Au revoir à l'une, salut à l'autre*
31/12/2018
J'allai à vous comme on marche au bord du vide, fouillé par la peur et un pressentiment mortel.
Pierre Cendors
Tiens, 2018
Clairement, un virage a été pris. Je suis toujours là, certes, mais différemment. Je lis moins et, conséquemment, je chronique moins. Certains livres ont même fini par intégrer ma bibliothèque sans trouver de mots ici - une pensée particulière pour Les maîtres de Glenmarkie de Jean-Pierre Ohl qui m'a accompagnée en Ecosse ou les tomes 2 et 3 du Paris des Merveilles de Pierre Pevel qui m'a pas mal aéré l'esprit pendant les travaux d'été.
Cette baisse d'assiduité n'est jamais que le symptôme d'un changement plus profond qui chuchote encore. J'aspire à plus d'équilibre et d'horizon. Je dépouille, je furette, je construis, je pense.
Qu'on soit clairs : il m'est toujours inconcevable de sortir sans un livre et j'en ai toujours un en cours. Je suis toujours viscéralement passionnée par la littérature et je suis toujours aussi enthousiaste à l'idée de transmettre cette passion. Mais, l'espace s'agrandit. La vie est aussi ailleurs. Je tâtonne dans des contrées seulement frôlées jusqu'ici. La lecture s'intègre naturellement mais ne prend plus toute la place. C'est très bien comme ça.
*
Cette année, j'ai aimé...
Tout ce qui illuminait à l'intérieur de nous gisait maintenant à nos pieds.
René Char
... beaucoup de classiques ébouriffants, dont quatre, en particulier, me restent à l'esprit.
Il y a eu les deux lectures communes avec Nathalie autour de l'oeuvre romanesque d'Aragon : Les cloches de Bâle en mars puis Les beaux quartiers en septembre. Il me reste encore deux oeuvres de son cycle du monde réel à lire ou relire et ce sera le cas du troisième roman le 15 mars prochain avec Les voyageurs de l'impériale qui est déjà dans ma PAL. Aragon a quelque chose de Zola, le grain de folie surréaliste et l'ironie subtile en plus. Ce n'est pas toujours ultra reposant mais on pardonne tout au génie.
Il y a eu aussi la lecture de très longue haleine d'Anna Karénine de Tolstoï dont je garde un souvenir aussi saisissant, passionnant, grandiose, que fréquemment ennuyé. Ce roman-là m'aura mise à rude épreuve et il m'aura bien fallu la farniente d'août pour en venir à bout !
[...] et quelque chose s'échappait de tout son être qui était plus suave que le vin et plus terrible que la mort.
Gustave Flaubert
Et puis, il y a eu l'extraordinaire Salammbô de Flaubert. Ce roman est sans doute ma plus belle lecture 2018. Vous savez, le genre de livres que l'on ouvre sans trop savoir, mi-figue mi-raisin, et dont chaque page s'avère une claque magistrale délicieuse. La quintessence de la poésie baudelairienne faite prose. Absolument indépassable.
Je me suis remise aussi à chroniquer un peu plus de BD, même si la plupart de ce que je lis continue à passer à la trappe.
J'aime décidément beaucoup Edith dont j'ai dévoré La chambre de Lautréamont co-signé avec Corcal et Emma G. Wildford co-signé avec Zidrou.
Et puis, alors même qu'il ne m'attirait pas lorsque tous les blogs en ont parlé, j'ai fini par céder à La saga de Grimr de Jérémie Moreau et ce fut une sacrée claque graphique. Concrètement, sortir de ses sentiers battus, c'est quasiment toujours une bonne idée.
En parlant de finir par céder... Ça y est, comme beaucoup, je suis accro à la série de La passe-miroir de Christelle Dabos. Franchement, au départ, j'étais dubitative. Vous savez ce que c'est : les séries qui ont beaucoup de succès paraissent toujours un peu suspectes. Au final, j'ai plongé dans Les fiancés de l'hiver puis dans Les disparus du Clairdelune comme une bleue et j'ai fondu avec La mémoire de Babel. Comment vous dire ma hâte que l'auteure boucle son tome 4 pour connaître le fin mot de l'histoire...
Ophélie ne savait pas quelle perspective était la plus effrayante. Un monde gouverné par Dieu ou un monde gouverné par des hommes se prenant pour Dieu.
Christelle Dabos
En matière d'histoire d'amour ado rock'n'roll, j'ai de nouveau eu quinze ans et ai de nouveau écouté les Smiths en boucle grâce à Eleanor & Park de Rainbow Rowell. Ça ne révolutionne peut-être pas l'histoire de la littérature young adult mais c'est tout bonnement juste et vibrant. En comparaison, j'ai été super déçue de ma découverte de Marie-Aude Murail dont tout le monde m'avait pourtant vanté le talent fou. 3000 façons de dire je t'aime n'était sans doute pas la bonne lecture pour commencer...
J'en viens finalement à la littérature courante après tout ce périple mais je dois bien reconnaître que je ne retiens pas énormément de lectures marquantes... La rentrée littéraire de cet automne m'aura tout de même offert trois belles découvertes : le premier roman d'Hernan Diaz, Au loin, et celui d'Abnousse Shalmani, Les exilés meurent aussi d'amour (D'ailleurs, j'ai reçu Khomeini, Sade et moi pour Noël : je m'en réjouis d'avance !).
Les idéalistes ne comprennent pas, ou trop tard, que la geste révolutionnaire est un conte, une longue épopée de prince amoureux. Ils ne peuvent concevoir que c'est la littérature qui réussit les meilleures révolutions.
Abnousse Shalmani
J'ai aussi renoué heureusement avec Jón Kalman Stefánsson grâce à son Ásta charismatique.
Voilà.
A mi-chemin entre le récit et la poésie - du coup, j'hésite à le mettre dans l'une ou l'autre catégorie, et finalement, je le mets à l'impro ici parce qu'il n'y a vraiment pas besoin de case, Minuit en mon silence de Pierre Cendors vaut aussi le détour.
Aucune découverte de fou en poésie cette année, par contre ; plutôt des redécouvertes délicieuses, notamment celle de René Char que j'aime de plus en plus. Du côté de la poésie aussi j'ai finalement préféré le classique au contemporain.
J'ai adoré partager toute cette année mes rendez-vous poétiques avec Marilyne et j'espère que l'on reconduira ça en 2019 !
Salut, 2019
Puis quelqu'un sort se mesurer à la vie en combat singulier.
Jón Kalman Stefánsson
Vu ma lenteur à chroniquer, je peux déjà vous dire qu'en 2019 arrivent quelques romans amérindiens, du latino, du québécois, du classique et du graphique, puisque c'est avec ça que j'ai fini ou que je finis décembre sans en avoir encore parlé.
A part ça... la dilettante ne va pas aller en s'arrangeant, je crois - et c'est très bien. je me réjouis par avance de toutes les découvertes qui me seront offertes durant cette année, à tout point de vue. Je sens qu'elle va être riche !
Je vous souhaite exactement la même richesse - de mots, de sens, de plaisir et de joie.
Bon réveillon à tous, et belle année 2019 à venir*
Connaître la nature, disait souvent Lorimer, cela signifie apprendre à être. Et pour cela, il nous faut écouter le perpétuel sermon des choses. Notre plus haute mission consiste à forger les mots qui nous permettront de mieux participer à l'extase de l'existence.
Hernan Diaz
NB : Les trois photographies d'illustration du billet sont l'oeuvre du sublime Masao Yamamoto
28 commentaires
Ah notre moment Janus...
Moi je note qu'il y a plein d'animaux dans ta vie (bon pas seulement d'accord) et ça me paraît très bien et largement aussi enrichissant que la littérature.
Je me demande bien qui est cet Aragon dont tout le monde parle...
Bon bout d'an ! Bon réveillon !
"Moment Janus" : j'aime bien cette expression, tiens !
Tout comme "Bon bout d'an" que je ne connaissais pas ! C'est marseillais ?
C'est vrai que les animaux sont fort présents dans ma vie... Je n'en parle pas souvent ici mais je les montre beaucoup par contre. Je ne conçois absolument pas ma vie sans animaux, et particulièrement sans chats (et je me fous du cliché de la blogueuse).
Quant à Aragon... Quelque chose me dit que nous n'allons pas tarder à découvrir bientôt qui il est ;)
Bonne année Nathalie !
"bon bout d'an" est provençal. C'est l'expression réservée pour la semaine entre Noël et le jour de l'an. Là où les pauvres Français se balancent des "à l'année prochaine" d'un air goguenard, nous avons "bon bout d'an, a l'an que ven", c'est quand même plus classe.
Honnêtement "plus classe" n'est pas exactement le terme que j'aurais employé :D
Je te souhaite de l'épanouissement, de la joie et du bonheur !
Merci beaucoup pour ces vœux, Fanny. Je te souhaite évidemment la même chose :*
je sens bien l'enthousiasme, là... ces billets récapitulatifs sont dangereux pour les visiteurs car pleins de rappels...
Bonnes lectures 2019!
J'ai hâte de lire tes chroniques sur les livres que je t'aurais inspirés alors ;)
Belle année à toi, Keisha !
C'est la première fois que je commente, je crois, mais je voulais te dire que j'adore te lire, peu importe à quelle fréquence. J'ai ralenti aussi, mais je trouve que je goûte mieux aux livres maintenant. Bonne année et bonnes lectures!
Merci pour cet adorable commentaire qui, j'espère, ne sera pas le dernier ! Je te découvre à cette occasion. Ton blog est très chouette !
Je crois qu'on a tous connu ce moment où la blogo a eu un effet un peu foufou sur notre rythme de lecture, créant une espèce de boulimie insatiable. J'ai aimé ça, soyons clairs. J'aspire juste à autre chose en ce moment que cette monomanie chronophage. C'est sympa, aussi, d'élargir un peu son univers à l'occasion.
Je suis contente que nous nous rejoignons sur ce point.
A bientôt donc, et belle année à toi !
Ces photographies sont en effet superbes ! Je suis allée voir ce que faisait ce photographe : je trouve cela très beau ! Bonne année et bonnes lectures :-)
Il met merveilleusement en image la poésie de la mélancolie, n'est-ce pas ?
Belle année à toi Maggie !
Belle année. Tu nous diras vers quoi tu t'orientes également, à part la littérature? :) Le plus important, de toute façon, c'est de faire ce qui nous convient et nous rend heureux. On te lit toujours avec intérêt pour tes billets beaux et précis. Bonne année 2019 pleine de belles choses.
Exactement Alys, le maître mot est le plaisir !
Pour l'instant, je ne m'oriente pas vers grand chose de précis par ailleurs, disons que je m'essaye à des activités plus manuelles. Ce n'est pas toujours très concluant mais ça a des vertus méditatives certaines. Et puis je cuisine plus aussi, dans une optique d'alimentation plus saine et afin de limiter les déchets et, mine de rien, ça prend du temps !
Belle année à toi !
Ces billets récap finissent toujours par coûter cher. Surtout quand j'y vois beaucoup de romans et oeuvres aimées aussi. J'ai adoré Grimr, Anna et Salammbo, de même qu'Asta et les fiancés de l'hiver. Je note surtout Au loin, que j'ai repéré sur plusieurs blogs de confiance! Bonne année!
ahhh bon ben finalement, tu as lu la plupart de mes coups de cœur de l'année, ça ne devrait pas de revenir si cher que ça du coup ! Au loin vaut carrément la lecture. J'espère qu'il te plaira si tu le déniches prochainement.
Je te souhaite une belle année, Karine !
Belle route à toi, merci pour ce billet qui raconte un chemin. Qu'il se poursuive selon tes voeux.
Merci Marilyne :*
Belle route à toi aussi.
Rendez-vous le premier lundi de février pour partager un peu de poésie !
Belle année à toi ma belle ! Et que 2019 soit à ton image, à celle de tes mots et du temps que tu voudras y consacrer !
Merci Moka. Je te souhaite également le meilleur pour cette année.
Douces bises à toi :*
Quel beau billet et quel chemin parcouru. Je me retrouve partiellement dans tes mots de bilan, dans cette vie qui s'épanouit aussi ailleurs.
Je te souhaite 2019 riche et selon tes vœux, que ta recherche d'équilibre se poursuive sereinement.
Merci Mina. Le chemin continue et la route est belle ! Je te souhaite une très belle année ; qu'elle soit toujours épanouissante (un peu dans les livres et un peu ailleurs) !
Ok, merci pour ta réponse. Je me demandais si tu n'allais pas faire quelque chose de lié à l'écriture (pas forcément écrire un roman mais écrire un peu, composer, faire de la poésie, un truc différent du blog, que sais-je). :)
Oh, pour ce qui est de l'écriture, j'ai déjà expérimenté de nombreuses fois mais je ne suis pas en veine d'inspiration en ce moment :)
Je te souhaite un très bon cru 2019, une année riche, belle et épanouissante! Pour les classiques, tu as raison, j'y reviens aussi mais pas assez souvent!
Merci Violette ! Les classiques, c'est toujours une valeur sûre !
Avec un gros train de retard, chère Lili, je te souhaite une merveilleuse année 2019, pleine de lectures donc, mais aussi d'autres choses. Je te rejoins sur l'envie de faire quelque chose de ses mains, à la fois créatif et méditatif, qui nous donne accès à un monde qui nous est propre. Ceci dit, revisiter son année au travers de ses lectures, c'est riche aussi, c'est gratifiant, et doucement nostalgique. Quand ces lectures ont été l'occasion de belles découvertes ou d'échanges avec d'autres lecteurs, quelle gratitude on ressent ! Je retiens nos échanges autour d'Aragon, de Woolf et de Yôko Ogawa notamment. Et en avant pour 2019, j'espère qu'on trouvera le temps de se faire une LC ;)
Pour ma part, je me rappelle aussi particulièrement nos deux LC de Christelle Dabos ! C'était un plaisir de partager le début de la Passe-Miroir avec toi !
Pour les LC à venir, j'espère que tu pourras être des nôtres pour Aragon le 15 mars. Sinon, comme tu le sais, je suis ouverte à toutes les propositions.
Bises, Copinette !
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