Le restaurant de l'amour retrouvé d'Ogawa Ito
01/03/2019
J'ai beaucoup aimé participer au Blogoclub en juin dernier (il n'y a pas à dire, les lectures communes, c'est quand même sympa), aussi ai-je sauté sur l'occasion de remettre le couvert (sans mauvais jeu de mots) quand j'ai découvert que ce titre-là était au programme du 1er mars : En ce moment, j'ai des envies de littérature japonaise.
C'est l'histoire de Rinco, 25 ans, soudainement muette en découvrant un soir le départ de son compagnon avec l'intégralité des meubles de la maison - y compris les ustensiles de cuisine et les économies qu'ils amassaient patiemment dans l'espoir d'ouvrir un jour un restaurant. En plus de l'amour, c'est donc les moyens d'atteindre prochainement un rêve qui s'écroulent pour la jeune fille. Sur un coup de tête et armée de fiches sur lesquelles elle note les mots de base pour communiquer avec ses semblables, elle prend le car de nuit pour le village de sa mère, avec qui elle n'a entretenu aucune relation depuis ses quinze ans. La mère de Rinco est aussi extravagante, superficielle, et inconséquente que sa fille est sérieuse, discrète et persévérante. Cette escapade se trouve finalement à durer : Rinco emprunte à sa mère de quoi ouvrir son restaurant en échange de s'occuper d'Hermès, le cochon domestique, et elle se met à cuisiner avec tant d'amour et de sincérité que ses plats semblent apporter miraculeusement le bonheur à ceux qui les mangent.
Mon restaurant, je voulais en faire un endroit à part, comme un lieu déjà croisé mais jamais exploré.
Comme une grotte secrète où les gens, rassérénés, renoueraient avec leur vraie moi.
Le propos de base est charmant et m'a fortement fait penser à celui de Chocolat amer de Laura Esquivel que j'avais plutôt aimé : l'histoire d'une jeune fille qui cuisine à merveille et qui transmet moult émotions dans ses plats. Malheureusement, cet écho de base a desservi ma lecture dans la mesure où j'attendais sans doute de retrouver la même fraîcheur et la même magie que dans la roman de l'auteure mexicaine (que je rangerais dans la catégorie des feel good qui ne se prennent pas au sérieux et qui papillonnent entre humour et fantaisie) - et ce ne fut pas vraiment le cas.
C'était mignon, soyons clairs, et je n'ai pas détesté du tout. C'était la lecture légère et rapide parfaite après la touffeur machiavélique des Hauts de Hurlevent finis juste avant. le seul hic, en ce qui me concerne, c'est que ce ne fut pas grand chose de plus que ça. Quoiqu'il arrive, la littérature japonaise est, certes, une littérature tout en retenue et lorsqu'on parle de poésie à son propos, il ne saurait être question des envolées lyriques et égotiques dont les européens ont parfois le secret. Ok. Mais même en sachant cela, il ne suffit quand même pas d'aller cueillir trois brins d'herbes aromatiques sauvages dans la forêt pour parler de poésie. Pour parler franc, j'ai trouvé le style globalement plat et l'histoire et les personnages trop naïfs et trop plein de bons sentiments pour rassasier ma soif de consistance littéraire. Du coup, ma lecture de ce roman fut du genre feel good en diagonale (sinon je m'y serais ennuyée, donc ça m'aurait énervée, donc ça n'aurait plus été feel good du tout) et dans cette optique-là, c'était sympathique mais je n'ai tout de même pas compris l'engouement foufou qu'Ogawa Ito a pu rencontrer avec ce roman lors de sa sortie. De même que je m'interroge sur son dernier opus, La Papeterie Tsubaki, dont le pitch est également très charmant, mais qui m'a semblé encore plus creux que Le restaurant... lorsque je l'ai feuilleté à la médiathèque. Ou alors c'est juste moi qui ne suis pas faite pour apprécier ce genre de roman à sa juste valeur.
Tous les avis des lecteurs du Blogoclub sur ce roman sont chez Florence.
32 commentaires
Bonjour Lili,
Je suis entièrement d'accord avec toi, si ce n'est que, comme je te l'expliquais sur mon blog, j'ai passé un agréable moment de lecture parce que j'ai réduit mes exigences et que j'ai pris ce roman pour une détente entre deux lectures plus nourrissantes, et que je l'ai lu très vite (forcément). Mais je pourrais aussi bien dire comme toi que je n'ai pas détesté du tout.
J'aime beaucoup ta critique qui est très claire et je me rends compte que je n'explique pas assez ce que j'écris dans mes billets mais que je fonctionne par sous-entendus, ce qui évidemment n'est pas la meilleure chose puisque certains mots ou expressions n'ont pas la même connotation pour tous. En effet, lorsque j'écris "feel-good", c'est assez péjoratif du point de vue du contenu comme du style et donc cela me paraît suffisant., mais il semble que certains pourraient prendre cela comme un trait positif... Il faudrait sans doute que je précise davantage.
Je ne pense pas lire non plus "La papeterie Tsubaki" qui me semblait plus intéressant puisqu'il s'agit de calligraphie et non plus de cuisine. Et comme toi, je m'étonne du succès d'Ogawa (et notamment du fait que ce roman m'ait été recommandé par deux grandes lectrices avec qui je partage des goûts communs et qui sont habituellement assez exigeantes).
Merci pour ta participation et bonne journée !
Merci pour ton long commentaire, Florence.
C'est vrai que pour moi, roman feel good n'est pas forcément hautement péjoratif. Disons qu'évidemment, c'est gage d'un roman léger et sans grosse profondeur mais je trouve qu'il y a parfois dans ce genre de romans-là de l'humour, de la légèreté qui peuvent être savoureux et mettre un peu de piment. Ici, c'était très plat et très premier degré, d'où ma déception malgré des attentes déjà peu élevées à la base.
"il ne suffit quand même pas d'aller cueillir trois brins d'herbes aromatiques sauvages dans la forêt pour parler de poésie" merci pour ce fou rire du matin ! J'attends la réouverture de ma médiathèque (les travaux ont pris du retard, le 2 avril si tout va bien) pour emprunter le roman japonais - j'en ai lu 2 dans ma vie je crois ! Pourtant j'ai voyagé en Asie et j'aime le cinéma mais j'ai du mal à vraiment aimer (et pourtant j'aime aussi les romans graphiques japonais..)
La mentalité et, conséquemment, l'écriture japonaises sont très particulières et très éloignés de la plupart des conceptions occidentales. Je crois que c'est pour ça qu'n a souvent du mal à s'y faire ; en tout cas, ce fut le cas pour ma part, comme toi visiblement ! J'espère que tu trouveras le romancier/la romancière japonais(e) qui te donnera envie. Si je peux y aller de mon petit conseil, pour ce qu'il vaut, je te glisse le merveilleux Yasunari Kawabata à l'oreille ;)
Si tu as envie de retourner en littérature japonaise en lecture commune, je te propose Mishima ou Kenzaburo Ôé ( suis très fan de cet auteur ), j'ai très envie de poursuivre ces lectures. Bon, je reconnais que ce ne sont pas des lectures poético-glamour-bucolique.
J'ai un recueil de nouvelles de Mishima dans ma PAL (que j'ai failli dégager mais qu'un de tes billets m'a invitée à conserver précieusement - il s'agit de "La mort en été") mais aucun Kenzaburô Oé par contre... Idéalement, ça m'arrangerait de piocher dans ma PAL, tant qu'à faire ! Je vais t'envoyer une photo de ce qui s'y trouve, tu me diras s'il y a quelque chose qui peut te tenter !
J'attends ta photo :) Je me souviens maintenant que nous avions parlé de ce recueil de Mishima.
Je fais ça tout de suite avant d'oublier :D
Pas lu, je crains un poil le trop gentillet...
Tu as raison de le craindre sur ce coup-là ! Ce n'est pas fameux...
Ouille ouille ouille j'ai acheté La papeterie Tsubaki, je n'avais pas capté que c'est la même romancière. Il faudra que je choisisse le bon moment pour le lire (un moment de grande fatigue intellectuelle, par exemple...)
Voilà, le moment de grande fatigue intellectuelle me semble clairement indiqué pour ne pas se sentir submergé par trop de platitude :D
Je viens de le finir et je n'ai pas encore attaqué mon billet... Et est-ce utile alors que le tien décrit exactement mon ressenti ;-) Allez je m'y mettrai ce soir, mais je pense être encore plus négative que toi. Pas du tout du tout sensible à la 'poésie' de ce roman et son succès est un mystère pour moi.
C'est parce qu'en fait, et en toute franchise, ce roman est le désert de Gobi de la poésie.
Je suis tellement de ton avis. Ce n'est pas les livres qui m'attirent parce que justement ils ne développent pas la profondeur de leur sujet. Un livre parlant de bonheur c'est rare (ou alors je n'en lus jamais parce que j'ai de gros a priori).
Je suis sûre qu'il y a de chouettes bouquins sur le bonheur - je suis même sûre d'en avoir déjà lus, c'est juste que les titres ne me reviennent pas là, tout de suite. Ce n'est pas forcément gage de médiocrité de parler du bonheur. D'ailleurs, ce roman-là ne sert pas une vision béate et illuminée de l'existence. Tout est dans le style et dans le traitement du sujet, finalement.
J'ai déjà lu le billet de Ellettres. Elle disait en substance la même chose. Pas attirée, ni par son dernier que tu évoques...
Oui, on a des avis très similaires sur ce roman avec Ellettres ! Tu peux passer ton chemin sans regret !
Dommage... Je relirais bien Kitchen à propos de manger et du Japon. Et j'ai hâte de retourner dans les collines couper du thym et du romarin !
Je ne connais pas Kitchen, j'irai me renseigner !
Et vive la cueillette prochaine des herbes aromatiques sauvages :D
J'ai laissé passer le rendez-vous, mais il semble que je n'ai rien raté finalement : j'ai besoin de lectures plus "consistantes" en ce moment ;-)
Honnêtement, non, tu n'as rien raté. J'ai enchaîné avec une lecture consistante juste après aussi pour être rassasiée ;)
Je te rejoins beaucoup! Je n'avais pas trouvé ça bien foufou à l'époque. Pourtant, j'aime parler nourriture...
Je suis ravie de voir que tu as lu Chocolat amer. Il traîne dans ma PAL depuis pas mal de temps. ^^
Nous sommes donc bien d'accord ! Même s'il ne casse pas non plus trois pattes à un canard, j'ai largement préféré Chocolat amer qui était plus léger et jouait plutôt sur un registre proche du réalisme magique (en beaucoup plus léger donc, hein). Ça donnait une atmosphère de conte assez sympathique. Tu m'en diras des nouvelles !
Je compte le lire pour le mois d'avril où je me consacre à la littérature japonaise. Je l'avais commencé sans enthousiasme l'an dernier, mais ce n'était pas le moment propice je pense. Je suis curieuse de le découvrir malgré tes réserves... et au pire, ce sera une lecture rafraîchissante parfaite pour me détendre ! :)
Je me rappelle de ton avril thémathique japonais ! J'aimerais beaucoup y re-participer cette année, si toutefois c'est possible (j'ai gardé une autre chronique japonaise en interne et exprès et d'autres livres japonais m'attendent pour l'occasion). Je guette la parution de ton programme de LC sur ton blog d'ici là !
J'avais bien aimé aussi !
Décidément, les avis sur ce livre sont très divers ! Je crois que ça dépend beaucoup de ce qu'on en attendait et de l'état d'esprit avec lequel on l'a lu, en fait.
J'avais beaucoup aimé ce roman!
Il fait bien son office :)
Ah ah! Lol tu m'as bien fait sourire. J 'avais aussi repéré ce livre à la librairie et avais lu quelques pages pour finalement le reposer... Je pense que je vais suivre ton avis et ne pas l'acheter. J'aime les romans feel good mais il faut qu'ils soient un minimum soignés dans l'intrigue. J'ai lu dernièrement aussi un roman du même acabit l'écriture était cependant très poétique mais l'histoire étonnamment creuse. Je n'avais pas non plus compris l'engouement lors de sa parution...
Si encore l'écriture était poétique... Ici, ce ne fut même pas le cas... Franchement, plus les semaines passent, plus je garde un souvenir plat et creux de ce bouquin. Il n'a pas l'once d'un intérêt.
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