Rendez-vous poétique avec Sylvia Plath et Bae Bien-U
05/02/2018
En guise de nouveauté 2018, vous avons décidé, avec Maryline, de donner un peu plus de visibilité à la poésie sur nos blogs - et j'espère que cette initiative conjointe m'évitera de procrastiner à la tâche !
Pour commencer ces nouveaux rendez-vous poétiques en binôme, j'ai choisi un texte de saison (et pour cause : il neige à gros flocons et tout est blanc chez moi !) d'une poétesse que j'aime particulièrement depuis de nombreuses années.
Chez Sylvia Plath, la tentation du néant est omniprésente ; elle semble graviter perpétuellement au bord d'un vide ontologique dépourvu de Dieu depuis la mort du père. Son écriture s'ingénie à rappeler à elle l'unité perdue, à raviver les souvenirs, fouetter la confiance et restitue surtout le va-et-vient incessant entre l'angoisse et l'exaltation qui conduit la poétesse à vivre toujours ballottée par sa marée intérieure.
Arbres d'hiver, extrait du recueil éponyme, exprime exactement cette ambiguïté, cette contamination, même, du néant sur le vivant, avec une maîtrise magistrale, une retenue, une pudeur et un regard acéré. Jamais Sylvia Plath ne s'emballe ou ne déborde, jamais elle ne s'émerveille ou ne s'effondre dans son travail. L'écriture poétique est au contraire l'effort toujours renouvelé de la lucidité, de l'attention au monde, à défaut de parvenir à le recomposer ou à le recréer.
"Face à ce qui se dérobe, certains renoncent. Sylvia Plath s'obstine à regarder, nommer, inventorier."
Belle journée poétique !
Arbres d'hiver
Les lavis bleus de l'aube se diluent doucement.
Posé sur son buvard de brume
Chaque arbre est un dessin d'herbier —
Mémoire accroissant cercle à cercle
Une série d'alliances.
Purs de clabaudage et d'avortements,
Plus vrais que des femmes,
Ils sont de semaison si simple !
Frôlant les souffles déliés
Mais plongeant profond dans l'histoire —
Et longés d'ailes, ouverts à l'au-delà.
En cela pareils à Léda.
Ô mère des feuillages, mère de la douceur
Qui sont ces vierges de pitié ?
Des ombres de ramiers usant leur berceuse inutile.*
Winter trees
The wet dawn inks are doing their blue dissolve.
On their blotter of fog the trees
Seem a botanical drawing.
Memories growing, ring on ring,
A series of weddings.Knowing neither abortions nor bitchery,
Truer than women,
They seed so effortlessly!
Tasting the winds, that are footless,
Waist-deep in history.Full of wings, otherworldliness.
In this, they are Ledas.
O mother of leaves and sweetness
Who are these pietas?
The shadows of ringdoves chanting, but chasing nothing.
8 commentaires
C'est moi qui te remercie, et pour ce rendez-vous, et pour ce choix de février. J'ai été touchée par tout ce que j'ai lu de Sylvia Plath, le roman, des nouvelles, et quelques poésies. Je ne connaissais pas celle-ci. La photographie est splendide, j'aime aussi beaucoup le travail de Bae Bien-U. Tu me rappelles mes dimanches poétiques, il y a quelques années, juste une poésie associée à une oeuvre d'art, de bons souvenirs. Notre 2018 poétique commence bien :-)
Je ne savais pas que tu avais aussi associé poésie et art ! Je trouve que les deux dialoguent et se répondent si bien. Après tout, chaque art est l'écho d'un art.
J'espère que ce poème t'aura donné envie de pousser plus loin la découverte de la magnifique poésie de Sylvia Plath.
Bises douces Marilyne, au 5 mars pour de nouvelles aventures poétiques !
Oh là là mais quelle beauté ! Et l'original, et la traduction. Divin. "Buvard de brume" je retiens. Magique. Cela se passe de mots (mais je commente quand même pour te faire part de mon émerveillement
Tu ne connaissais pas la poésie de Sylvia Plath ? Si c'est le cas, je suis ravie de te la faire découvrir et qu'elle te touche !
Je ne connais que le film de Campion sur elle. Je lirai sa poésie à l'occasion. Là, je suis en pleine passion pour Chénier ( mais dur à lire)
J'avais apprécié, mais sans plus, le film de Campion. J'espère que tu apprécieras sa poésie. En effet, Chénier... Tout un univers aussi ! Je ne le connais que peu, cependant. C'est moins ma tasse de thé, je dois dire.
Bonne idée que de parler poésie. Ah, Sylvie Plath... Je ne sais pas si j'ai ce recueil dans ma bibliothèque ; je vais vérifier et si non, je vais remédier à cela.
Bonne soirée.
C'est toujours une bonne idée de parler poésie !
Je suis ravie de te donner envie d'aller dénicher instamment "Arbres d'hiver" ! C'est un recueil sublime. Bonne lecture !
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