Le pèlerin de Shikoku de Thierry Pacquier
24/04/2019
Sous-titré "Un chemin d'éveil au Japon", ce récit de voyage retrace le pèlerinage (vous ne l'aviez pas vu venir hein?) de Thierry Pacquier sur Shikoku, l'île des 88 temples.
Taneda Santoka* disait : "Je ne suis rien d'autre qu'un moine mendiant, on ne peut pas dire grand-chose de moi, sinon que je suis un pèlerin fou qui passe sa vie entière à déambuler, comme ces plantes aquatiques qui dérivent de berge en berge. Cela peut paraître pitoyable, pourtant je trouve la paix dans cette vie dépouillée et misérable."
Pour resituer dans le contexte si, comme moi, vous n'êtes pas incollable en géographie, Shikoku est la plus petite des quatre îles de l'archipel japonais et se situe au sud de Honshū (la grande île) et à l'est de Kyūshū (merci Google) (Pour les curieux, l'île la plus au nord est Hokkaido). Shikoku est particulièrement célèbre pour ce pèlerinage bouddhiste qui parcourt les 1200 km de sa circonférence en hommage à Kūkai dit Kōbō-Daishi, fondateur de l'école bouddhiste ésotérique Shingon.
Après avoir testé une portion du trajet quelques temps auparavant, Thierry Pacquier décide d'entreprendre l'intégralité du pèlerinage d'un seul coup, ce qu'on appelle toshiushi, durant une quarantaine de jours. Il en divise présentement le récit en quatre étapes, rythmées par les différentes préfectures de l'île et leur symbolique spirituelle. Ainsi, la préfecture de Tokushima par laquelle le voyage commence incarne-t-elle le chemin de l'éveil et ainsi de suite jusqu'au Nirvana. La cinquième partie est la fin du voyage, ce moment où Thierry Pacquier dépose son bâton de pèlerin, le kongozue, pour de nouvelles aventures - qui le ramèneront toutefois à Shikoku plus tard avec sa femme (et la boucle est bouclée) - mais ceci est une autre histoire.
Un certain matin, on se met en marche. Au sens propre.
Exactement comme Thierry Pacquier, en abordant ce livre, je me suis mise en mouvement - dans ma tête seulement - mais c'est l'intention qui compte. Je lis peu de récits de voyage, honnêtement. Je ne sais même pas combien j'en ai déjà chroniqués (verdict : peu. Vous pouvez aller voir ça en cliquant sur la catégorie dévolue) et, de toutes façons, le dernier date de plusieurs années. J'aborde cette littérature lorsque je suis dans un état d'esprit particulier et lorsque j'ai besoin, au contact du narrateur, de cheminer moi aussi. Les premières pages du texte de Pacquier m'ont donc enchantée et apporté exactement ce qu'il me fallait à l'instant T : cette philosophie simple qui consiste à aller pas à pas. Ce fut également l'occasion pour moi de découvrir succinctement cette frange ésotérique du bouddhisme japonais fondée par Kūkai qu'il me tarde de creuser à présent.
Néanmoins, à part cela et quelques autres réflexions qui, sans être follement novatrices, sont pertinentes et énoncées avec un humour de bon aloi, l'ensemble n'est pas d'une consistance littéraire suffisante pour m'enthousiasmer complètement. C'est d'ailleurs symptomatique que la plus longue citation que je vous livre dans ce billet soit, non de Pacquier, mais de Taneda Santoka qu'il cite à plusieurs reprises. On n'est clairement pas chez Nicolas Bouvier, soyons francs là-dessus. En gros et pour résumer, c'est quand même assez souvent anecdotique et pas toujours très passionnant. Il faut donc le prendre pour ce que c'est : le récit d'une expérience honnête qui rend compte de bien des aspects du pèlerinage de Shikoku, de la fatigue du chemin au plaisir des onsen, bains japonais dont raffole le pèlerin éreinté, en passant par la réservation des nuitées au fil des jours. L'aspect spirituel est assez peu présent finalement, et assez basique. N'attendez pas un livre de fou.
Par conséquent, si j'ai apprécié la sincérité et la simplicité de Thierry Pacquier, je reste clairement sur ma faim. Reste à voir ce que je vais trouver d'autre à présent, de plus consistant et de plus qualitatif à tous points de vue. Peut-être bien Nicolas Bouvier, tiens. Ces magnifiques carnets japonais me font des œillades indécentes.
Le présent, rien que le présent, le reste n'est qu'hypothèse et élucubrations.
*Thierry Pacquier remercie en fin d'ouvrage Hubert Haddad pour son sublime Mā qui lui a fait découvrir l'oeuvre de Santoka. Ça l'a tellement inspiré qu'il jalonne son récit des haïkus du poète errant. Comme j'ai adoré également ce roman de Haddad, je ne résiste pas à vous renvoyer à mon billet pour vous le faire découvrir, si vous ne le connaissez pas déjà.
10 commentaires
Les récits de voyage, c'est clairement par périodes. Je me rends compte que j'y attends autant l'expérience intimevque géographiques.
Je n'ai pas lu Ma de H.Haddad mais tu me rappelles la belle lecture du Peintre l'éventail, lecture double avec le recueil de haïkus qui l'accompagne.
Je ne peux que t'encourager très fort à lire Mā que j'ai trouvé encore plus délicieux que Le peintre d'éventail. Je garde un souvenir marquant de sa lecture.
Et clairement, un bon récit de voyage tient autant de l'intime que du géographique - ce qui est le cas ici - mais j'y ajouterais en plus le travail littéraire pour qu'il mérite d'être publié et c'est sans doute ce qui pèche ici.
j'adore voyager mais bizarrement je n'accroche pas avec les récits, ou alors j'ai juste envie d'y aller et de le vivre en vrai ;-)
Héhé, je ne suis pas ultra cliente de ce genre littéraire mais parfois, j'en ressens l'envie. C'est vraiment ponctuel et alors, je le dévore. Mais je me tournerai vers quelque chose de plus costaud littérairement la prochaine fois ;)
Si j'en crois mes yeux, les thèmes voyage (et nature) sont fort présents sur mon blog, donc ce livre devrait me plaire (ou en tout cas m'attirer). Tu me donnes envie de replonger chez Bouvier, aussi...
Honnêtement, je te conseille surtout de replonger chez Bouvier ^^
Mais tu ne perds rien à tenter celui-ci si tu le trouves à la bibliothèque !
J'avais beaucoup aimé L'usage du monde de Nicolas Bouvier. Mais là, j'ai l'impression qu'on est plus proche de Ruffin et son chemin de compostelle ( que j'avais aimé aussi !!!). Je pense que je lirai un autre livre sur le Japon...
Ah oui, c'est bien possible que ça se rapproche du Ruffin dont tu parles. Et ce n'est pas si mal dans son genre. Tout dépend ce qu'on s'attend à lire finalement.
je ne suis pas trop recit de voyage...donc cela ne va pas trop me tenter.....;)
Comme ça, c'est dit !
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