D'autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrère
18/05/2016
D'autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrière, P.O.L., 2009, 310p.
Au départ, le couple d'Emmanuel Carrère et d'Hélène bat de l'aile, malgré des vacances paradisiaques au Sri Lanka. Tous s'ennuient et s'engluent dans la frustration jusqu'à ce que le tsunami de 2004 vienne tout dévaster. Emmanuel et Hélène sortent de leur marasme sentimental pour apporter de l'aide à un autre couple, Delphine et Jérôme, qui vient de perdre leur petite fille Juliette. De fil en aiguille, on suit à travers les yeux de l'auteur ces quelques jours infernaux où le deuil s'accompagne de la nécessité de retrouver le corps, de retrouver la paix.
De retour en France et quelques mois plus tard, c'est une autre Juliette qui se prépare à mourir, la soeur d'Hélène cette fois, d'un cancer du sein. Juliette est/était juge d'instruction, mère de trois fillettes. A sa mort, avec le concours du mari de Juliette et de son collègue juge également, Emmanuel va reconstituer la vie de la jeune femme par le menu : l'avant, le pendant et l'après maladie, comme l'envie de saisir rétrospectivement tout de cette Juliette qu'il ne connaissait quasiment pas.
Et là, j'en arrive à la partie où je suis censée développer mon avis critique et je sens se dérouler une monumentale tarte à la crème. Parce qu'autant le dire tout de suite : je n'ai pas goûté mon plaisir, loin de là. Entendons-nous bien : Emmanuel Carrère sait fort bien manier les mots pour promener son lecteur jusque dans les méandres - parfois limites - de sa vie et de la vie des autres (parce qu'il n'est pas seulement question d'autres vies que la sienne dans ce livre) et ses mots savent toucher la plupart du temps. De tout cela, je suis aujourd'hui certaine comme tous les autres lecteurs de Carrère avant moi. Mais manier et toucher comment, pourquoi ? Son style est loin de m'avoir éblouie et l'émotion qu'il a fini par me susciter à l'endroit de Juliette, je l'aurais tout autant ressentie en regardant un téléfilm sur M6. Dans l'ensemble (parce que je ne vais pas y passer la journée non plus), j'ai trouvé Carrère prétentieux, peu inventif, peu subtil, d'un égocentrisme et d'une impudeur parfaitement détestables. Cette façon de se toucher la nouille sur le dos des autres (cette tournure inspire d'amusantes images, tiens, aha) est une tendance qui m'irrite particulièrement dans la littérature contemporaine. Bon, vous l'aurez compris : je ne goûte pas du tout à l'autofiction en général et si certains auteurs/titres font parfois exception, ce n'est clairement pas le cas de Carrère. Et quand je lis que c'est ici un de ses livres les moins narcissiques, je n'ai aucunement envie d'aller voir ailleurs si j'y suis, au risque de chopper de l'urticaire.
Voilà, c'est court, c'est lapidaire mais il vaut mieux couper net au lieu de tourner autour du pot. Un petit mot seulement sur le juge et les méandres juridiques du surendettement que j'ai trouvés particulièrement intéressants. Mais à ce compte-là, sur le même sujet, je lirai autre chose la prochaine fois.
14 commentaires
Oh là là Lili, tu me fends le coeur ! Carrère est un de mes écrivains préférés !
Je suis désolée Delphine-Olympe :(
Mais j'ai aimé Olivier Rolin ; ça équilibre !
Aïe...idem
Désolée aussi, Mior :/
Hihi j'adore quand tu te lâches un peu ! C'est très drôle !! D'autant que Carrère, à ce stade de sa carrière (haha) d'écrivain n'a plus trop à redouter les avis négatifs. J'avais bien aimé "le royaume" mais je comprends que son narcissisme puisse rebuter.
Non, très clairement, mon petit avis négatif isolé n'aura aucune incidence sur Carrère ; c'est bien pour ça que je n'ai pas tellement hésité à envoyer le fond très clair de ma pensée. Un tel égo, franchement... Grrr...
Au moins, c'est clair ;) Je ne l'ai pas lu!
C'est vrai que je n'ai pas été nuancée sur ce coup-là :p
Tu n'as pas aimé, c'est clair, et je comprends ton jugement même si curieusement j'aime beaucoup cet auteur en revanche. Ad-tu lu autre chose de lui? Je sors d'un autre livre de lui, 'Le Royaume'. Ça vaut le coup d'essayer...
Non, c'était une totale découverte de l'auteur, poussée par les nombreux avis élogieux que j'en avais lu. Honnêtement, là, tout de suite, j'ai pas super envie de poursuivre la lecture de ses "oeuvres"... Par contre, je file te lire !
Ce livre ne m'attire pas, je n'aime pas les autofictions. Je n'ai lu que la moustache et l'adversaire et j('avais trouvé l'adversaire très intéressant...
Je n'aime pas les autofictions non plus... Du coup, j'aurais dû m'abstenir...
LOL! Je suis triste mais quelque part je te comprends, c'est vrai que c'est très narcissique son œuvre. Mais je l'aime justement pour ça, car il parle tout le temps de lui et qu'il m'explique mon propre moi au passage, je me retrouve trop dans ses doutes perpétuels et son espèce d'incompétence sociale... ^^ (Sauf dans le dernier que j'ai lu, Un roman russe, j'ai trouvé que ce moi-moi-moi tournait un peu en rond.)
Clairement cet égo autofictionnel, on l'aime ou on le déteste : j'imagine difficilement un entre-deux... Cela dit, même si toi, il t'a rebutée dans "Un roman russe", je m'abstiendrai totalement de le tester !!
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