Bleuets et abricots de Natasha Kanapé Fontaine
05/11/2018
Un rendez-vous poétique, ça faisait longtemps ! Depuis la trêve estivale, j'ai procrastiné à me remettre à la poésie - la saison, l'instant, l'humeur de s'y prêtaient pas. Et puis j'ai saisi l'occasion du mois québécois pour lire enfin le dernier recueil de Natasha Kanapé Fontaine, Bleuets et abricots, qui traînait depuis sa sortie dans ma PAL poétique.
J'ai envie de vous dire qu'on reprend les mêmes et on recommence - mais en moins émoustillant qu'auparavant cette fois-ci.
Égale à la planète brûlée
je vomirai un dernier cri
au calvaire humain :
l'accouchement de moi-même
l'oiseau-tonnerre
De N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures, on retrouve les trois mêmes ingrédients de la voie poétique de Natasha Kanapé Fontaine : l'indianité, la féminité, la terre - à quoi s'ajoute une colère viscérale, lancinante particulièrement lassante pour le lecteur à la longue. Le premier recueil, à mon sens, interrogeait, mettait en branle une dynamique et, à défaut de répondre, proposait, lançait, creusait, créait. Il y avait une énergie centrifuge qui, du centre, tourbillonnait et rayonnait hors de soi - du connu - des blessures - de la rancœur. Il y a avait de la maladresse, de la naïveté sans doute mais surtout de la fraîcheur et un élan indéniable.
Dans Bleuets et abricots, l'énergie n'en peut plus de ressasser et au lieu de rayonner, tourne en rond. Ce qui se voulait naissance puissante se transforme en vomi et en hargne. Un cri s'élève en moi et me transfigure, nous dit la poétesse dans le prologue, et en effet, l'ensemble du recueil est un cri qui n'en finit pas de grincer et de s'enrouler sur lui-même. Cela donne une litanie pénible qui se complaît à remâcher les mêmes motifs, les mêmes images poétiques (par exemple, tout ce qui est sein et chevelure, cliché de la femme poétique depuis la nuit des temps, se déroule à l'envi), les mêmes anaphores lyriques où le je - nouveau et martelé - est porté en héraut de la liberté. Honnêtement, à part quelques éclairs furtifs, c'est poétiquement banal et mille fois vus. Le recueil fait 78 pages et j'ai eu un mal de chien à en venir à bout. Ce n'est clairement pas un excellent cru de l'auteure et j'espère la retrouver un peu moins nombriliste et revancharde la prochaine fois - aussi lumineuse et créative qu'elle a su l'être jusqu'ici.
Donnez-moi le verbe de la mer
donnez-moi l’origine du monde
donnez-moi le vomi du fleuve
donnez-moi le corps mort des oiseaux
Donnez-moi l’hymne des dieux d’Afrique
Donnez-moi l’anaconda de Mami Wata
Donnez-moi le fantôme de l’aigle noir
Donnez-moi les dents du jaguar
Je ferai des feux pour la joie
je ferai des jeux pour l’amour
Je les offrirai aux dieux vaudou
Puisque ma lecture est une déception, je n'ai pas eu l'inspiration d'une oeuvre avec laquelle la faire dialoguer. Ce n'est que partie remise jusqu'au prochain rendez-vous poétique !
Je voudrais conclure mon billet sur une question ouverte néanmoins. Pour vous dire vrai, j'ai beaucoup hésité à publier cette chronique. Tout d'abord, parce qu'en poésie, je me concentre généralement sur ce que je trouve de qualité mais surtout parce qu'à un moment donné, j'ai craint que mon propos soit mal reçu, eu égard à l'indianité et au féminisme de l'auteure. En gros, j'ai touché du doigt cette tendance actuelle qui consiste à prendre des gants voire à ne rien dire de négatif sur certains sujets/domaines/productions artistiques, dès l'instant où cela risquerait de reproduire un schéma passé (ou pas) dominant/dominé. Est-ce que vous voyez ce que je veux dire ou est-ce que je m'exprime mal (en vrai, je réécris ce bout de paragraphe pour la soixantième fois et je n'arrive pas à trouver les bons mots, c'est insupportable. J'espère que cette fois-ci sera la bonne) ? Par exemple, je n'ai aucunement hésité à être cash sur mon dernier billet lorsqu'il s'est agi de critiquer quelques artistes contemporains très contents d'eux-mêmes mais j'ai hésité aujourd'hui à l'être tout autant. Du coup, ça m'amène à la question : est-ce qu'il vous est arrivé de peser particulièrement vos mots (évidemment, si vous êtes déjà le roi ou la reine de la diplomatie, ça ne compte pas !) ou de vous censurer selon le sujet dont vous parlez ? Je veux dire, prenons un exemple concret : seriez-vous aussi franc du collier (vraiment hein) en critiquant le dernier roman d'un auteur que vous savez Asperger et dans lequel il relate une partie de son expérience, même si littérairement ça ne casse pas trois pattes à un canard*, qu'en critiquant, je ne sais pas, disons un roman de Nothomb ? Cela vous semble-t-il un souci nécessaire de bienveillance et de diplomatie ou au contraire un manque de franchise et une uniformisation galopante de la pensée ? A quel moment, la franchise devient-elle de l'indélicatesse, de l'impolitesse, voire une prétention, une violence ? A quel moment la compréhension devient-elle complaisance ? A quel moment la bienveillance transforme l'esprit critique en purée de pois cassés ? Franchement, je me pose la question. Voilà, en fait, c'est peut-être pour en venir à cette question que j'ai malgré tout décidé de publier mon billet - et parce que, d'une certaine manière, c'est ma manière d'y répondre.
*Non, je n'ai pas lu le dernier roman d'Olivier Liron, c'est seulement un exemple. Quoique le décalage important que j'ai trouvé entre les extraits que j'ai lus et les dithyrambes unanimes que je lis à son propos participent clairement à mon interrogation.
Sur ce, je vous invite à aller lire le rendez-vous poétique de novembre chez Marilyne qui nous présente des textes poétiques de François Cheng en regard des toiles de Zao Wou-Ki. Miam !
23 commentaires
Je comprends très bien ta question et c'est une grande question. Il me semble qu'elle rejoint celle de la firme et du fond. Je m'explique mais pas en poétique. J'ai rencontré ça pour la non fiction. A partir du moment où le sujet faisait pleurer dans les chaumières ou que l'auteur appartient à une minorité et témoigne, il n'est plus question de littérature dans la critique ( au sens aussi positif que négatif ). Je le constaté aussi pour certains romans et Bd où tous les propos tournent autour du sujet et pas de ce que l'auteur en fait, alors qu'il ne s'agit pas d'un essai. Exemple, j'ai lu la Bd Kivu, je l'ai trouvée facile et didactique, mais les critiques sont bonnes, on y cause du docteur nobel et de l'enfer au Congo. La bd fait découvrir à certains la situation. Donc c'est une bonne bd.... Alors, pour te répondre clairement, je ne fais pas dans la complaisance. Il me semble, au contraire, que c'est une forme de respect que de ne pas renvoyer un auteur à une étiquette.
Je te remercie de comprendre mon questionnement, Marilyne, et d'y faire si fortement écho dans ton commentaire. Exactement comme toi, je trouve qu'on perd parfois de vue la critique littéraire au profit d'une compassion voire d'un apitoiement quant au sujet traité. L'un ne va pas sans l'autre, certes, mais inversement, l'un ne doit pas prendre le pas sur l'autre. Or, on peut avoir les meilleures intentions du monde, il n'en reste pas moins qu'on peut se casser la figure au moment de les rédiger. L'un n'implique pas nécessairement l'autre...
J'aime ton idée de voir du respect dans la sincérité, même si c'est parfois plus rugueux aux entournures. Je garderai ça en mémoire la prochaine fois. Merci !
La question de fond que tu poses dans ton dernier paragraphe m'interpelle beaucoup. Il m'est déjà arrivé de me censurer ou d'euphémiser mon propos sur mon blog ou sur les réseaux sociaux, oui. Ne serait-ce que parce que dans le cadre d'internet, on a affaire au tout-venant, que celui-ci est sans visage, et que par conséquent la communication est plus malaisée qu'en face-à-face. Tout l'infra-verbal se perd. Il est nécessaire de prendre des gants dans certains cas jugés sensibles. Ceci étant, cela n'empêche pas d'évoquer ces sujets sensibles et d'exprimer un avis négatif sur le traitement qui en est fait, même si cela concerne une catégorie minoritaire, discriminée, stigmatisée, largement incomprise ou que sais-je encore. Ce serait insulter la dignité d'une personne porteuse de handicap, ou issue d'une minorité discriminée, que de prétendre qu'elle n'est pas apte à recevoir des critiques comme tout un chacun. La victimisation, même si elle est faite dans de bonnes intentions, n'arrange pas les choses, au contraire. Françoise Giroud disait bien qu'on arriverait à la véritable égalité entre hommes et femmes le jour où l'on pourrait dire d'une femme qu'elle fait mal son job sans arrière-pensées (quelque chose comme ça). Et si l'on caresse les "sujets sensibles" toujours dans le sens du poil, il n'y aurait plus d'intérêt à lire des critiques et le monde serait carrément ennuyeux ;) Bref, vaste sujet ! Donc j'apprécie beaucoup ton retour sur le présent recueil de cette auteure, avis qui est de toutes façons très nuancé, fondé sur des arguments d'analyse littéraire et non liés aux origines de l'auteure :)
Pff je t'avais écrit un super long commentaire (mon record en termes de longueurs je crois) et j'ai l'impression qu'il vient de s'évaporer dans la nature... Grrr ! S'il ne retrouve pas son chemin, je te le réécrirai à l'occasion d'une nouvelle bouffée de motivation. C'était juste pour ajouter mon grain de sel à la question que tu poses dans le dernier paragraphe, que je trouve d'une importance cruciale à une époque où la crainte du "politiquement incorrect", des réactions à chaud sans recul (sur les réseaux sociaux notamment) et des trolls anonymes nous cloue parfois le bec sur certains sujets. Or on devrait pouvoir parler de tout, au moyen du langage et de la raison, d'un respect authentique des différences et d'une empathie vis-à-vis des autres. Ou est-ce un accès de bisounoursisme utopique de ma part ?
Ah je constate qu'en fait, mon commentaire précédent avait bien été publié ^^ Cette fois, j'arrête ! :-D
Héhé, copinette, mon blog t'a visiblement fait tourner en bourrique !
Merci pour ton avis sur cette question qui me taraude. Outre cette idée de respect liée à la sincérité d'une critique, aussi épineuse soit-elle, comme le disait Marilyne, je retiens aussi cette nécessaire pesée des mots que tu rappelles. En effet, sur Internet, il n'y a que les mots - éventuellement la ponctuation aide toutefois mais enfin, ce n'est pas pareil qu'un face à face pour comprendre toutes les nuances d'un discours en effet. D'où ce délicat équilibre, mais nécessaire, à trouver entre sincérité et sagesse de la formulation. C'est peut-être bien ça qu'on appelle la diplomatie, finalement ;)
Non, moi je n'hésite pas : si je suis la seule à ne pas aimer, je dis quand même ce que je pense. Je dis ce que je pense du roman quel que soit l'auteur ( qu'il soit homme ou femme, français ou étranger...) En revanche, je suis plus ou moins modérée dans les mots ( la litote, l'euphémisme :-)
Mais voilà, c'est ça mon problème : je suis vraiment obligée de retravailler ce que j'écris pour arriver à modérer mes mots. Généralement, et c'était le cas pour la présente chronique, je suis spontanément toujours décapante. Ensuite, je relis, et je me dis qu'il faut que je parvienne à faire passer la même idée avec d'autres mots. Ecrire un blog, c'est parfois tout un exercice de style !
Comme souvent je ne lis pas en entier si ça me gave, je n'écris pas de billet, mais serait-ce une forme d'auto censure?
En tout cas par respect il est mieux de dire ce qu'on pense, comme tu le fais, finalement, plutôt que de ne rien dire dans le billet, car on se focalise sur une particularité de l'auteur . Un auteur préfère la franchise (enfin, la plupart du temps ^_^)
Lorsque je jette l'éponge et ne termine pas un roman, je ne le chronique pas non plus car à ce moment-là, je me dis que je n'ai pas toutes les cartes en main pour en parler. Parfois seulement, je me force à aller au bout, pour une raison ou une autre, et dans ce cas-là, je chronique sincèrement. Je trouve que l'exercice de la critique négative est intéressante aussi. Ça oblige souvent à être encore plus constructive pour une critique positive et j'aime cet exercice intellectuel - en plus du fait qu'il permet de ne pas avoir une blogosphère trop lisse. Mais je comprends complètement que ça puisse ennuyer ! Après tout, on est avant tout là pour se faire plaisir !
Excellente question et oui je me la suis posée... alors en vrai quand un livre ne me plait pas je ne le finis pas et donc ne le chronique pas un point c'est tout... mais quand même, la question du politiquement correct, de l'appropriation culturelle et de toute cette sorte de chose est au coeur des polémiques actuelles et pourrait bien nous mener droit à l'autocensure... si on parle d'un livre il me semble qu'il faut dire ce qu'on en pense - c'est le mieux pour les autres lecteurs et il me semble pour l'auteur - mais je comprends qu'on préfère botter en touche pour éviter les conflits... Après tout on blogue pour le plaisir...
Du coup, j'essaye de trouver un juste milieu entre la franchise et la diplomatie... Ce n'est pas toujours facile ! Mais je crois que suite à mon questionnement, j'ai pris conscience que j'aimais aussi lire des chroniques négatives, et en écrire. J'aime cette diversité intellectuelle.
Tiens, ta question m'interpelle : pour une fois j'ai abandonné un roman et j'enai quand même fait un billet (pour demain, pour le rendez-vous Dany Laferrière) et je me rends compte que j'ai attribué de nombreuses raisons à cet abandon à moi-même et moins au roman. Me serais-je censurée ? ;-)
Héhé ! Toute la question à se poser est de savoir si le timing et les lectures précédentes auraient gâché une autre lecture que celle-ci ... ;)
Je l'ai lu en mars dernier et j'avais adoré. Cependant, je conçois ce que tu écris et je le comprends bien. Nous ne sommes pas obligés d'aimer les mêmes auteurs, les mêmes ouvrages en encore moins de les aimer parce qu'ils sont X ou Y.
Je sais que la question de l'identité autochtone est sensible chez vous. Mais pourquoi devrait-on se censurer ?
Je viens de chroniquer un roman qui m'a déçue malgré des qualités littéraires, je l'ai simplement exprimé. Sans dénigrer.
Comme tu le fais très bien.
Merci de trouver que ma chronique est constructive, c'est vraiment le plus important pour moi. Tu as raison, la question autochtone est assez sensible ici. Colonisation, quand tu nous tiens...
Ouin, ben pas pour moi je crois.
Par contre, je comprends ton questionnement à la fin. Pour ma part, je ne trouve pas que la liberté d'expression permette de rabaisser ce que font les autres à tort et à travers, c'est pour quoi, quand je n'aime pas, je déteste, j'explicite pourquoi et espère le faire de façon constructive.
Et même si ça ne t'a pas plu, tu sembles avoir exprimé clairement ce qui t'a déplu, et j'ai donc l'impression que c'est constructif.
On est bien d'accord, Isallysun : dire, ok, mais pas n'importe comment et juste pour le plaisir de blesser. Dans cette optique-là, ça ne représente aucun intérêt.
Comme beaucoup je ne chronique pas quand le livre ne m'intéresse pas. En général le ton est bien plus bienveillant envers ceux que l'on suppose être des victimes du système, notamment si on a un fond de culpabilité en soi : typiquement le cas de la littérature autochtone au Canada ou sans doute post-coloniale pour la France. J'ai souvenir d'un recueil de nouvelles sans grand intérêt qui a été reçu comme un chef d'oeuvre par exemple. Ceci dit, pour compenser, il y a des tas de gens qui hésitent à taper sur les classiques (genre Balzac ou Hugo, pour sexisme ou racisme) parce que "gnagnagna pas la même époque et ce sont de grands écrivains quand même on va pas chipoter", l'autocensure s'exerce à plusieurs niveaux.
Et bravo pour essayer d'écrire SUR la poésie, j'en suis incapable. Je me contente de publier certains poèmes que je lis et puis c'est tout.
Oui alors là, franchement, ça m'horripile. On saisit une littérature dans son contexte. Aussi avant-gardistes qu'aient pu être certains auteurs sur certaines questions (par exemple Hugo par rapport à la peine de mort), ils ne pouvaient pas, non plus, avoir 150 ans d'avance sur tout. Et je trouve intéressant, d'ailleurs, que la littérature propose cette photographie d'un temps, d'une époque, d'une situation passée, pour nourrir notre réflexion aujourd'hui. Ne pas lire tel ou tel titre sous un prétexte aussi fallacieux que celui de dire que l'auteur, ô malheur, fait montre des idées de son temps, c'est le meilleur moyen de s'enfoncer dans un obscurantisme lamentable - et l'histoire est assez pleine des retombées de telles censures soit-disant bien intentionnées.
De toutes façons, de manière générale, les gens qui tapent sur les classiques me semblent faire preuve d'une prétention assez détestable. Il y a beaucoup d'auteurs classiques que je n'aime pas moi-même, soyons clairs, et je suis capable d'expliquer pourquoi, mais ça ne me viendrait pas à l'esprit de prétendre que tel ou tel titre est mauvais ou raté pour autant - comme il m'est arrivé de le lire à propos de Mrs Dalloway par exemple. Une blogueuse se permettait même de suggérer ce que l'auteure aurait dû faire pour améliorer son roman. Je ne le dis pas souvent mais là, ça me semble indiqué : LOL. Quand on parle de Flaubert, de Balzac, ou de Woolf, on parle quand même de monstres sacrés qui maniaient le verbe avec un talent qu'on n'effleurera jamais au centième. C'est quand même la moindre des choses que d'en avoir conscience un minimum, que leurs œuvres plaisent ou pas ensuite.
N'ayant pas lu le recueil et l'auteure dont tu parles, je réagis uniquement à tes questions de fin de billet. Ce sont des bonnes questions.
Oui, j'ai pesé mes mots en fonction du sujet et je me suis censurée. Je fais même partie des gens qui pensent que "on ne peut plus rien dire!". :D Je ne te raconte pas l'image de réac abominable que les réseaux me renvoient de moi-même...
Il existe bien un besoin "de bienveillance et de diplomatie" comme tu dis. Il me semble évident qu'on parle d'une œuvre avec respect pour son auteur. En revanche il faut pouvoir dire, et il est juste de le dire, qu'une œuvre est pourrie, quel qu'en soit l'auteur. C'est la base même de la non-discrimination en fait. Mais je vois certains milieux réagir tellement vivement, en dénonçant à grands cris des propos racistes/misogynes/islamophobes/autres partout, que je redoute d'être mise dans le même sac si je devais émettre des réserves quant à un certain auteur ou une certaine œuvre.
Un exemple récent où je ne me suis pas retenue, toutefois: Love, Simon. C'était mignon mais c'est un film romantique pour ados quoi. Il me semble qu'il n'a fait parler de lui parmi un public adulte que parce que le perso (Simon) est homosexuel.
Par contre, j'ai aussi retenu mes propos avec une réelle bienveillance, pas du tout une pression de ce type, dans d'autres cas, quand je trouvais que quelqu'un se faisait suffisamment attaquer comme ça et que je n'allais pas en ajouter. Ça a été le cas pour Anne Rice par exemple. Je n'ai pas aimé son premier livre sur les loups-garous et j'ai l'impression que sa production des dernières années laisse à désirer. Mais je le dis avec retenue parce que j'ai vu plein de réactions disproportionnées et méprisantes. Pas mal de gens en font une vieille dame qui a perdu la boule et n'est plus ce qu'elle était. Et j'ai la nette impression qu'ils ne seraient pas aussi véhéments si elle était un homme (les hommes ne perdent pas la tête avec l'âge, n'est-ce pas?) et ne parlait pas autant de sexualité et d'homosexualité. Elle a assez de trolls à gérer comme ça disons. Sur le blog, j'ai souligné ce qui ne m'avait pas plu dans son bouquin sur le loup-garou, j'ai regretté d'avoir perdu certaines choses qui faisaient le sel de ses premiers livres, et j'ai évité d'allonger...
Non mais voilà, il y a parfois deux poids/deux mesures assez pénibles. Certains ont droit au mielleux, d'autres à l'acide - sans mesure de dose dans l'un ou l'autre cas - pour d'obscures raisons qui n'ont pas toujours grand chose à voir avec la production artistique en question.
Je comprends complètement ce petit côté réac que les réseaux sociaux te donnent parfois l'impression de réveiller en toi : je suis pareille ! Je me dis, à l'occasion, que je suis déjà une vieille biquette...
Dans le cas d'Anne Rice, je me demande aussi si ce n'est pas à cause de l'évolution en âge de son lectorat qu'elle recueille des propos de plus en plus acerbes. J'ai, par exemple, beaucoup entendu dire qu'elle écrivait des romans géniaux à lire à 14/15 ans mais vaguement honteux et ennuyeux à lire plus tard. Du coup, est-ce que son lectorat ne se dit pas pour se déculpabiliser de continuer à la lire : ok, je lis toujours Anne Rice mais comme maintenant, j'ai un esprit super éclairé, je vois ses oeuvres pour ce qu'elles sont et je vais les démonter ? C'est une simple hypothèse hein, car je ne l'ai jamais lue. Je me suis contentée de me délecter d'Entretien avec un vampire au cinéma héhé.
Haha pas impossible ta remarque sur le lectorat d'Anne Rice. (Désolée je n'avais pas reçu de notification, je viens seulement de lire ta réponse. ^^)
Les commentaires sont fermés.