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06/06/2020

Neverwhere de Neil Gaiman

neverwhere,neil gaiman,le mois anglais,londres,fantastique,fantasy,aventur,voyage,voyage initiatique,ange,marquis de carabas,monstreRichard Mayhew est l'archétype de Monsieur-Tout le monde. Il n'a pas de physique particulier, pas de passions, pas d'ambition, il bosse dans un bureau normal et habite un petit appartement londonien normal. Il se laisse gentiment porter par la vie. C'est ce qui l'a amené trois ans plus tôt à quitter son Écosse natale pour Londres puis ce qui l'a amené, quelques temps plus tard, à se fiancer à Jessica, une jeune femme aux dents longues et aux projets d'avenir très arrêtés. Un soir qu'ils s'apprêtent à dîner avec le patron de cette dernière, soirée qui avait au demeurant mal commencé à cause de l'étourderie et du manque de fiabilité légendaires de Richard, le couple tombe nez à nez avec une jeune fille blessée sortie de nulle part (littéralement). Jessica est partante pour laisser la fille agoniser sur le trottoir parce que la vie est une question de priorité et qu'ils risqueraient d'être en retard au restaurant ; Richard  est plutôt d'avis d'agir en être humain normal plutôt qu'en grosse raclure de bidet et décide de porter secours à l'inconnue.

A partir de là, tout part en steack dans sa vie : sa fiancée le quitte, la jeune fille refuse d'appeler les secours et préfère demander de l'aide à un rat et au Marquis de Carabas, un duo de meurtriers du type Laurel et Hardy du crime lui rend visite, le menace et lui coupe le téléphone et, cerise sur le gâteau déjà bien chargé en sucre, plus personne ne le reconnaît. Certains, même, ne le voient plus. C'est qu'il existe, voyez-vous, deux Londres. Le Londres d'En Haut, celui que nous connaissons tous, et le Londres d'En Bas, cité sombre et méandreuse où frayent des êtres étranges, souvent dangereux et invisibles à  nos yeux profanes. Quiconque côtoie l'une n'appartient plus à  l'autre et puisque Richard a aidé celle qui se prénomme Porte, puisqu'il a dialogué avec nombre de créatures de la ville d'En Bas alors il n'existe plus aux yeux du peuple d'En Haut. Il n'a pas d'autre choix que de partir à l'aventure avec Porte et le Marquis de Carabas. La première cherche à faire la lumière sur la mort tragique de sa famille, le second honore une dette envers le père de Porte et Richard, quant à lui, espère simplement retrouver sa vie.

Avec ce roman, le tout premier de Neil Gaiman seul au stylo, on est sur du très bon roman d'aventure fantastique. La trame est somme toute assez classique pour le genre - un héros lambda dans une vie ennuyeuse se retrouve plongé dans un univers abracadabrant et vit mille péripéties haletantes qui lui permettront d'advenir à lui-même - et est très bien menée. Il n'y a rien à redire là-dessus : ça ne révolutionne rien mais c'est impeccablement huilé et ça se lit tout seul. L'univers fantastique imaginé par Neil Gaiman est quant à lui absolument savoureux. J'ai craint au départ en choisissant ce roman pour la journée consacrée à Londres lors de cette nouvelle édition du mois anglais que mon choix serait un peu capilotracté puisqu'on migre dès les premiers chapitres en dehors de la capitale anglaise. C'était sans compter le fait que la ville d'En bas se révèle rapidement un miroir déformé et fantasmagorique de la ville d'En Haut. Les noms des célèbres stations de métro ou de quartiers londoniens ne sont plus que des noms  : ils prennent sens. Imaginez donc un peu de qui se trouve à Blackfriars ou à Shepperds Bush... En outre, le fog de jadis n'a pas disparu mais est descendu pour mieux terrifier les promeneurs et les tableaux du British Museum ouvrent des passagers secrets. Vous l'aurez compris, on est toujours bel et bien dans Londres, mais dans un Londres qui ne connaît plus aucune limite à l'imagination. Il s'agit d'y plonger corps et âme avec des yeux d'enfants et le courage d'un guerrier (parce que vous avez quand même des tueurs aux trousses et des énigmes à résoudre. Il ne faudrait pas croire que c'est une promenade de santé !). Après quoi, exactement comme Richard, vous ne serez plus tout à fait les mêmes.

Bon voyage !

"Il existe à Londres de petites bulles de temps passé, où les choses et les lieux ne changent pas, comme des bulles prises dans l'ambre, expliqua-t-elle. Il y a beaucoup de temps dans Londres, et il faut bien qu'il aille quelque part - tout n'est pas consommé tout de suite.

- Je dois encore avoir la gueule de bois, soupira Richard. J'ai trouvé ça presque cohérent."

PS : Il existe plusieurs versions de Neverwhere. La version originale anglaise de 1996 traduite en français en 1998 ; la version originale américaine qui remanie le texte anglais à la demande de l'éditeur, ce que Neil Gaiman a accepté, et enfin la version qui mélange les deux premières éditions anglophones et modifient en prime d'autres trucs. Elle paraît en 2005 outre-Manche et est traduite en 2010 en France par Le Diable Vauvert. C'est cette dernière édition que je vous ai chroniquée aujourd'hui.

Romans et comics précédemment chroniqués de Neil Gaiman : American Gods, De bons présages, Anansi boys, Stardust, L'étrange vie de Nobody Owens, Marvel 1602

 

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Le mois anglais chez Lou et Titine

Journée consacrée à la ville de Londres

 

 

 

20/04/2020

Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne

Vingt mille lieues sous les mers.jpegNon mais regardez-moi cette beauté... Je ne sais pas vous mais avec ce confinement, j'ai des envies d'aventures littéraires ! Pour cela, j'ai toujours eu une affinité particulière pour la mer, qui exalte à merveille l'Histoire, la liberté, l'exotisme et la technique.

La mer est le vaste réservoir de la nature. C'est par la mer que le globe a pour ainsi dire commencé, et qui sait s'il ne finira pas par elle ! Là est la suprême tranquillité. La mer n'appartient pas aux despotes. À sa surface, ils peuvent encore exercer des droits iniques, s'y battre, s'y dévorer, y transporter toutes les horreurs terrestres. Mais à trente pieds au-dessous de son niveau, leur pouvoir cesse, leur influence s'éteint, leur puissance disparaît ! Ah ! Monsieur, vivez, vivez au sein des mers ! Là seulement est l'indépendance ! Là je ne reconnais plus de maîtres ! Là je suis libre !

Puisque je n'avais encore jamais lu Jules Verne, je me suis dit que c'était l'occasion ou jamais d'embarquer à bord du Nautilus aux côtés du Professeur Aronnax, son serviteur Conseil et le harponneur Ned Land après le naufrage de leur navire. Ceux qui avaient pris la mer pour détruire le Nautilus, qu'ils pensaient un mammifère marin selon l'expertise d'Aronnax, se trouvent finalement secourus par lui et, conséquemment prisonniers à son bord : pour rien au monde, le commandant de cet étrange équipage ne voudrait que les secrets de son existence ne soient révélés. Dans un premier temps, nos personnages, surtout Aronnax, semblent vite s'en accommoder tant la vie à bord est riche, confortable et les découvertes alentours nombreuses.

Adieu, soleil ! s'écria t-il. Disparais, astre radieux ! Couche toi sous cette mer libre, et laisse une nuit de six mois étendre ses ombres sur mon nouveau domaine !

Quel paradoxe, me suis-je dit très rapidement dans ma lecture, que de choisir pour m'évader du confinement un roman qui en est en même temps le parangon ! En effet, comment faire plus confiné qu'un sous-marin ? D'autant que le séjour de nos trois personnages n'est ni plus ni moins qu'une incarcération à vie, quand bien même les premières semaines se vivent dans la joie et la bonne humeur de mets nouveaux et de poissons en tous genres.
Paradoxal, oui, mais pas tant que ça. Les murs du Nautilus se révèlent vite une fenêtre ouverte sur le monde. Aronnax et Conseil se gorgent d'observations naturalistes à travers les immenses hublots du bâtiment quand ils ne descendent pas les fonds marins en scaphandre. En dehors de cela, ils se repaissent aussi des prouesses techniques étourdissantes du sous-marin. Le dépaysement de cette lecture se trouve précisément dans cette acclimatation des personnages et dans leurs surprenantes découvertes.

Ce fut particulièrement fascinant de lire si flagrante la paternité vernienne du steampunk. L'auteur pose les jalons d'aventures et de personnages à la fois ultra ancrés dans le XIXème siècle - la plupart des considérations politiques, sociales, humaines ou inter-espèces sont très exactement de leur époque - et pleine d'imagination voire d'anticipation sur le plan technique - exaltation typiquement dix-neuvièmiste aussi, d'ailleurs. J'ai goûté avec plaisir ce retour aux sources littéraires d'un mouvement né réellement cent ans plus tard mais dont les fondations sont déjà présentes dans chaque page de ce roman, brillantes d'une confiance absolue et aveugle en les capacités scientifiques humaines.

Néanmoins, ce dépaysement fut parfois un poil ennuyeux aussi, soyons francs. On sait que Jules Verne écrivait des romans à vocation didactique selon les préconisations de son éditeur Hetzel et cela se ressent à travers les très (trop) nombreuses listes taxinomiques ou les détails techniques pointus et longs de telle ou telle spécificité du Nautilus. On finit par s'y faire, tant cette lenteur narrative est immersive. Cela devient un peu la berceuse lancinante, le rendez-vous théorique et régulier des pages du roman, et l'on n'y fait plus trop attention. Selon l'humeur, on les lit comme si l'entièreté de l'océan défilait sous nos yeux, ou on les saute pour attaquer directement dans le vif du sujet.

Non seulement, il s'était mis en dehors des lois humaines, mais il s'était fait indépendant, libre dans la plus rigoureuse acceptation du mot, hors de toute atteinte! Qui donc oserait le poursuivre au fond des mers, puisque, à leur surface, il déjouait les efforts tentés contre lui?

[...]

À dix heures du soir, le ciel était en feu. L’atmosphère fut zébrée d’éclairs violents. Je ne pouvais en supporter l’éclat, tandis que le capitaine Nemo, les regardant en face, semblait aspirer en lui l’âme de la tempête.

Evidemment, c'est impossible de vous parler de Vingt mille lieues sous les mers sans m’appesantir sur le cultissime Capitaine Nemo. Quel personnage étrange et mystérieux ! Au fond, nous ne savons ni ne saurons rien de lui dans ce roman, si ce n'est ce qu'il veut bien montrer au présent : un caractère libre et solitaire, une misanthropie patentée, une grande soif de culture et de connaissance du monde marin, un charisme incroyable et des blessures dont on ne constate que les conséquences dévastatrices. Son histoire ne sera contée que dans L'île mystérieuse ; je dois donc attendre la fin du confinement pour la découvrir ! En attendant, même si Nemo n'est pas aimable, loin s'en faut, je n'ai pu m'empêcher d'être touchée par son magnétisme et cette dualité intrinsèque qui le rend très humain. En tournant la dernière page du roman, je me suis sentie triste de devoir le laisser poursuivre sa route solitaire, sans vraiment savoir ce qu'il advenait de lui. Jules Verne a réussi à me piquer suffisamment pour me donner envie de le retrouver dès que possible ! Certes, ce ne fut pas toujours de tout repos mais quelle verve et quel souffle épique !

Ce ne sont pas de nouveaux continents qu'il faut à la terre, mais de nouveaux hommes!

PS : Un certain 20 avril :

Cette terrible scène du 20 avril, aucun de nous ne pourra jamais l’oublier. Je l’ai écrite sous l’impression d’une émotion violente. Depuis, j’en ai revu le récit. Je l’ai lu à Conseil et au Canadien. Ils l’ont trouvé exact comme fait, mais insuffisant comme effet. Pour peindre de pareils tableaux, il faudrait la plume du plus illustre de nos poètes, l’auteur des Travailleurs de la Mer.

J’ai dit que le capitaine Nemo pleurait en regardant les flots. Sa douleur fut immense...

Voilà, il va vous falloir lire le roman pour savoir ce qu'il s'est passé... Et moi, il faudrait peut-être que j'en revienne à Hugo. On peut tout de même saluer l'honnêteté de Verne quant à ses talents littéraires face au dieu des dieux !

15/05/2019

Vanikoro de Patrick Prugne

vanikoro,patrick prugne,bd,bd du mercredi,daniel maghen,expédition,lapérouse,navire,naufrage,louis xvi,boussole,astrolabe,découverte,mystère,mortEn 1785, Louis XVI initie une expédition de recherche à travers le Pacifique ; elle sera dirigée par le Comte de La Pérouse. Quelques mois avant le retour au pays, en 1788, on perd toute trace des deux navires de l'expédition, La Boussole et L'Astrolabe. Ils ont pris le départ à Botany Bay en mars 1788 et depuis, plus rien. On prête d'ailleurs à Louis XVI cette question peu de temps avant de monter sur l'échafaud en 1793 : "A-t-on des nouvelles de M. de La Pérouse ?" tant le mystère de cette disparition a animé tous les fantasmes à l'époque. Plusieurs années plus tard, on retrouvera les débris des navires à Vanikoro dans les Galápagos sans pour autant savoir ce qu'il est advenu exactement de l'équipage. 

Dans cette BD, Patrick Prugne, dont on retrouve clairement la zone de confort - histoire, confrontation et interrogations des valeurs et des sociétés, exotisme et nature grandioses - décide d'imaginer l'après disparition. Le récit commence dans le vif du sujet par le naufrage des navires au large de cette île inconnue où il faudra survivre - et c'est là qu'on se demande comment on peut décemment se prêter à ce jeu-là pour le plaisir de la télévision (spéciale dédicace). Il s'agit non seulement de composer avec la nature du lieu, mais aussi avec les autochtones aux mœurs si différentes de ces européens conquérants à la mine piteuse, et évidemment, il s'agit de trouver un moyen de rentrer au bercail. 

Je dois dire que je ressors de cette lecture avec un sentiment assez neutre. J'aime énormément le graphisme et l'écriture de Patrick Prugne que je trouve d'ordinaire extrêmement poétiques et d'un talent fou. Ses ciels et ces arbres à l'aquarelle sont tout bonnement grandioses. Le souci du détail historique qu'il entretient avec minutie par-dessus le marché plonge forcément le lecteur dans l'ambiance d'une époque révolue. Tout, en somme, chez Prugne, est un voyage. Mais ici, tout en lui reconnaissant les mêmes qualités que d'ordinaire, j'ai été moins transportée. L'ensemble m'a semblé assez classique, assez lisse... Je ne saurais vous dire exactement ce que j'attendais de plus. Quelque chose de plus épique ? de plus vivifiant ? d'en prendre un peu plus plein les yeux ? Entendons-nous bien : la BD est excellente hein. Mais au vu de toutes les autres excellentes BD que j'ai eues ou ai encore sous les yeux depuis quelques semaines, ici, l'originalité et le souffle ont fait défaut pour m'emballer totalement. Y-a-t-il par ici des lecteurs de Prugne ? Si oui, sauriez-vous me dire si mon sentiment mitigé est partagé ?

Par ici, ma chronique de Frenchman du même auteur

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Aujourd'hui, la BD de la semaine est chez Noukette