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28/04/2015

Le carré de la vengeance de Pieter Aspe

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Le carré de la vengeance de Pieter Aspe, Albin Michel, 2008, 334p.
(Publié au Livre de poche en 2009)

 

Bruges aura décidément jalonné ce mois belge 2015 ! Après une ouverture poétique et un roman symboliste, c'est au tour du polar de mettre en lumière et à l'honneur cette ville flamande que je ne connais toujours pas mais qui semble toute délicieuse.

Au cœur d'un été brûlant, le commissaire Van In se trouve assigné à une affaire pour le moins étonnante : Le riche bijoutier Degroof semble avoir été cambriolé. Il apparaît dans les faits qu'à défaut d'être subtilisée, sa collection a été fondue dans un bain d'eau régal. On hésite entre la mauvaise blague et la partie émergée d'un iceberg beaucoup plus sombre. D'autant que Van In découvre deux éléments cruciaux pour l'enquête sur les lieux du méfait : une lettre signée du code secret des Templiers et une substitut du procureur particulièrement belle, ambitieuse et sympathique : Hannelore Martens. Mais puisque le supérieur de Van In souhaite avant tout étouffer l'affaire sur demande impérieuse de Degroof père, notre commissaire et Hannelore vont devoir manœuvrer discrètement en attendant le prochain incident car, ils en ont sûrs : tout cela tient de la vengeance personnelle et à quelque chose à voir avec le patriarche. 

Voilà tout à fait le genre de polar que j'apprécie de lire occasionnellement : léger, frais, sans aucune prise de tête ni prétention. Au fond, rien n'est extraordinaire mais tout se laisse lire avec plaisir. La progression de l'enquête m'a semblé un poil inégale, tantôt lente à démarrer, tantôt un peu trop elliptique pour le lecteur mais le véritable intérêt repose sur les truculents personnages de cette série. A noter que l'on considère Van In comme un "amateur" de bières sur la 4ème de couverture, or il faut rétablir la vérité : c'est un franc alcoolique ! Je crois qu'il n'est plus permis de taxer d'amateur quelqu'un qui se boit trois Duvel à 8h45 du matin après avoir déjà passé la journée de la veille à picoler. Cela étant dit, Van In m'a fait penser à Cyrano (toute proportion et toute comparaison du génie littéraire gardées, bien sûr) pour cette étrange alchimie de l'intelligence et du charisme avec un manque de confiance en soit dès qu'il s'agit d'approcher la gente féminine. Une comparaison qui n'est pas désagréable et qui me donnera peut-être envie, à l'occasion, de lire d'autres épisodes de la série.

Bref, à consommer sur place avec une Duvel, il va sans dire !

 

 le mois belge.jpgLe mois belge d'Anne et Mina, édition 2015

Rendez-vous autour d'un polar

5eme lecture

02/05/2013

La source cachée de Hella S. Haasse

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La source cachée de Hella S. Haasse, ed. Actes Sud, coll. Babel, 2000, 140p.

 

Un été 1937 dans la campagne néerlandaise, Jurjen Siebeling se retire dans une mystérieuse maison familiale pour une période de convalescence. Littéralement envahie de feuilles et de roses, la bâtisse depuis longtemps laissée à l'abandon semble vivre et respirer, exhale un souffle hypnotique qui subjugue rapidement le scientifique. Il se laisse porter par l'atmosphère des lieux et se prend à rêver à cette Eline disparue depuis longtemps, passionnée de dessin et à la recherche d'un absolu fascinant. Il rencontre également le docteur Meindertz, qui tente de saisir encore des bribes d'Eline dans cette vaste demeure. Au fil de leurs discussions et de leurs pérégrinations où chacun est seul, toujours, l'intériorité de Jurjen se déploie en même temps que la végétation et tandis qu'il s'enfonce dans les jardins, il creuse ses aspirations et décortique les frustrations de son mariage avec Rina.

Quelle étrange surprise ! J'avais acheté ce petit livre chez un bouquiniste il y a longtemps et l'avais totalement oublié dans les méandres de ma PAL (qui semble devenir aussi touffue que la maison de Breskel). Et puis, comme toujours, c'est lorsqu'on a mille bouquins parmi lesquels choisir qu'on ne sait pas quoi lire. J'ai donc sorti méticuleusement plusieurs piles de livres qui ne m'inspiraient pas sur l'instant pour retrouver ce petit opuscule à la couverture peu engageante (il faut bien le dire, Actes Sud n'a pas été très inspiré sur ce coup là) mais dont les premières pages m'ont littéralement hâppée.

La plume de Hella Haasse m'a évoqué celle de Zweig dans ce déploiement luxuriant, raffiné et si ciselé du verbe. Elle brosse un tableau romantique et énigmatique où l'homme et la nature se confondent et se perdent. La nature devient l'incarnation de cet absolu auquel l'esprit l'humain aspire si ardemment, jusqu'à s'y brûler comme le frêle papillon. Eline et Jurjen sont de ces âmes folles qui cherchent le sublime dans l'existence et souffrent de ne pouvoir ni l'atteindre ni l'exprimer justement. L'art qu'ils tentent modestement d'user leur semble vain, insignifiant. Ils peinent de ne pouvoir posséder le génie suffisant à l'expression d'un souffle qui les dépasse.

De cette thématique pleinement dix-neuvièmiste, l'auteur tire en même temps le fil de la quête de soi. Jurjen n'est pas heureux en ménage. Sa femme Rina, la fille d'Eline pourtant, est particulièrement froide, mesurée, réfléchie. Elle ne comprend pas et réprime même les élans romantiques de son mari qu'elle juge avec mépris. Comment évoluer dès lors dans ce couple et comment se fait-il que Rina soit si différente de sa mère ? Petit à petit, la maison et ses vieux papiers lèvent le voile sur ce mystère.

Que vous dire si ce n'est que ce livre est absolument magnifique ? Il emporte, résonne, brille et fascine. Survolant nombre de clichés littéraires, Hella Haasse conte un récit d'une grande virtuosité méditative qui se lit avec délectation au petit matin, en écoutant les premiers oiseaux du jour.

J'ai eu une pensée toute particulière pour Laure en le savourant : je suis sûre que ce livre est fait pour toi ;)

 

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Monet, Jardin à Giverny