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19/08/2014

Balzac et la Petite Tailleuse chinoise de Dai Sijie

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Balzac et la Petite Tailleuse chinoise de Dai Sijie, Folio, 2002, 228p.

 

Luo lecture.jpgDurant la révolution culturelle maoïste, le narrateur et son ami d'enfance Luo sont envoyés en "rééducation" : puisque faire partie d'une famille de médecins, c'est déjà être dangereux aux yeux d'un gouvernement communiste acharné contre les intellectuels, ils sont exilés dans les campagnes afin de s'abrutir à des taches subalternes. Ce long séjour sera adouci par la fréquentation du trésor du Binoclard, une valise pleine de classiques français. Pour les récompenser d'un service rendu, il leur offre Ursule Mirouët de Balzac et cette découverte les occupe de nombreuses nuits dans une intense fascination. Ils font en outre fortuitement la connaissance de la petite tailleuse, fille de l'artisan le plus riche de cette montagne du Phénix du ciel. Luo se prend d'une ambition de Pygmalion à son endroit et lui fait de longues heures de lecture balzacienne afin d'élever la petite tailleuse et de la rendre plus estimable à ses yeux. C'est pourtant une tout autre conséquence qu'aura la fréquentation assidue de cette merveilleuse littérature chez la jeune fille en devenir.

Ce court roman réussit le pari du récit d'apprentissage en un croisement de destinées exotiques et marquées du sceau de l'histoire. La Chine de Mao est bel et bien présente dans les évènements du quotidien et le récit dénonce, à travers la stigmatisation des plaisirs intellectuels, la détestation pour la culture de ce régime dictatorial. Les jours apparaissent figés dans un enchaînement de tâches répétitives et difficiles. Pourtant, paradoxalement, c'est le talent de conteurs des deux protagonistes qui leur permet d'alléger le poids des jours. Comme quoi, même les prolétaires convaincus ont besoin de s'évader dans des histoires délicieusement amenées.
C'est ce pouvoir de la littérature ; pouvoir de découvrir, d'apprendre, de grandir, d'aimer et d'être soi ; que met en relief Balzac et la petite tailleuse chinoise. Le charme des mots et l'élan des curiosités s'insinuent même dans le plus stricte des régimes pour offrir à l'être de se développer et de se construire. Si l'on ne se rend pas toujours compte de la chance qu'on a de vivre dans un pays où le savoir est libre, il suffit de lire ce roman pour s'en rappeler et saisir que ce qui est parfois fastidieux est non seulement une chance mais aussi l'opportunité de plaisirs sans fin.
Un roman tout simple, sans prétention, mais surtout charmant et pleins de délices qu'il convient de mettre entre toutes les mains de nos jeunes ados.

 

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