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24/06/2020

Miss Charity : L'enfance de l'art - Tome 1 de Loïc Clément et Anne Montel

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Miss Charity raconte depuis l'enfance la vie d'une jeune fille de la bonne société victorienne - et, en l'occurrence, c'est sur son enfance uniquement que se concentre ce premier tome de l'adaptation par Loïc Clément et Anne Montel du roman de Marie-Aude Murail. Miss Charity est en apparence une petite fille parfaitement de son époque : élevée dans une famille religieuse et respectueuse de toutes les conventions sociales, elle a une domestique et une gouvernante rien que pour elle. Elle apprend les langues, les sciences et l'aquarelle et passe ses vacances à la campagne chez sa noble tante. Mais tout cela se limite aux apparences. Charity a l'imagination puissante et fantasque et un goût exacerbé pour les découvertes de tous poils, surtout quand elles concernent la nature et les animaux. Ce sont ces dons qui la poussent à recueillir, élever et tenter de soigner toutes sortes de bestioles puis à les dessiner. On sait dès l'introduction qu'elle va développer un véritable don pour cet art, comme cela a été le cas de Beatrix Potter, qui a inspiré à Marie-Aude Murail le personnage de Charity. On quitte cependant notre originale et impertinente héroïne en pleine adolescence à la fin de ce tome. Il me faudra attendre la suite pour continuer à suivre ses aventures.

Autant le dire tout de suite : je n'ai pas lu le roman de Marie-Aude Murail (oui, je sais). Cela m'a-t-il dérangée ? En aucune manière. Du coup, tout à fait vierge d'une quelconque connaissance de l'histoire (hormis ce que j'en avais entendu dire, évidemment) et d'un quelconque avis à son sujet, ai-je aimé ? Oh oui !
Je commence toutefois par mon unique bémol : je n'ai pas été spécialement touchée par le personnage de Charity. Je l'ai trouvée souvent très égoïste voire cruelle plus qu'empathique à l'égard des animaux (oui, je sais, bis : l'époque, tout ça mais quand même. Je ne peux pas m'émerveiller de son tempérament plus que ça).
Cela étant dit, il est certain qu'elle est d'une fraîcheur délicieuse et respire une liberté salvatrice dans cette époque victorienne bien trop collet monté pour elle. Ces qualités, de même que le mélange d'onirisme, de craintes, de découvertes et de quête identitaire propres à l'enfance, sont merveilleusement retranscrits par la progression du scenario de Loïc Clément ainsi que le graphisme et les couleurs d'Anne Montel. Ce fut un bonheur de lecture et comme d'habitude, j'attends fermement le second tome (décidément, il faut absolument que j'arrête de lire des premiers tomes de séries inachevées ! C'est bien trop frustrant !)

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Le mois anglais chez Lou et Titine

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La BD de la semaine est chez Stephie aujourd'hui

 

24/05/2020

Tristesse et Beauté de Yasunari Kawabata

Tristesse et beauté.jpgOki, écrivain d'âge mûr, décide sur un coup de tête d'aller écouter les cloches du réveillon du nouvel an à Kyôto où réside une de ses anciennes maîtresses, Otoko, devenue peintre. A l'époque de leurs amours, elle avait seize ans et cette relation avec un romancier trentenaire et déjà marié, l'a marquée à vie à bien des égards. Elle accepte malgré tout de revoir son ancien amant après toutes ses années, par l'intermédiaire de Keiko, son apprentie et maîtresse actuelle, qui va nourrir à l'endroit de l'écrivain une jalousie vengeresse. Ainsi se noue, plus ou moins malgré les personnages, un triangle amoureux malsain, auquel vont s'ajouter comme satellites bien malgré eux Fumiko, la femme d'Oki et son fils Taichirô.

- Le suicide ne me fait pas peur. Les désillusions ou le mal de vivre sont autrement plus terribles. Tenez, je serais heureuse que vous m'étrangliez, mais, auparavant, il vous faudrait me prendre pour modèle...

J'ai retrouvé dans ce texte court mais dense à la fois la construction impeccable, la poésie, l'exploration de l'amoralité et la mélancolie typiques de Kawabata. Je ne dirai jamais assez comme je trouve que cet équilibre délicat qu'il parvient à créer entre la pesanteur du souvenir, les pulsions étranges voire malsaines des êtres, et la légèreté des souffles et des instants est incroyable et confère au génie. En même temps, on a rarement un Prix Nobel sur un malentendu. En outre, ce récit est doublement intéressant parce qu'il propose une réflexion sur la création artistique à travers le travail de romancier d'Oki et les styles picturaux différents d'Otoko et Keiko : s'agit-il de perpétuer, de transmettre, d'innover, de se livrer, de refléter la vie, d'inspirer à autrui ? Tout cela à la fois ?

Cependant, ce ne fut indéniablement pas une lecture reposante. Disons les choses franchement : cette question de l'éphébophilie qui jalonne tout le roman à travers les couples Oki/Otoko puis Otoko/Keiko m'a  mise terriblement mal à l'aise d'une manière tout à fait inédite. D'autres romans, pourtant,  sur des sujets tout aussi dérangeants - je pense par exemple à l'inceste dans My absolute darling - ne m'ont pas fait cet effet-là. Mais ici, la morale est quasiment absente de cette question (cf. l'amoralité typique de Kawabata). Pour renforcer cela, il semble que l'adultère d'Oki ou le caractère homosexuel de la relation entre Otoko et Keiko préoccupent plus que la différence d'âge malsaine des personnages. Aussi, pour une fois, et malgré toutes les merveilleuses qualités littéraires susmentionnées que je persiste à reconnaître à l'auteur, je n'ai pas réussi à me couler dans le texte. C'était trop dérangeant, trop lent, trop ressassé, trop étranger pour moi. Ça arrive. Ce qui est certain, c'est que Kawabata est de ces auteurs qu'il faut lire au bon moment pour l'apprécier pleinement au risque, comme je viens d'en faire l'expérience, de rester sur le bas côté.

Par ici ma chronique de Pays de Neige du même auteur que j'avais adoré.

Malgré ma lecture mitigée, merci beaucoup, Marilyne, de m'avoir prêté ce roman.

Et par cette lecture, je clos mes pérégrinations japonaises printanières. Merci à Lou et Hilde d'avoir laissé un peu de rab  !

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17/05/2020

Le chef d'oeuvre inconnu de Balzac

le chef d'oeuvre inconnu.jpgUn tout petit livre mais dont il y a beaucoup à dire, évidemment. Trois artistes se réunissent dans l'atelier de l'un d'eux pour discuter d'art : le jeune Nicolas Poussin, encore novice et inconnu à l'époque ; Porbus, portraitiste renommé ; et le vieux maître Frenhofer, critique acerbe et fin connaisseur d'esthétique picturale. Poussin et Porbus sont très intrigués par ce "chef d'oeuvre" auquel Frenhofer travaille depuis des années dans le plus grand secret. Il en parle avec l'exaltation et la jalousie d'un amant. Poussin trouve le moyen de pénétrer avec Porbus dans l'atelier secret du vieux maître grâce au concours de sa maîtresse Gillette qui sera son modèle. La révélation du chef d’œuvre se révèlera toutefois déconcertante.

Premier constat important que je dois à mon édition, modeste certes mais pertinente sur ce point puisqu'elle édite la nouvelle dans la foulée, est de découvrir que ce texte de Balzac est assez précisément inspiré d'un texte de Hoffmann intitulé La leçon de violon. A l'exception du fait que l'art en question est modifié, l'essentiel est identique : trois personnages d'âges différents, le personnage central étant le maître du plus jeune et l'élève du plus âgé, grosso modo ; un discours radical et extrêmement élitiste du plus âgé à l'égard de son art ; enfin la chute tout à fait surprenante. Balzac me semble cependant tirer beaucoup plus loin la composante fantastique du texte en faisant de son vieux maître Frenhofer une espèce d'apparition étrange, antédiluvienne, presque démoniaque, qui accentue la tension narrative jusqu'au dénouement. Cela explique que là où Hoffmann a opté pour un ridicule grinçant, Balzac propose un étonnement pathétique - point de mélodrame, bien entendu, mais la conséquence logique d'une tension extrêmement bien ménagée.

- La mission de l'art n'est pas de copier la nature mais de l'exprimer ! Tu n'es pas un vil copiste, mais un poète !

Le cœur de celle-ci est une quête esthétique vouée à l'échec. Autour de la question de la beauté, tout d'abord. Frenhofer est à la recherche d'un idéal qui ne serait pas représentation mais vie à part entière, s'appuyant en cela sur le nécessaire syncrétisme entre l'école du dessin hollandais et l'école de la couleur vénitienne (nous sommes au XVIIème, remember).  Autour de la perfection ensuite puisque ce qui fait défaut à Porbus, qui tente le syncrétisme susmentionné, c'est précisément de le pratiquer médiocrement et ainsi de n'être bon ni dans son dessin ni dans la couleur. Or, et c'est là où le bât blesse, l'inconvénient de cette recherche absolue de perfection chez Frenhofer, c'est qu'elle le conduit à la stérilité la plus complète : rien n'est jamais abouti, chaque jour devient l'éternel recommencement du précédent dans le vain processus de saisir l'impossible. Impossible, évidemment, de ne pas penser à L'Oeuvre de Zola à la lecture d'une telle fin. Ce noeud-là qui fait de l'esprit génial le propre instrument de sa destruction participe de la vision fantastique du vieux peintre. Mais ici, point de diable extérieur. L'artiste, devenu un forcené de la perfection idéale, est à la fois la victime et le bourreau.