d'un diptyque (je ne l'ai découvert qu'en lisant la postface...). Mais heureusement, cela ne gêne en rien la compréhension du roman !
Le fait que tu aies commencé par le "2ème" ne t'a pas embrouillé, j'espère? J'aime beaucoup la couverture d'ailleurs! La façon dont tu parles de ce roman rejoint ce que j'ai déjà lu à propos de Marie Gevers. J'ai chez moi Madame Orpha mais malheureusement je n'ai pas eu l'occasion (ou le courage?) de le lire pour aujourd'hui. Mais le plaisir sera trouvé une autre fois :)
Heureusement non, les deux titres peuvent se lire indépendamment sans problème. Mais disons qu'il doit être plus passionnant et pertinent de les lire en regard...
Je te comprends pour ton manque d'envie (ou de courage ? ^^). Pour tout te dire, j'ai acheté "Paix sur les champs" pour le mois belge de l'an dernier puis ne l'ai finalement pas lu à ce moment-là ; la période ne me semblait pas s'y prêter, je n'étais pas dans l'état d'esprit de ce genre de lecture. Mais il m'a attendu sagement une petite année. "Madame Orpha" fera pareil pour toi !
Eh bien je retiens ces deux titres (et l'ordre de lecture), je connaissais à peine le titre du second et même pas le premier. Je ne regrette pas du tout d'avoir choisi un autre classique, mais je sais que je reviendrai forcément à MArie Gevers...
Heureusement que nous n'avons pas que du Marie Gevers pour ce jour classique, on s'ennuierait sinon ! J'irai te lire dans la journée !
Bises, Anne :*
Tout le monde du mois belge étant en admiration pour cette dame , il me faudra la lire ...dans l'ordre si possible :)
C'est vrai que nous semblons faire l'unanimité autour d'elle ! Je ne peux que te conseiller de tester à ton tour, mais l'ordre n'aura sans doute pas grande importance !
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