Une étude en rouge d'Arthur Conan Doyle
09/12/2019
Mon histoire avec Sherlock Holmes n'est pas exactement un long fleuve tranquille. J'ai tenté plusieurs fois - trois, pour être exacte - Le chien des Baskerville et, puisque à chaque tentative, il m'est tombé des mains - fait rare pour un roman policier, je n'ai pas une seule fois réussi à atteindre la fin - je pensais que mes aventures avec le célèbre détective se limiteraient aux très bonnes séries adaptées de ses enquêtes littéraires. Et puis m'est venue l'idée - pourquoi n'y ai-je pas pensé avant ? C'est à se le demander, vraiment - de commencer par le commencement (dans une édition vintage du CDI qui fleure bon l'époque où j'étais à la place de mes élèves) avant de définitivement jeter l'éponge.
Dans Une étude en rouge, Watson, médecin vétéran encore bien amoché par ses blessures de guerre, rencontre Holmes par l'intermédiaire d'un collègue infirmier. Et les deux chapitres qui s'en suivent sont absolument savoureux. Sherlock Holmes coche toutes les cases du détective atypique génial qu'il incarne par excellence, que Conan Doyle crée pour lui à l'occasion, surtout celle de la prétention éhontée. Extérieurement, il est très conventionnel, indéniablement victorien : se lève et se couche tôt, est très propre sur lui et bien élevé, assiste à des concerts classiques et il est même charmant et souriant de prime abord. Ses originalités sont subtiles et se découvrent petit à petit, ce que j'ai particulièrement apprécié. Le donner à voir à travers les yeux de Watson est un coup de génie de Conan Doyle, tant on s'identifie à ce dernier, à la fois à l'affût et complètement déstabilisé par l'étrange spécimen qu'est son nouveau colocataire.
je tiens mon homme, docteur ! Je parierais deux contre un que je le tiens ! Il faut que je vous remercie. Sans vous, je ne me serais peut-être pas dérangé, et j'aurais manqué la plus belle étude de ma vie. Une étude en rouge, n'est-ce pas ? Pourquoi n'utiliserions-nous pas un peu l'argot d'atelier ? Le fil rouge du meurtre se mêle à l'écheveau incolore de la vie. Notre affaire est de le débrouiller, de l'isoler et de l'exposer dans toutes ses parties.
L'enquête en elle-même, par contre, n'est objectivement pas folle et j'ai même trouvé son rythme souvent mal mené. Le suspens n'a même pas le temps de monter qu'on a déjà bouclé l'affaire. Cela dit, cette frustration, qui a certes pour bonne intention liminaire de mettre en avant le brio de Holmes mais de façon trop maladroite à mon goût, est rattrapée par une deuxième partie comme je n'en imaginais pas : un flashback qui explique l'histoire et le mobile du meurtrier, au pays des mormons américains. Mention spéciale pour l'originalité de ce voyage très agréable qui m'a donné la plaisante sensation de lire deux livres en un - sur moins de deux cents pages, la prouesse est à noter !
Évidemment, il m'a fallu revoir le premier épisode de la série Sherlock dans la foulée pour goûter avec une totale fraîcheur et plus d'acuité la transposition opérée et très clairement, encore plus qu'avant, l'extrême intelligence de cette série m'a sauté aux yeux. L'essentiel de la trame est respectée et les modifications propres au monde contemporain sont amenées avec une justesse percutante et une verve fondante à souhait. Après réflexion donc, je crois que je n'en ai finalement pas fini avec Sherlock Holmes. Mais en attendant, je me refais tous les autres épisodes avec Cumberbatch et Freeman, tous deux parfaits en tous points, tandis que je m'adonne à la confection de quelques cadeaux de Noël. Best Christmas companions ever.
11 commentaires
Ravie que tu aies aimé. J'adore les textes sur Sherlock Holmes. Il y a ce petit côté désuet totalement enthousiasmant et ce mélange de génie et d'excentrisme. Conan Doyle en a écrit tellement (plus de 50 nouvelles, si je me souviens bien) que tout n'est pas toujours aussi brillant, mais c'est une belle balade de lecture.
Je trouve aussi que la série Sherlock a transposé tout ça avec énormément de brio. J'ai beaucoup plus retrouvé les livres là que dans les films de Guy Ritchie.
C'est comme les bouquins d'Agatha Christie finalement : vu le nombre impressionnant de bouquins, la qualité est forcément inégale.
Je n'ai absolument pas aimé les films avec Guy Ritchie. Je ne pense même pas en avoir vu un en entier. Dans un genre historique, je suis fan de la série des années 90 avec Jeremy Brett par contre.
Ah, je n'ai pas vu la série, et vu mon rythme je ne la verrai sûrement jamais. J'ai plein de DVD de Poirot et Miss Marple qui m'attendent depuis des années, en vain. :'( Mais bon j'essaye de garder ça à l'esprit. :)
J'ai sûrement lu ce roman, je ne me souvenais plus que c'était le premier de la série.
A part ça, Pierre Bayard a bien démonté Le chien des Baskerville, lis le!!!
Oui, ce livre-là, j'ai bien l'intention de le lire par contre ! Il a l'air génial !
Tiens, moi c'est ce roman-ci qui m'est toujours tombé des mains. Je ne trouve pas que la forme longue convienne bien à Conan Doyle en fait. En revanche, j'aime beaucoup les nouvelles.
Ah, alors comme quoi ! Je pense que j'ai apprécié ce titre plus que Le chien des Baskerville grâce à ses deux parties assez distinctes qui brisent un peu la forme longue du roman. Mais je te rejoins, je ne suis pas persuadée que ce format soit le fort de Conan Doyle. Il faudrait que je tente ses nouvelles, du coup.
Je l'ai déjà lu deux fois au moins - au moment où j'ai vu la série et avant - mais j'ai oublié les détails comme chez A. Christie, je finis pas oublier les intrigues... ( sauf pour le chien de Baskerville ou d'autres un peu plus développés)
Ou d'autres particulièrement connus. C'est le problème de ces auteurs de romans policiers ultra prolifiques : on finit par se perdre dans le nombre incalculable d'intrigues qu'ils ont inventées.
J'en ai lu très peu, il y a longtemps, et pas celui-là. Mais j'ai un goût de pourquoi pas, là. Et surtout, une envie folle de découvrir la série !
Oh, tu n'as jamais vu Sherlock ? Je ne peux que t'encourager à plonger dedans, elle est fabuleuse ! Elle est sur Netflix, pour info ;) L'avantage, c'est qu'il y a très peu d'épisodes par saisons, qu'il y a très peu de saisons et que chaque épisode se centre autour d'une enquête donc peut très bien se voir indépendamment des autres.
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