Au revoir à l'une, salut à l'autre*
31/12/2017
Le miracle de l'instant, l'éternité de ce qui va mourir.
Gaëlle Nohant
Tiens, 2017
Tandis que le bilan que voilà est censé être littéraire, je dois avouer que là, tout de suite, ce qui me vient à l'esprit à brûle pourpoint n'a rien de littéraire...
A vrai dire, je pense d'abord à mes chats*, et particulièrement à celle qui nous a quittés tout début novembre, Nina dite affectueusement le vieux slip. Elle était antédiluvienne, ne nous mentons pas, et elle n'était pas chez nous depuis très longtemps, ayant préféré courir les montagnes savoyardes en toute liberté les vingt premières années de sa vie. Nous n'aurons été que sa maison de retraire mais, comme tout personnel soignant qui se respecte, nous nous sommes attachés à elle au fil des mois. Aussi, mes premières pensées volent vers elle au moment de tourner cette page 2017.
Je pense aussi forcément aux deux nouvelles débarquées en juillet, Comète et Galatée, qui remplissent mon quotidien de câlins et d'espièglerie. Je ne peux que souhaiter, avant de clore le chapitre félin, de ne plus jamais avoir à récupérer qui que ce soit salement accidenté au bord de la route... J'ai eu beaucoup de chance cette année de parvenir à sauver mes trois blessées et je n'ose imaginer que le vent tourne un jour sur cette question-là...
*Coucou, j'ai 95 ans.
Dans un autre domaine, je retiens l'heureuse concrétisation de quelques envies de voyages qui me trottaient dans la tête depuis un bout de temps : Amsterdam au printemps et Vienne en automne (part I et II). Deux villes différentes et si dépaysantes chacune à leur manière. J'ai évidemment déjà quelques idées d'ailleurs pour 2018. L'avenir décidera dans quelle direction penchera la boussole !
Le contour de mes os était bordé de noir. J’étais une balise. D’un bout à l’autre de la nuit je ne cessai de palpiter, rappelant à moi les uns ou les autres.
Louise Erdrich
Mais revenons donc aux livres !
Je sens que le cap des six ans du blog commence à peser. J'ai toujours envie d'écrire sur mes lectures mais les livres s'accumulent de plus en plus en attendant d'être chroniqués. Je n'ai pas même l'excuse du travail par dessus la jambe pour expliquer cette lenteur à la tâche. Clairement, il y a un creux de vague. La plupart des blogs que je suivais dans les premières années sont éteints ou pas loin de l'être et je ne trouve pas vraiment de motivation pour aller découvrir d'autres univers. De manière générale, je dois reconnaître que je parcours de moins en moins régulièrement les blogs, me limitant à quelques lieux aimés une fois ou deux par semaine grand max. Les commentaires, aussi, sont de moins en moins présents ; un dommage collatéral de tout le reste sans doute. J'ai la sensation que la vive émulation littéraire que j'ai pu ressentir et apprécier sur la blogosphère dans les jeunes années du blog s'amenuise doucement. Suis-je la seule à ressentir cela ?
Autre dommage collatéral de cette baisse de régime : la raréfaction de certains genres littéraires dans mes chroniques.
L'élan passionné pour donner plus de visibilité à la poésie en dialogue avec les arts, formulé dans le bilan 2015, n'aura pas duré bien longtemps. Je ne totalise que 4 rendez-vous poétiques cette année, et aucun entre avril et octobre ! Ça se passe de commentaires ! Il faut dire qu'en matière de poésie, j'aime me limiter aux coups de cœur, or, dans ce genre comme dans tout autre, la médiocrité (pour rester polie) gagne de plus en plus de terrain, même sous la plume de grands noms qui ont pignon sur rue (spéciale dédicace à Laurent Gaudé et Mahmoud Darwich qui décrochent le pompon cette année), et je n'ai aucune envie de perdre du temps à en faire cas.
Je me dois, néanmoins, de faire une place de choix dans mon bilan à LA découverte poétique de 2017 : le poète belge Harry Szpilmann et son recueil Liminaire l'ombre chez Le Taillis Pré. Franchement, pour paraphraser le poète, s'il ne devait en rester qu'un, ce serait celui-là. Je ne vous dis pas comme il me tarde de découvrir son nouveau recueil, Petite suite désertique, paru en décembre chez Le Coudrier (quand les librairies de ma région l'auront enfin dans leur base de données pour pouvoir le commander quoi #parcoursducombattant)
Danser, écrire ou maintenir sa flamme à flot
à la suture de toute lumière.Harry Szpilmann
Autre genre qui déserte mes modestes pénates : la BD. Pourtant, je me suis remise à en lire plus activement cette année, mais de la même façon qu'en poésie, je commence doucement à me limiter aux chroniques de coups de cœur, pour une bête question pratique. Honnêtement, les BD se lisent trop vite. Si je devais écrire sur tout ce que je lis (et je n'en lis pas des tonnes hein), j'aurais une tour de Pise sur le bureau en attente de chroniques. Bref, trop de contrainte au rendement tue le plaisir.
De cette année, je retiens particulièrement deux titres à forte teneur animale. Le drôlissime Grand méchant renard de Benjamin Renner qui m'a fait mourir de rire et l'univers un poil gothique (mais un poil seulement) des Histoires de chats de Guillaume Bianco, indispensable à tous les amoureux des chats qui passeraient par ici !
Du côté du roman, puisque c'est tout de même la plus grosse tranche de chroniques du blog, 2017 aura été l'occasion de premières rencontres mémorables !
Chez les contemporains, c'est Marcus Malte qui me saute premièrement à l'esprit avec Le Garçon, cette extraordinaire vie inclassable où le merveilleux se frotte à la rudesse du quotidien et à la violence de la guerre. Une poésie aussi brillante que détonante à lire absolument. Dans une version moins fictive, j'ai passé un excellent moment de lecture aux côtés de Gaëlle Nohant et de son Robert Desnos libre par excellence dans Légende d'un dormeur éveillé.
Du côté des classiques, c'est encore une vie, et une vie encore extraordinaire qui plus est, qui m'a accompagnée tout le mois d'août : celle du Comte du Monte-Cristo d'Alexandre Dumas. Si le style de l'auteur ne m'a pas conquise sans réserve, force est de constater que ce Comte est de ces romans que l'on n'oublie pas. Grandiloquent et parfois invraisemblable certes, romantique en un mot, mais aussi d'une inventivité folle, et particulièrement addictif : c'est la parfaite lecture de vacances.
Enfin, j'ai frayé aussi dans quelques contrées plus magiques... En littérature jeunesse, mon gros coup de cœur est indéniablement pour Timothée de Fombelle dont j'ai adoré Le livre de Perle. Quel bonheur de soulever parfois le voile de la réalité pour s'en aller à saut et à gambade au pays de l'imaginaire - tout cela, évidemment, pour révéler un peu mieux la dite-réalité. Tout est affaire de contre-points habilement menés et de Fombelle, à ce jeu-là, est maître incontesté (et mon avis en demi-teinte sur son dernier titre n'y change rien).
Elle porta son verre à ses lèvres. Elle but. Elle écouta. Elle entendait les mots d'une syllabe couler et rejoindre la boue. Elle s'assoupit, dodelinant de la tête. La boue devenait fertile. Les mots s'élevaient au-dessus de l'attelage silencieux des bœufs intolérablement chargés, avançant lentement dans la boue. C'étaient des mots dénués de sens. Des mots merveilleux.
Virginia Woolf
Parmi les belles relations déjà initiées et délicieusement poursuivies en 2017, j'ai enfin fini de découvrir l'oeuvre romanesque de Virginia Woolf avec Entre les actes où théâtre et poésie de mêlent de façon étonnante - il me reste, maintenant, à tout relire encore et encore ; j'ai retrouvé avec bonheur les frasques de Lila et Lenù dans Le nouveau nom d'Elena Ferrante, tome que j'ai encore préféré au précédent et dont j'attends la suite en poche avec impatience ; et j'ai enchaîné avec un nouveau Jane Austen, le célèbre Raison et sentiments, qui me permet, décidément, d'aimer l'auteure de plus en plus à force de m'aguerrir à sa subtilité ironique sans pareille.
C'est un temps de mue. Corps et âme. Les poils chassent le duvet et la lucidité déchire de ses griffes acérées le voile de l'innocence - et la voilà qui pointe à travers les lambeaux son triste museau d'huissier. On peut en prendre le pari, assis le soir le regard dans le feu et les lèvres qui ânonnent en silence. C'est un temps où le garçon commence à entrevoir de quoi pourrait bien être, hélas, constituée l'existence : nombre de ravages et quelques ravissements.
Marcus Malte
Salut, 2018 !
Finalement, quand on fait le compte, il ne reste pas tant de souvenirs d'une année de lecture... J'aime décidément cet exercice : c'est là qu'on s'aperçoit de ce qui nous a vraiment marqués. Et certains titres que j'avais notés comme coup de cœur à l'époque sont finalement passés à la trappe de ce bilan. C'est la dure loi de la mémoire.
Pour 2018, j'espère ne pas m'essouffler, tout simplement. Que perdure l'esprit de partage qui rend le fait de bloguer si intéressant. En somme, comme je le souhaitais l'an dernier à la même date : entretenir la flamme, continuer à prendre du plaisir et pétiller toujours plus à l'idée d'ouvrir un nouveau livre. A ce propos, je remercie tous ceux qui ont participé activement à grossir ma PAL par quelques présents judicieusement choisis pour Noël. Il me tarde de les découvrir !
Je vous souhaite à tous une excellente année 2018. Qu'elle ne soit que folie, émulation, douceur ou, comme disait le poète (pas celui de tout à l'heure, l'autre), luxe, calme et volupté.
Abolissons tous les filtres qui nous empêchent de jouir pleinement et véritablement de l'hic et nunc.
Elena Ferrante
18 commentaires
Quel beau bilan tout en douceur et en poésie. Concernant l'essoufflement, prends une bonne inspiration ;) ! Le temps me manque souvent pour chroniquer, aller lire les copines, laisser des commentaires, mais j'essaie toujours de me rattraper pendant les vacances. Même si j'écris moins et ne chronique plus toutes mes lectures (j'en ai fait mon deuil), je le fais quand j'en ai vraiment envie et qu'il me reste un peu de cerveau disponible. Toutes les fins d'année, je me promets d'être plus régulière mais je me fais manger par le travail, tant pis, je ferai encore ce vœu pour cette année qui débute demain.
Bon réveillon et merci pour nos échanges, ici ou là-bas, pour tes conseils parfois sur notre métier si chronophage et que nous aimons !
Tu as raison, il faut accepter que cela s'effiloche un peu. Il me semblait l'accepter, honnêtement, mais de voir que ça va de mal en pis au fil des années me fait un peu redouter une fin prochaine. Qu'importe ! L'essentiel est de prendre toujours du plaisir, même si c'est de moins en moins ! Et puis c'est vrai que le travail est prenant, mine de rien... Ici, des piles de copies m'attendent... Grmbl...
Merci à toi aussi pour nos échanges ! Très belle année, George !
Un bel article. D'abord, je veux écrire que j'ai toujours plaisir à te lire, quelque soit ton rythme ou le genre, justement aussi ce mélange des genres. Comme toi, je ne chronique pas toutes mes lectures, et j'aimerai revenir à la poésie qui avait les honneurs sur mon blog il y a quelques années ( avec les dimanches poétiques ). J'ai noté ce poète belge que tu me fais découvrir. Et comme toi, je suis revenue à la BD en ne présentant que celles qui me restent. Six ans de blog, c'est un beau parcours. Evidemment, tout change, évolue. Tu vois, j'ai eu besoin d'arrêter deux ans pour revenir, et évidemment ( bis ), ce n'est pas pareil, moi stimulant, moins pétillant. je m'oriente de plus en plus vers des blogs qui ouvrent à tous types d'approches culturels, pas seulement littéraires. Je vois que tu as reçu une belle édition de Nabokov, tu me rappelles qu'il y a un titre en attente sur mes étagères... ( sans chat ^-^ )
En 2017, tu as pu t'offrir de chouettes escapades, j'avais adoré Amsterdam et je te dois de vouloir concrétiser en 2018 de re-découvrir Vienne ( c'était il y a 20 ans, ça ne compte plus ;)).
Belle année 2018 à toi, qu'elle te soit douce et te voit concrétiser d'autres projets.
Je suis heureuse que le mélange des genres, et notamment la présence de la poésie ici te plaisent ! Pour fêter ça, j'ai publié un rendez-vous poétique hier, tiens ! Allez, une belle manière de commencer l'année. Nous pourrions nous inspirer mutuellement au cours de 2018 pour en publier plus souvent, qu'en dis-tu ? :)
Je te souhaite une très belle année, Marilyne ! C'est vraiment avec plaisir que je te revois revenir sur la blogo pour apporter un vent différent de ce qu'on lit sur bien des blogs. J'aime venir découvrir chez toi des titres que je ne connaissais pas d'ailleurs.
Au plaisir de prendre un jour un thé avec toi dans notre délicieuse ville de Lyon !
Merci pour tes encouragements à poursuivre mon blog. C'est une belle idée une inspiration mutuelle pour la poésie, je vote pour. Et avec grand plaisir, quand tu pourras, un thé lyonnais :)
( je vais voir Kédi au ciné avec Fiston cet après-midi ^-^ )
Pourquoi pas un rendez-vous poétique tous les mois, par exemple ? Qu'en dis-tu ?
Super pour le thé lyonnais, je te dirai la prochaine fois que je viens, donc.
J'espère que le film est bien ! Je vais aller voir s'il passe chez moi, tiens !
Parfait, un rendez-vous mensuel, c'est ce que j'allais te proposer. Ce serait peut-être plus simple de choisir une date fixe ( toujours aménageable, évidemment ^-^ ) , je veux dire un jour de la semaine, le 1er/dernier dimanche-lundi-mardi ... par exemple. Qu'en penses-tu ?
L'émulation est moins forte, en effet... je ne parcours les blogs qu'une fois aux semaines, environ... et je n'écris pas toujours. Le garçon et Légende d'un dormeur éveillé font aussi partie de mon top. Et comme toi, j'ai découvert Vienne et Amsterdam cette année.
Bon 2018!
Oh oui, mais toi, tu n'as pas découvert d'Amsterdam et Vienne ! Tes voyages au long cours m'ont fait rêvée ! J'ai noté quelques envies d'ailleurs supplémentaires grâce à toi !
Très belle année Karine, qu'elle te soit pleine de lectures et de voyages passionnants !
Nous sommes deux à avoir 95 ans ;)
Comme toi, je regrette le départ de nombreux blogueurs que j'aimais lire quand j'ai ouvert mon blog. J'avais un besoin très fort de partager presque toutes mes lectures, ce qui n'est plus le cas depuis longtemps. Je ne me suis jamais forcée, et l'envie est revenue toute seule. J'ai découvert de nouveaux blogs (nouveaux pour moi) ces derniers mois qui m'enchantent, et cela m'enchante. Dans tous les cas, j'adore toujours autant te lire, et j'espère que tu continueras à écrire ici, quelque soit ton rythme.
Ton bilan me plaît beaucoup, je partage certains de tes coups de cœur et d'autres sont dans ma liste de livres à découvrir.
Sur ce, je te souhaite une très belle année 2018. Plein de voyages littéraires et véritables.
C'est vrai qu'en faisant le point là-dessus, il y a aussi des blogs que j'ai eu plaisir à découvrir ces dernières années. J'espère que 2018 m'en apportera encore plus !
Tu me vois rassurer de ne pas être la seule vieille avant l'âge héhé ! Tu as donc plusieurs chats, toi aussi ? ;)
J'aime toujours autant te lire aussi, Lilly, et c'est avec plaisir que je t'ai lu reprendre souffle sur ton blog cette année !
Belle année à toi, et à très vite au fil des mots :*
Tu es bien gatée !!! J'ai lu céleste de Fombelle et je compte bien lire d'autres romans de cet auteur. Pourquoi pas perle ! Joyeuses fêtes de fin d'année PS : pour les coups de mou, ça arrive à tout le monde, mais c'est que la blogo me semble changée...
J'ai également "Céleste, ma planète" dans ma PAL ! Ce sera sans doute mon prochain de Fombelle !
Oui, la blogo change... Il me semble qu'une certaine tranche devient trop mainstream... Mais heureusement, il y a encore de belles perles derrière les fagots !
A très bientôt, Maggie, et belle année à toi !
Beau bilan! :) Moi je te lis toujours avec le même plaisir, même quand je ne commente pas car je n'ai rien de particulier à exprimer, n'ayant pas lu le livre dont tu parles, donc j'espère vraiment que tu vas garder la motivation. J'ai un peu l'impression que les réseaux sociaux ont enlevé du trafic et des intervenants aux blogs. Il y a aussi "l'âge", la perte de motivation et puis les bébés qui prennent du temps... Mais il n'y a toujours pas mieux, à mes yeux, pour découvrir de nouvelles choses!!
Tu as raison, les blogs restent une sacrée belle mine de découvertes ! D'ailleurs, le tien est une des dernières jolies découvertes que j'ai faites par ici ! Merci pour ça, Alys !
Toute belle année à toi !
Je réalise en revenant sur ton billet que je n'ai même pas réagi à propos des chats! Les chats c'est la vie quoi. :) Je suis désolée pour le vieux slip qui avait un look unique. J'espère que les autres boules de poil vous ont bien soutenus après son départ.
Et puis sinon bonne année à toi, avec plein de belles découvertes (et, je l'espère pour tes lecteurs, plein de beaux articles pour les partager!).
(Et merci pour ton gentil mot ^^)
PS: Il y a un documentaire sur les chats d'Istanbul, Kedi, au cinéma en ce moment. Ca a l'air chou. J'espère avoir le temps de le voir avant que mon ciné ne le retire de l'affiche.
Héhé, ça me semblait étrange que tu n'évoques pas les chats aussi ! :D
Oui, les autres nous ont bien épaulés. Il faut dire qu'on n'a connu le vieux slip que la dernière année et demi de sa vie, déjà très vieille, aveugle et sourde, donc on savait depuis le début comment ça se profilait. On avait travaillé là-dessus. J'ai beaucoup moins bien vécu la perte de 24h et l'accident de l'un de mes autres chats, tout jeune, auxquels je ne m'étais pas préparée du tout... Je crois que l'impact de leur départ sur moi, le jour où ça arrivera,sera vraiment moche à voir pour le coup...
Je note pour le documentaire ! Je vais aller voir la bande-annonce que tu as mise en ligne sur Facebook :)
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