The Heir de Vita Sackville-West
15/06/2020
Peregrine Chase découvre le domaine de Blackboys en même temps qu'il en devient propriétaire : sa tante est morte ; il est l'unique héritier. Nul doute qu'il ne souhaite pas s'encombrer de ce manoir vieillissant, de toutes ces fermes en métairie et de ces paons bruyants qui se pavanent en terrain conquis. Aussi Mr Nutley, le notaire exécuteur testamentaire de feu Miss Chase - personnage pénible de mesquinerie et de condescendance au demeurant - prend-t-il les devants. La visite des lieux faite, il lance immédiatement les hostilités d'une vente aux enchères de tous les biens pour rembourser l'hypothèque qui pèse sur l'héritage, sans vraiment demander l'avis de Chase. En même temps, notre héros est du genre taiseux et observateur. Il laisse faire. Au départ, il ne se destinait effectivement à rien d'autre qu'à faire l'aller/retour à Blackboys pour tout liquider. Mais c'était sans compter l'attraction du domaine dont la lumière et la végétation apportent à Chase une sérénité jusqu'alors inconnue. Le manoir, dans sa famille depuis toujours, résonne à ses oreilles comme une évidence limpide. Le chien, même, reconnaît déjà l'héritier comme son nouveau maître.
Un aperçu du jardin de Sissinghurst Castle, le domaine de Vita Sackville-West
Le texte est court (90 pages dans mon édition) et à la fois contemplatif et piquant. Blackboys revêt tous les atours d'un jardin d'Eden païen et luxuriant dans lequel Chase découvre les véritables richesses de l'existence : le silence, la paix, la solitude. C'est une rencontre presque amoureuse ; la maison, d'ailleurs, semble vivante et c'est peut-être bien elle, au fond, le véritable protagoniste de l'histoire. Elle est à elle seule toutes les racines et tous les fruits de la famille depuis longtemps disséminée. En revenant aux sources, Chase se retrouve du même coup. Il n'a beau rien dire et sembler passif une bonne partie du récit, la magie du domaine se déverse puissamment en lui comme la poésie délicieuse de Vita Sackville-West au gré des pages. On sent ici sous la plume son amour de la nature et des jardins. Et puisque Vita reste Vita, elle ne se prive pas non plus d'exercer son ironie primesautière sur le caractère des personnages, notamment des notaires qui en prennent joliment pour leur grade, mais aussi des futurs acquéreurs nouveaux riches, ou même des paons ! The Heir, traduit par L'héritier aux éditions Autrement, se déguste doucement et avec délectation comme une bonne margarita frappée un soir d'été.
For at the center of all was always the house, that mothered the farms ans accepted the homage of the garden. The house was at the heart of all things; the cycle of husbandry might revolve - tillage to growth and growth to harvest - more necessary, more permanent, perhaps, more urgent, ut like a woman gracious, humorous, and dominant, the house remained quiet at the center. To part the house ans lands, or to consider them as separate, would be no less than parting the soul and the body. The house was the soul; did contain and guard the soul as in a casket, the lands were England, Saxon as they could be, and if the house were at the heart of the land, then the soul of the house must indeed be at the heart and root of England, and, once arrived at the soul of the house, you might fairly claim to have pierced to the soul of England.
Le mois anglais chez Lou et Titine
Journée consacrée aux vintage classics
Textes précédemment chroniqués de Vita Sackville-West : Au temps du roi Edouard, Dark Island, Le diable à Westease.
16 commentaires
et bin tout un texte court qui donne envie...cela me permettrait de rentrer delicatement dans le domaine de VSW....;)
En effet, ce serait une très bonne entrée dans l’œuvre de VSW !
Je crois que j'ai deux textes d'elle sur les étagères (en français). Je suis curieuse de voir ce que ça donne, j'avoue !
De quels textes s'agit-il ? Pour ma part, je n'ai pas tout autant aimé d'elle (tiens, d'ailleurs, j'ai oublié de mettre en fin de billet mes précédentes chroniques de ses œuvres) mais c'est malgré tout une auteure que je relis régulièrement avec plaisir.
Mais... n’y aurait-il pas un peu de Elizabeth Von Arnim dans cet opus de Vita ? En tout cas, cette lecture te va bien, parce que je t’imagine un peu comme une divinité sage et légèrement sarcastique, lisant des livres dans son domaine au « coeur du pays », environnée d’animaux et de fleurs (et une Duvel à la main ;))
Oui, tu as raison, il y a peu d'Elizabeth chez Vita ! J'aime beaucoup ces auteures début vingtième en ce moment, à la fois poétiques et ironiques à souhait.
Et une divinité, comme tu y vas ahah ! Par contre, je prends tout le reste. Merci copinette
Si ce court roman a un goût de margarita, il est pour moi
Cheers !
Ah peut être... je ne connais pas trop cette auteur en tant qu'auteur
On en a beaucoup parlé par l'intermédiaire de Woolf, c'est vrai, mais elle gagne aussi à être connue pour elle-même !
Encore une auteure anglaise qu'il faut que je découvre et celui-ci me tente beaucoup, grâce à ton avis ! En plus, un texte court, c'est bien pour débuter ! Je note !
Super ! Oui, rien de tel qu'un texte court pour voir si le style de l'auteure nous plait. Quoique, je dis ça, mais VSW a un style assez polymorphe en fait.
Tu vends du rêve.
Et ben là, c'est ton commentaire qui me vend du rêve :D
Heureusement que tu finis en parlant de la verve de l'auteur, sinon j'aurais eu l'impression que ce texte était complètement à part dans son oeuvre... Décidément, les histoires de maison sont une spécialité anglaise.
Pas lu celui-ci de Vita... Je le note, bien sûr. Elle-même a eu une maison magnifique et un jardin remarquable.
Bonne journée.
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