Rendez-vous poétique avec Joachim de Cédric Le Penven (et quelques considérations sur l'achat de poésie en librairie au passage)
12/04/2017
De ces découvertes augustes, lumineuses, au gré du printemps et des belles librairies indépendantes (en l'occurrence, la chouette librairie Page et plume à Limoges).
De Cédric Le Penven, je n'avais jamais entendu parler. C'est malheureusement souvent le lot des poètes contemporains, absents de la plupart des magazines littéraires, même de ceux de bonne qualité (une pensée affectueuse, toutefois, au Matricule des Anges qui met souvent la poésie à l'honneur dans ses pages). Il n'y a bien que dans les revues poétiques qu'on peut les croiser mais encore faut-il les croiser, elles ! C'est encore plus périlleux d'en saisir une sur son chemin que de rencontrer un poète inconnu en grandes surfaces culturelles. L'univers poétique, donc, se vit et se survit, clôt sur lui-même semble-t-il.
Et puis, heureusement, il arrive quelques libraires délicieuses pour entretenir encore un rayon ou deux de ce genre littéraire foisonnant. C'est l'occasion pour la cueilleuse que je suis de picorer de belles découvertes - car si j'aime la poésie, j'aime surtout la sentir avant de l'embarquer chez moi, la feuilleter, la voir, la respirer, la laisser vibrer. L'extrait ne saurait faire le moine, en poésie encore plus que dans tout autre genre littéraire, aussi j'aurais bien du mal à acheter un poète sans l'avoir éprouver auparavant (ce qui me conduit fréquemment à rester des heures dans les rayons de librairies avec les deux/trois mêmes livres entre les mains pour être sûre que le courant passe entre eux et moi - mais nous sommes entre gens de lettres et de bon goût, je suis sûre que vous me comprenez !)
Un récent passage chez Page et Plume donc, et voilà que survient Joachim de Cédric Le Penven aux très belles éditions Unes, tout en pureté et sobriété (Que j'aime ce papier un rien épais, granuleux sur lequel les lettres semblent s'éclairer !).
Dans ce dernier recueil, le poète brode le cheminement d'un devenir père compliqué, long, jalonné d'attentes et d'angoisses ; qui, progressivement, ramène au centre de l'être. A mesure que l'enfant grandit, le père est rappelé à sa propre enfance à travers les lieux connus et la fréquentation des espaces naturels. L'entremise sensorielle est le vecteur de souvenirs redevenus vivants. Il s'agit de les goûter autrement et de les désapprendre tout à la fois. Telle est peut-être la seule vérité de la paternité : savoir que l'on ne sait rien et en être joyeux. Évoluer par le regard de l'autre, à travers le partage de l'incertitude et des jours nouveaux. Il était question de broder le devenir père et, à mesure que le recueil progresse, on se demande si cette broderie ne consiste pas à découdre : comme un travail en négatif.
Le travail poétique de Cédric Le Penven apparaît comme le moyen de tâter les chemins tortueux et les goulots étroits du passage d'un état à un autre. Joachim est le livre de la gestation dans lequel l'enfant n'est pas le seul à naître : l'écriture comme acte de naissance à soi, au monde, grâce à l'autre. Cette transformation est indéniablement délicate, non sans heurt, sans crainte de l'incapacité, de l'incomplétude, des failles très longtemps comblées grossièrement et remises à nu. Par ce travail de l'ombre nécessaire, cela crée un livre lumineux, plein d'une émotion brute, sincère et universelle. Exactement un livre de printemps.
7 commentaires
Ces mots ! Et cette nouvelle bannière
... j'adore, vive le printemps ! (la moitié de mon commentaire n'est pas passée !)
Oh oui, quels mots ! D'une grande justesse. Une vraie belle découverte poétique où l'expérience personnelle devient universelle.
Merci pour la nouvelle bannière ! La lecture auprès de la cheminée ne me semblait plus d'actualité avec ce joli printemps ! J'ai eu envie de mettre un peu de bleu, de fleurs et de lumière sur le blog.
Bises, ma chère Delphine, et doux printemps à toi :*
Je suis l'exemple typique de la lectrice qui n'entend jamais parler de poètes contemporains et qui ne sait même pas vraiment que la poésie existe encore, c'est-à-dire que je n'en lis pas spontanément et ne vais donc pas à sa recherche, et qu'elle ne vient guère à moi (sauf Au matin suspendu parce que je connaissais le poète). J'essaierai de penser à regarder si mon libraire a un rayon poésie. :)
Le Bazar de la littérature a justement interviewé la libraire de Page et plume, tu as vu? :)
http://bazardelalitterature.com/2017/03/31/interview-libraire-a-limoges/
(Je ne m'exprime pas sur ce blog parce qu'on ne lit pas du tout les mêmes choses, mais il est intéressant et la blogueuse est sympa!)
Merci beaucoup pour le lien ! Je viens d'aller lire l'interview ! Quelle chance a eu cette libraire de se faire embaucher après de "simples" études de Lettres : ç'aurait été mon rêve !!! Comme toi, je visite parfois le blog dont il est question sans chroniquer non plus car nos univers semblent très/trop différents.
Quant à la poésie, il faut avoir un feeling avec ce genre aussi pour le chercher dans les librairies... Il gagne à continuer à y être présent, ne serait-ce que pour les gens se rappellent en effet qu'il n'est pas mort ! Il continue à y avoir de la poésie aujourd'hui, et de la très belle !
PS: Dans ton cas, Méli peut fournir des idées lecture pour tes élèves, j'ai l'impression qu'elle lit pas mal de romans jeunesse! :)
Et oui cette libraire a eu de la chance et j'aime beaucoup ce qu'elle dit sur son métier, ça vend quand même franchement du rêve. (Mais trop de trucs à lire, c'est pas possible, je vois des idées de lecture partout et tout a l'air super intéressant, à l'aide!)
Oui, c'est pour ça que je la suis. Mais elle lit beaucoup de Fantasy, or je ne fais pas lire que ça à mes élèves ;)
Héhé, c'est le problème des blogs : trop de livres et si peu de temps... !
Les commentaires sont fermés.