Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/02/2014

La poésie du jeudi avec Albane Gellé

Poésie jeudi.jpgPour ce nouveau jeudi poétique, j'ai décidé de fêter le nouvel an chinois. Depuis jeudi dernier (vendredi matin en Asie), nous sommes passés selon l'astrologie chinoise dans l'année du cheval de bois jusqu'en février 2015. Le cheval est signe de créativité, d'énergie et d'enthousiasme. Quoi de mieux pour chapeauter aujourd'hui l'inspiration poétique ! En l'honneur de cet auguste animal, je vous propose donc un extrait du recueil Je, Cheval d'Albane Gellé publié chez Jacques Brémond en 2007 (un peu de poésie contemporaine française, ça ne rigole plus!). Une ode à l'animal bien sûr ; mais plus encore dans la distorsion syntaxique du titre, l'élan d'un lien puissant, équilibre, de l'un image/balance/émotion de l'autre ; un nouvel être créé. «  En offrande l’encolure, et la tête dans une courbe, que le reste prolonge, avec les mains de l’autre corps. A cheval, l’équilibre s’applique »

Je vous souhaite une belle découverte cavalière.

 

Je, Cheval

 

Je, le cheval, l'animal, le corps, le sauvage.
Je, dans le cheval comme dedans l'écriture. Avec l'indomptable l'équilibre l´inconnu le jamais acquis. L'extrême attention au monde. Entre panique et jouissance. Ce qui en moi est cheval. Proie fuite solitude et troupeau. Ce qui en moi résiste, s'obstine, risque. Ce qui en moi s'en va, pour rejoindre.
 
A cheval je suis d'emblée au cœur des choses, désencombrée, réunie. Débarrassée des entraves périphériques, des nœuds stériles. Dans le vif du sujet. Je me rejoins, dans une extrême présence à ce qui m'entoure. Dénouée.
 
Pas dans la terre seulement, un cheval. Sous ses pieds dans la terre aussi, dans le dos, au creux, et tout au long de l'encolure jusqu'à la nuque, les oreilles, au bout.
 
Si vite le corps paniqué, quand pas assez cheval finalement, l'homme en face. Sinon de la tendresse, brusque dans l'herbe ; le cou tendu comme une oie blanche. Le mot cheval au-dedans. Les mouvements les muscles quand au galop, cette chaleur dessous. Quand tout se rassemble, est rassemblé, pour faire vivant le cheval à deux têtes que nous sommes.
 
Dehors il y a des lions dans les yeux du cheval, tout seul avec son corps de zèbre. Ce n'est pas l'homme vraiment qui le rassure, ou une seconde seulement parce que cheval c'est solitude. Et à la fois inséparable d'un autre dans le pré. Enfantin presque il se raccrocherait à un âne.
 
Marcher à côté, sur la route de retour, avec dans les oreilles le pas du cheval, qui va chaud dans le dos. Tranquille, et respire. Aller chacun dans sa fatigue, la même, parmi les odeurs mélangées du cheval et de la pluie. Et ça ne le freine pas, toute cette eau qui tombe. Il va contre, il a de quoi. Libre enfin, il retourne à la terre, calme, il se roule, avant de se secouer se relever, debout comme un cheval.
 
Couché le cheval est-il encore vivant, est-il encore cheval. Jusqu'à ce que la tête bouge, que l'encolure emmène le reste, et les jambes s'envolent avant de se remettre d'aplomb. De la poussière vole.
 
Cheval sellé et l'autre dans le pré, ils se ressemblent. Les mêmes oreilles, qui ne font pas n'importe quoi. Quelque chose dans le sang, insensé, échappe. Un écart pour une couleur trop vive de plastique dans un arbre, il y a de quoi s'écarter du chemin pas sauvage. Des naseaux à la croupe. Le cheval attentif à dehors plus qu'à lui-même. Que se passe-t-il-quand il s'arrête, les quatre pieds plantés pour toujours.
 
Si dans les jambes quelque chose casse, pas le sabot, plutôt un os, un muscle, fini le cheval c'est debout ou c'est mort. Fragile devant du barbelé. Pourtant quatre pieds. Il suffit d'un bruit de train, le cheval seul est capable de tout risquer en un quart d'heure, et tant pis si au bout, un accident, la mort.
 

cheval2014.jpg

09:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (20)

03/02/2014

Novecento : pianiste d'Alessandro Baricco

Novecento.jpg
Novecento : pianiste d'Alessandro Baricco, Folio, 2002, 87p.

 

Alessandro Barrico annonce d'emblée la couleur de ce texte en exergue : il a été écrit pour le théâtre, pour un comédien et un metteur en scène particuliers. Après réflexion, au moment de l'édition, il apprécie l'idée qu'il devienne également un texte à lire à haute voix, dans l'intimité. Une chose est sûre, d'une manière ou d'une autre, Novecento : pianiste est à envisager par le truchement de la parole, qu'elle soit rêvée, personnelle ou théâtrale.

C'est en portant attention à cette précision de l'auteur et en écoutant la voix d'un comédien imaginaire déclamant son monologue que j'ai apprécié fortement ce texte.
Je l'avais déjà commencé peu de temps après l'achat mais je n'y avais pas goûté grand chose, honnêtement. Je m'étais simplement demandée ce que trouve tant de monde à Barrico. Je l'ai donc laissé en plan, attendant une autre fois pour le finir et trancher un avis. La proposition de lecture commune d'Eimelle est donc tombée à point nommé !

Il s'agit d'une tranche de vie d'un jeune trompettiste, lorsqu'il officia dans l'orchestre du Virginian pendant six ans, entre l'Europe et les USA. De cette époque, il nous offre l'amitié qu'il vécut avec le pianiste virtuose Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento et son incroyable personnalité. Novecento est de ces enfants nés sur le paquebot, en troisième classe, et abandonnés à l'arrivée aux États-Unis par des parents émigrants qui ne pouvaient s'imposer un tel "fardeau" au commencement d'une nouvelle vie. Né sur le bateau, Novecento y restera toute sa vie : adopté par un mécanicien, il se cache sur le bateau à sa mort pour ne pas être rendu à la terre ; il devient ensuite pianiste à bord lorsqu'on découvre son génie. Il essayera bien de descendre un jour mais l'immensité du monde le terrifie. Lui qui envoie "au cul le règlement", ne se sent bien que sur l'univers clos du paquebot et du clavier de son instrument. Entouré mais jamais noyé par l'immense Océan. Logiquement, c'est donc sur le Virginian qu'il est né, et sur le Virginian qu'il finira, dans l'apothéose des grands esprits. 

Novecento est un texte parcouru de poésie et d'oralité : deux ingrédients qui en font un parfait monologue à entendre et à jouer. De fait, comme pur texte à lire, je ne le trouverais pas fantastique. Sympathique, plein d'une gentille poésie mais pas non plus extraordinaire ou foudroyant. C'est l'idée d'une mise en jeu qui me le rend beaucoup plus intéressant. L'exercice du monologue théâtral est parmi les plus compliqué, me semble-t-il, et ce récit de vie en offre une palette d'espaces et de nuances à exploiter. Sans parler de l'utilisation de la musique jazz, que Novecento agrémente de sa virtuosité - j'ai du mal à imaginer ce que peut donner du jazz avec "plus de notes", mais ce doit donc être passionnant à découvrir !

Bref, pour ne pas en rajouter plus qu'il n'en faut (manquerait plus que je fasse une chronique plus longue que le texte original), j'ai vraiment lu et apprécié Novecento en tant que monologue théâtral. A savoir si j'apprécierai le style de Baricco dans un autre format, je ne sais pas. Pour trancher, il me faudra inévitablement tenter !

 

Lu en lecture commune avec Eimelle, Miriam, Jostein et Ostinato !

 

challenge-des-notes-et-des-mots-4.jpgChallenge Des mots et des notes chez Anne

4eme participation