Stardust de Neil Gaiman
27/08/2017
La rentrée scolaire se profile : la semaine prochaine à la même date, je connaîtrai l'emploi du temps et les classes qui rythmeront ma nouvelle année.
Partant de ce constat, je me suis dit qu'il serait de bon ton d'achever la chronique des bouquins piqués au CDI en juillet et lus pendant l'été (il n'y en aura eu que trois finalement et, considérant que deux d'entre eux sont des BD, je crois pouvoir affirmer que cette collecte n'aura pas échappé à l'habituel syndrome des yeux plus gros que le ventre) (mais je vous rassure, j'ai lu d'autres livres par ailleurs. Faut pas déconner non plus.)
Un énième Neil Gaiman, donc. En jetant un petit coup d’œil sur l'historique du blog (j'ai toujours du mal à réaliser que j'attaque la septième année, nom d'un p'tit canard rayé), je m'aperçois que plusieurs sont d'ores et déjà apparus par ici*. En l'occurrence, j'ai longtemps tourné autour de celui-là sans oser m'y attaquer, craignant un roman trop enfantin et l'overdose de fées. C'était sans compter qu'il revienne à moi régulièrement. Il était grand temps, donc, que j'aille au-delà de mes craintes et que je prenne la route de la forêt anglaise.
Rares sont ceux d'entre nous qui ont pu voir les étoiles telles que les gens les voyaient à cette époque - les lumières de nos villes violent l'obscurité de la nuit -, mais, vues du village de Wall, en ce temps-là, les étoiles s'offraient au regard comme autant de mondes ou d'idées à explorer, aussi innombrables que les arbres dans la forêt ou les feuilles sur l'arbre.
La route mène précisément à Wall, un petit village au cœur des arbres. Tout y est réuni pour planter un décor propice à la rêverie des contes : des maisons en pierre et ardoise ; un sentier biscornu ; d'aimables pâturages et, évidemment, ce fameux mur qui donne son nom au village et ceint la forêt. Ici se sépare notre monde de celui des fées avec lequel il n'est permis de communiquer qu'une fois tous les neuf ans, le premier mai, pour une foire magique exceptionnelle. Wall devient alors un lieu cosmopolite, étrange, terriblement excitant. Dunstan Thorn ne résiste pas à l'appel de découvrir un beau jour cet événement, tombe nez à nez avec une prisonnière charmante aux oreilles de chat et se laisse séduire. De cette nuit-là, naît Tristan qu'on lui dépose un beau jour au pied du mur. Voilà notre héros prédestiné : à la fois homme et créature d'Outre-Mur, c'est l'amour qui le poussera à son tour, dix-sept ans après son père, à franchir à son tour le mur pour chercher une étoile filante. Loin d'imaginer ce qu'il va trouver au fil du chemin, car tout - créatures, moyens de transport et mobiles - sera nouveau et déconcertant pour lui. En bon conte, toutefois, la finalité de ce long cheminement sur près d'un année sera de faire passer Tristan du côté de l'âge adulte, des amours véritables, et des secrets enfin révélés.
les bons sentiments, vous l'aurez compris, sont évidemment de la partie mais vous auriez tort de croire à un roman d'une simplicité enfantine comme je l'ai craint. Les étoiles filantes, voyez-vous, sont aussi rares que précieuses et il arrive qu'elles tombent pour des raisons aussi fortuites que capitales. Ainsi, Tristan n'est pas le seul à se lancer à sa suite et va coudoyer simultanément quelques créatures merveilleuses assez hostiles. Cette coexistence de plusieurs personnages en marche vers un même but donne une narration qui passe à saut et à gambade d'un personnage et d'une quête à l'autre, sans qu'on comprenne bien qui anime quoi (ou inversement) au départ et la finalité de cet imbroglio. Evidemment, tout cela s'éclaircit rapidement et il n'y a pas là matière à décourager un lecteur adulte habitué à pire labyrinthe narratif. Il faut par contre convenir qu'il y a là motif raisonnable à réserver ce titre à un lectorat jeune plutôt aguerri. D'autant que certains passages me semblent tantôt trop ou trop peu développés (c'est selon). Résultat : le rythme de lecture en prend parfois un petit coup et c'est dommage. En somme, ce roman de Gaiman fourmille de trouvailles en or et jouit comme les autres de ce ton anglais décalé si savoureux qui empêche de tomber tout à fait dans une cucuterie éhontée. Mais, encore une fois, comme avec presque toutes mes lectures de l'auteur, je ne suis pas totalement conquise. Des bémols subsistent décidément...
Dans la foulée de ma lecture, j'ai visionné l'adaptation cinématographique tournée en 2007 avec Michelle Pfeiffer et Robert De Niro (rien que ça). Passé le premier quart d'heure où j'ai évidemment pesté contre les premiers remaniements (à mon sens inutiles) de scénario, j'ai rapidement bien vite adhéré au parti pris de supprimer les dites-faiblesses du bouquin au profit d'un développement plus intéressant d'autres personnages : le personnage du chasseur d'éclairs prend soudainement une allure aussi truculente que profonde, l'air de rien, et c'est un régal ! On ne va pas se mentir cependant : la mise en image, qui n'est pas sans accentuer les stéréotypes et orienter vers un happy end dans les règles du conte, nous fait clairement basculer du côté obscur de l'arc-en-ciel et des cacas papillons. MAIS je trouve le rythme de l'ensemble plus fluide et les choix scénaristiques plus judicieux, là où Neil Gaiman a parfois péché. Je me devais de le souligner : pour une fois que je trouve une version ciné qui vaut le coup d'être visionnée avec plaisir. Et, en l'occurrence, le film est parfaitement compréhensible à tous les âges !
Challenge A year in England chez Titine
*Si ça te dit de retourner les voir, c'est par ici :
L'étrange vie de Nobody Owens (que mes 3e l'an dernier ont eu l'air d'apprécier, au passage, même s'il leur manquait décidément la référence au Livre de la Jungle. Note qu'en lecture cursive parallèle d'une séquence sur le dit Livre de la Jungle, ça peut potentiellement déchirer la race de sa grand-mère.)
De bons présages (Et là, décidément, je dois bien avouer que j'ai du mal avec la patte Pratchett... Je suis prête à recevoir toutes les foudres divines maintenant.)
American Gods (J'en garde vraiment un excellent souvenir, de ce roman-là. Le seul de Gaiman sur lequel je n'ai pas eu l'ombre d'une réticence ou d'un bémol. Autant dire que j'ai hâte de voir ce que donne la série ! Mrouuuuh)
Anansi Boys (En dehors du fait qu'il est question de dieux et d'araignées, je ne m'en rappelais pas un brin avant de re-parcourir la chronique. Même pas du citron vert. Ça veut tout dire, non ?)
Marvel 1602 (probablement un des meilleurs comics que j'ai lus jusqu'ici) (Ok, il n'y en a pas cinquante non plus)
16 commentaires
Intéressante chronique qui tombe à point nommé car on m'incitait justement, ces jours-ci, à lire du Gaiman malgré mes réserves sur ses bouquins. Je pense que je finirai bien par lire celui-ci.
Franchement, je pense qu'il faut lire au moins une fois cet auteur. Malgré les bémols que je finis toujours par relever, je prends globalement beaucoup de plaisir à le lire. C'est un bon romancier, hein. Après, je ne suis pas experte en Fantasy, donc sans doute auras-tu un regard beaucoup plus critique que le mien, mais il n'y a vraiment pas de quoi le remiser au placard :)
Et évidemment, je te conseille "American Gods" puisque c'est celui que j'ai préféré !
Héhé entre-temps tu as vu que j'ai donc déjà lu Gaiman - je continue vaillamment à tenter ma chance de temps en temps. Je pense qu'il y a quand même des chances pour que je lise aussi Coraline par exemple. :)
Coraline est le premier que j'ai lu de lui... Je me rappelle d'une très grande référence à Alice au pays des merveilles et De l'autre côté du miroir surtout (décidément, Gaiman aime réécrire les contes !). Il ne m'a pas marqué outre mesure, je dois l'avouer, à part ça (peut-être faudrait-il que je le relise car ça commence à dater pas mal) mais mes élèves de 6e l'ont bien aimé ;)
Je viens de lire l'étrange vie de Nobody Owens que j'ai beaucoup apprécié (je lis très très rarement des histoires jeunesses mais force m'ait avoué que celui ci je ne l'ai pas lâché). J'ai lu Le livre de la jungle que je n'avais pas beaucoup aimé :( et la comparaison est super bien trouvée ! Puis dans son ambiance un peu absurde j'ai pensé à Beckett aussi. Stardust j'avais vu le film mais je n'ai point lu le livre, je crois que je lirai un livre de Neil Gaiman par an parce qu'il a le don d'éclairer un peu la noirceur de mes pensées.
J'ai longtemps laissé la littérature jeunesse et ado de côté moi aussi, mais plus j'en lis, plus je me rends compte que cette littérature, si elle est de qualité, à plusieurs niveaux de lecture et c'est ça qui est passionnant pour notre regard d'adulte (et de prof au passage).
J'avoue que je n'avais pas beaucoup aimé "Le livre de la jungle" moi non plus, mais l'intertextualité me semble primordiale et très intéressante ici !
Je te souhaite encore plein de belles lectures de Gaiman ;)
Je n'avais jamais fait le lien entre le film et ce titre de N Gaiman !! bon, alors il faut que je le lise :-) Fan de "Nobody OWens", "Neverwhere", "Coraline", "L'océan au bout du chemin", je prévois de lire bientôt "American Gods" ! c'est en partie pour Mr Gaiman que mon fils s'appelle Neil en 2è prénom :-) Bonne rentrée !!
Quelle belle inspiration pour un 2eme prénom !
J'espère que tu apprécieras "American Gods" autant que moi !
Je n'avais pas eu le temps de venir depuis longtemps, et quand je reviens, paf, du Gaiman ! Merci ! C'est vraiment rigolo d'apprendre que tu n'aimes pas Pratchett alors que j'étais en train de copier un morceau de "Mécomptes de fées" il y a 10 minutes. Si tu as toujours ton plan du métro londonien, il faut lire "Neverwhere" de Gaiman. Juste pour le fun, et avec le plan du métro :)
En fait, j'adore chaque extrait que je lis de Pratchett mais c'est sur la durée d'un livre que je n'arrive pas à adhérer... Sur la longueur, je trouve ça too much finalement...
J'aimerais beaucoup lire "Neverwhere" justement ! Je note qu'il me faudra un plan du métro londonien sous la main pour une compréhension optimale alors héhé !
Mon préféré reste American Gods.. mais celui-ci, j'en garde un bon souvenir. J'aime Gaiman, je pense!
On est donc deux à avoir préféré American Gods ! (et à aimer Neil Gaiman ;) )
J'en ai lu qu'un pour l'instant ( Neverwhere) qui semble soufrir de certains défauts que tu évoques. J'en ai encore dans ma PAL. Je verrais bien...
Ah... Bon... "Neverwhere" est le prochain que j'aimerais tenter mais il faut donc que je m'attende à ne pas le trouver très différent des autres Gaiman alors... ! On verra, comme tu dis ^^
Je n'ai pas réussi à le finir... et j'avais apprécié le film sans plus au cinéma, davantage au second visionnage. J'ai des sentiments mitigés à l'égard de Gaiman. J'ai beaucoup aimé "Neverwhere" et "L'étrange vie de Nobody Owens", mais ce n'est clairement pas un univers qui me parle. J'ai aussi lu "De bons présages", barré, mais comme toi ça ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. Je tenterai sans doute "American Gods" un jour.
Oh, à ce point ? Pour ma part, heureusement, il y a toujours un petit élément qui me donne envie d'aller jusqu'au bout... Mais je comprends totalement que les bémols puissent prendre trop de place, au fur et à mesure de la lecture, jusqu'à conduire à la lassitude... Ce qu'il y a d'étonnant, finalement, c'est qu'on finit quand même toujours par revenir à Gaiman malgré tout. Il a aussi quelque chose d'addictif !
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