Marina de Carlos Ruiz Zafon
17/10/2014
Marina de Carlos Ruiz Zafon, Robert Laffont (ou Pocket Jeunesse), 2011, 304p.
Dans les années 80, Oscar Drai s'ennuie dans son pensionnat de Barcelone. Son seul divertissement est de vagabonder chaque soir, une fois les cours terminés, dans les rues de sa ville. Lors d'une promenade parmi d'antiques demeures qu'il pense abandonnées, il fait la connaissance d'une jeune fille mystérieuse et diaphane, Marina, qui ne tarde pas à devenir sa meilleure amie. Elle l'entraine un beau jour dans un cimetière afin d'observer une femme entièrement voilée de noir, une rose rouge à la main. Nul ne connait son identité ni l'identité de la personne qu'elle vient visiter. Ce qui devait être une escapade anodine, destinée à émoustiller les sens d'une adolescence solitaire et un poil ennuyeuse, déclenche au contraire une aventure haletante. A présent que le mécanisme est amorcé, il leur faut trouver la source du mystère pour parvenir à l'enrayer.
J'ai lu ce roman pour la première fois à sa sortie, à une époque où la littérature Young Adult et moi faisions deux - note que ce n'est toujours pas la folle histoire d'amour, l'ami, mais ça va tout de même beaucoup mieux. J'avais du coup porté sur ce titre un regard plutôt sévère, soulignant principalement les ressors parfois grossiers et la bonne intention de l'ensemble un peu trop saupoudrée de sucre glace sur la fin. Soyons francs, je vois toujours ces aspects là - particulièrement le sucre glace final tirant sur le larmoyant qui est, sans doute, ce qui me déplait toujours un poil.
Néanmoins avec un regard neuf, je reconnais aussi beaucoup de qualités à ce roman que, dans mon exigence déplacée (puisqu'on ne saurait juger un roman YA comme un roman adulte, n'est-ce pas ?), j'avais laissées échapper. J'ai particulièrement été interpelée par le style lors de cette relecture : un style qui se veut à la fois accessible - et c'est le cas - et d'une qualité qui ne rogne pas sur un vocabulaire évocateur. L'auteur affirme en note finale à ce propos qu'il s'est refusé à écrire un roman YA qui ne serait qu'un amoindrissement de la littérature adulte. Il s'agissait plutôt de faire la part-belle à des héros auxquels de jeunes lecteurs puissent s'identifier tout en restant dans un style accessible et appréciable à tous les âges (ceci explique son édition simultanée dans les collections adulte ET jeunesse de Robert Laffont.), sans considérer les adolescents comme des sous-lecteurs. J'aime cette conception de la littérature YA, qui souffre trop souvent de facilités stylistiques parfois ennuyeuses. Ici, sans être un chef d’œuvre littéraire, le style n'a rien de médiocre. J'ai pris beaucoup de plaisir à lire cette aventure qui, me semble-t-il, saura captiver les ados tout en les tirant vers le haut.
D'autre part, force est de constater que l'intrigue fonctionne à merveille. J'ai plutôt dévoré le roman alors même que je l'avais déjà lu (plutôt en diagonale il faut dire ; je crois donc que certains éléments étaient passés à la trappe et m'étaient surtout sortis de la tête). J'ai aimé suivre les aventures mystérieuses d'Oscar et de Marina. Le roman développe un fantastique assez classique où de sombres créatures - dont on hésite sur la provenance extraordinaire ou non - se montrent de plus en plus belliqueuses et envahissantes. Carlos Ruiz Zafon ménage plutôt bien son suspens et le livre fonctionne comme un bon page turner. Tout cela est évidemment mâtiné d'une amitié adolescente qui raccroche toujours l'aventure à la réalité et affirme bel et bien l'empreinte fantastique à mi-chemin entre l'étrange et le quotidien.
En fin de compte, est-ce que je m'amollis avec les années ou est-ce que j'ai simplement réussi - grâce, entre autres, à la fréquentation de blogueuses au style plus éclectique que le mien - à m'ouvrir et à apprécier d'autres styles, d'autres genres pour d'autres publics ? J'aime croire qu'il s'agit plutôt de la deuxième optique (hein hein?). Rien ne sert de juger un roman fantastique sans prétention destiné principalement à un public young adult à l'aune de sa précédente lecture d'un classique du XIXème. Il faut bien savoir ce qu'on lit et avec quelle exigence le critiquer. Pour revenir à Marina, si je ne l'ai pas trouvé extraordinaire, je l'ai trouvé fort agréable. Il n'y a pas de quoi bouder son plaisir, qu'on soit jeune ou moins jeune. Par ailleurs, j'ai L'ombre du vent du même auteur dans ma PAL (sans doute arrivé là à la suite d'une mystérieuse escapade en brocante, allez savoir) et, si je n'étais pas plus tentée que ça jusqu'alors, j'ai maintenant la quasi certitude d'y passer un très bon moment. Voilà qui sera idéal lors d'une période de bourre au boulot. Je garde ça au chaud précieusement !
8 commentaires
Dès que j'ai vu le titre du roman et les pierres tombales je n'ai pas pu résister et je me suis précipité sur ton billet que j'ai bien entendu lu avec grand plaisir. J'ai découvert récemment que l'auteur avait été connu initialement grâce à ses romans pour adolescents. Cela m'a intrigué. Ma mère a dévoré ses oeuvre, moi je n'étais pas trop convaincue. Ton ressenti m'a fait changé d'avis et je me commanderai bien un petit livre sur Amazon tiens... J'aime l'idée que cette littérature tire, comme tu l'as si bien dit, les jeunes vers le haut. Je suis sûr que c'est mieux que Twilight!!
A la base, je n'étais pas terriblement emballée non plus mais ce roman, en tout cas, est finalement agréable à lire, divertissant et assez captivant dans l'ensemble. C'est clairement de la littérature sans prétention mais d'une certaine qualité dans son genre !
Il paraît qu'il n'y a qu'en France (?) que l'on distingue un livre pour ados d'un livre pour adultes? J'ai lu cela à propos de La voleuse de livres qui, chez nous, était présenté comme un roman pour la jeunesse alors qu'en Australie il n'y pas cette distinction. Un bon roman doit pouvoir être lu par tous, je suppose.
Tu as raison Claudialucia ! Au final, un bon roman doit pouvoir être lu par tous (lorsque c'est le bon moment pour le lecteur en question). Je ne savais pas que nous étions parmi les seuls pays à avoir tendance à stigmatiser particulièrement la littérature ado...
Je crois aussi que c'est la deuxième optique : tu ne saurais t'amollir, ma douce !! ^^
Sinon quant à ce roman, je crois que tu devines ma moue "bouais...", mais je crois en fin de compte que je ne saurai trancher que si je le lis. Le sentiment mitigé que j'éprouve suite à la lecture de ton (chouette) billet me chipote un peu ! Dans l'immédiat j'ai un petit Faulkner sur le feu (*clin d'oeil*), donc je pense que celui-ci attendra de toute façon. :)
Je ne suis pas sûre que ce roman te botte, en toute honnêteté. Il n'est pas mauvais et se laisse lire sans déplaisir, entendons-nous bien, mais j'aurais bien d'autres lectures à te conseiller avant ^^ Ouh ouh, je suis contente que Faulkner soit sur le feu de ton côté ! J'espère qu'il te plaira !
J'étais impatiente de découvrir cet auteur mais Marina m'avait beaucoup ennuyée. Au début cela me plaisait beaucoup pourtant. Mais la tournure de l'histoire ne m'a pas convaincue. Je n'ai pas pas pour autant dit mon dernier mot, j'ai un autre roman de Zafon qui m'attend dans ma PAL ! Mais je ne sais plus lequel, et j'ai la flemme de chercher ^^ Une histoire de vent je crois. Bon week-end Lili !! Des bisous
Oh, pour le coup, tu as été moins bon public que moi sur ce coup-là ^^ C'est aussi "L'ombre du vent" que j'ai dans ma PAL. Je le garde pour une prochaine période où j'aurai envie d'un bouquin sympathique et sans prise de tête !
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