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27/03/2015

Une saison à Longbourn de Jo Baker

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Une saison à Longbourn de Jo Baker, Stock, 2014, 394p.

 

Après un dépucelage tardif mais hautement apprécié de Jane Austen dernièrement, j'ai décidé de goûter dans la foulée à ma première austenerie. C'est Alice du site Jane Austen is my wonderland (et aussi du blog Books are my wonderland car, quand on aime, on ne compte pas!) qui m'a offert cette opportunité grâce au concours pour fêter les cinq ans de sa plateforme austenienne. Merci Alice !

Une saison à Longbourn de Jo Baker se saisit de la résidence des Bennet d'Orgueil et préjugés (comme le titre l'indique, n'est-ce pas) et invite le lecteur à descendre d'un étage. Ce ne sont plus Lizzy, Jane ou Lydia dont il est abondamment question dans ce roman mais de ces autres personnages de l'ombre à peine ébauchés dans l’œuvre source : les domestiques. On se rappelle bien avoir lu régulièrement chez Austen Mrs Bennett crier "Hiiiiills" à tous bouts de champ (ou plutôt l'entendons-nous dans la série de la BBC ? Je m'y perds) mais jamais on ne la voit longuement, jamais elle ne parle ni n'est décrite. Qu'à cela ne tienne ! C'est là que Jo Baker entre en action. Aux côtés de la respectable et travailleuse intendante évoluent Sarah, une jeune femme pleine de passion et de révolte d'avoir connu un bonheur dont elle est aujourd'hui privée ; la petite Polly encore enfant et déjà corvéable dès l'aube ; et enfin James Smith, le nouvel arrivant au titre de valet dont la caractéristique principale est d'attiser les interrogations de Sarah et de raviver quelques souvenirs de Mrs Hills. Ainsi, en parallèle des idylles et autres péripéties des maîtres, vont se nouer - non à l'identique mais toujours avec une forte inspiration en forme de gentil hommage - les idylles et péripéties des serviteurs

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A travers le quotidien de ces personnages, Jo Baker découvre en outre les coulisses de la plus célèbre histoire de la littérature anglaise du XIXème siècle. Tout cela n'est plus si poli, si lisse et si délicat dans Une saison à Longbourn ! Exemple au hasard : les balades dans la boue de Lizzy, expression si éclatante de son indépendance dans O&P deviennent celle d'une forme de mépris des maîtres à l'égard du travail des domestiques : cette fameuse boue est la hantise de Sarah qui se voit obligée de frotter les jupes pendant des heures avant d'en rendre le moindre éclat. Si Lizzy est parfaite et parfaitement moderne, elle est surtout une jeune fille de son rang qui ne s'intéresse qu'occasionnellement et quand elle le veut bien au sort de ceux qui gravitent dans son ombre. Et que dire de de tous les à-côtés d'une vie sans confort ni hygiène à cette époque ? Entre les jours de lessives, la corvée des pots de chambre le matin ou celle des couches des petits Gardiner, on a droit à un vrai florilège de délices entre la cour et la cuisine des Bennet !

Globalement, j'ai plutôt apprécié tout cet envers du décor : on en apprend souvent autant qu'en admirant la surface ! Le roman de Jo Baker se lit très facilement et avec plaisir. Je n'ai pas été gênée par d'éventuelles longueurs sur les différentes tâches - parfois répétitives - de Sarah ou de James car, précisément, c'est ce quotidien que je trouve le plus intéressant dans l'exercice de cette austenerie. Les histoires personnelles plus ou moins cousues de fil blanc (soyons francs) qui se nouent entre eux m'ont beaucoup moins touchée. A cet égard, c'est là qu'on voit l'exercice périlleux de l'austenerie : se confronter, de près ou de loin, à un monstre de la littérature, c'est tout de même prendre le risque que la comparaison ne soit pas en sa faveur. Et de loin. (Oui, j'enfonce des portes ouvertes mais rappelons que c'est ma première lecture du genre) En l'occurrence, là où Jane Austen contournait voire enfonçait les poncifs de la romance à l'eau de rose grâce à une ironie à tous niveaux extraordinaire, Jo Baker en manque cruellement. Du coup, les personnages comme leurs histoires manquent de relief et de véritable intérêt. D'un côté, nous avons donc un chef d'oeuvre, de l'autre, un roman de plage. Ce n'est pas un mal cela dit, il en faut pour tous les moments de lecture et, cette semaine, j'ai grandement apprécié ma lecture de plage (qui s'est transformée en lecture de plaid). Il faut simplement savoir ce qu'on lit, voilà tout !

 

Mille mercis à Alice et aux éditions Stock pour cette découverte !