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08/11/2014

Madame Bovary de Gustave Flaubert

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Madame Bovary de Gustave Flaubert, Le livre de poche, 1972 [1857], 564p.

 

Madame Bovary noir et blanc.jpgMadame Bovary : personnage extatique, pénétrant, ambivalent qui jamais ne laisse indifférent et que, bien souvent, nous avons détesté dans nos jeunes années. J'ai le souvenir d'une première lecture de Madame Bovary à l'âge de 16 ans. Il s'agissait là de mes premières plongées dans la "vraie" littérature, l'époque où je tâchais de me frotter à la plume des grands maîtres. Évidemment, ça n'a pas loupé : j'ai cru mourir d'ennui. Le roman a trainé près de trois longs mois sur ma table de chevet, avancé de quelques pages à peine tous les mille ans. Ce fut laborieux. J'ai bien retenté Flaubert en première année de Lettres ensuite avec L'éducation sentimentale mais encore une fois, ce fut un échec cuisant (tellement d'ailleurs, que ce coup-ci, je n'ai pas terminé le roman). Bref, comme avec Balzac il y a encore peu, il ne fallait pas s'attendre à ce que je parle de Flaubert en termes amoureux... Et puis, toujours dans cette optique qu'il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis (après tout, j'en viens à être au taquet avec Balzac, alors, qui sait ?!), et parce qu'un excellent collègue qui enseigne en terminale a su m'en donner envie, j'ai rouvert Madame Bovary.

Et là, c'est le choc : Flaubert n'est ni difficile ni ennuyeux à lire ! Point du tout ! Je ne me lasserai décidément jamais de faire l'apologie de la relecture tant les difficultés et les appréciations d'un temps ne sont pas celles d'un autre. Flaubert est incisif, concis, précisément ironique et d'une grande limpidité. Sa plume fait mouche. Fort d'une volonté de déjouer les envolées lyriques et l'inspiration frelatée des romantiques, son écriture ne s'emberlificote nulle part et je me suis demandée où j'avais pu voir quelques douloureuses longueurs là où j'ai redécouvert un style qui va droit au but et qui fait fi des éléments superflus. En comparaison, Zola digresse et s'exalte beaucoup plus (ce que, par ailleurs, j'apprécie énormément aussi). Alors bien sûr, cette impression peut venir du sujet : de fait, raconter les désillusions et l'ennui mortel d'une jeune bourgeoise de province ne saurait s'exprimer par la successions de rebondissements majeurs. Mais il n'en faut point tenir rigueur à l'écriture qui se lit comme un délice.

Madame Bovary Huppert.jpg

Revenons donc au dit-sujet. Je me rappelle avoir trouvé Emma Bovary ridicule et niaise à l'époque. Cette protagoniste n'est pas tellement de celles à qui l'on peut s'attacher. De même que tous les autres personnages, elle se laisse observer mais jamais vraiment saisir. Le roman de Flaubert est le miroir cinglant de ce que l'on ne veut pas être, voire de ce que l'on abhorre particulièrement. Madame rêve, certes, et cet acharnement progressif à se fourvoyer dans les méandres de ses fantasmes apparaissent agaçants et pitoyables. Mais dire cela n'est pas tout dire. Madame Bovary est aussi le reflet de la condition féminine de l'époque. Quelle femme peut dire qu'elle n'aurait pas été une parfaite Emma Bovary a une époque où il fallait subir un mariage jusqu'à la mort et se contenter d'un pis-aller de vie en guise de quotidien ? Après mûre réflexion et un peu plus d'années au compteur, j'ai éprouvé une certaine empathie pour cette femme qui, au XXIème siècle, se serait peut-être contentée de divorcer.

Il me semble que, plus que ridicule et niaise, Emma Bovary est surtout la version bourgeoise des héroïnes tragiques. Cette fameuse fatalité dont Flaubert s'amuse tout au long du roman, que Rodolphe invoque avec ironie pour rompre avec cette maîtresse devenue encombrante, c'est la médiocrité de sa classe sociale. Qu'elle le veuille ou non, Emma Bovary est elle-même médiocre. A vouloir se départir de la bassesse que lui renvoie Charles, elle y plonge tout à fait. Ses aspirations sont médiocres, ses amants le sont aussi et sa manière d'être avec eux, encore plus. C'est ce qui rend Emma irritante au lecteur (et à la lectrice encore plus ?) : elle nous gifle une médiocrité que peut-être nous ne voulons pas accepter. Elle nous oblige à en prendre conscience.
De ce fait, Emma Bovary m'est apparue ambivalente et complexe. Elle se bat contre une médiocrité qui l'habite elle-même - elle me semble être une sorte de Don Quichotte de la médiocrité ; elle se bat contre une condition - à la fois féminine et bourgeoise - dont elle ne peut se départir ; enfin, elle tente de transformer en réalité un romantisme écorné qui ne peut l'être - est-ce en ce sens que Flaubert a avoué qu'il était Madame Bovary ? La question reste ouverte puisque je rédige ce billet uniquement armée de ma petite lecture et n'ayant rien lu de critique sur le sujet (lorsque ce sera le cas, il y a fort à parier que je me repentirai de la médiocrité de mon analyse critique)

Madama-Bovary.jpgEnfin, il y aurait encore beaucoup à dire sur ce roman d'une richesse sans fin, notamment concernant les autres personnages : Charles Bovary, l'anti-héros parfait - ah, que j'aime l'incipit et l'excipit, tout deux sans aucune pitié pour ce petit médecin de campagne. Dire qu'on l'ouvrit et qu'on ne trouva rien n'est-ce pas le parfait exemple du style qui tue ? M. Homais aussi, M. Lheureux, Rodolphe... Que de personnages typiques, aussi acides que bien croqués. 

Mais il faut bien savoir arrêter une chronique avant que celle-ci ne devienne la veine tentative d'un roman fleuve. Vous savez où trouver Madame Bovary (une librairie qui n'a pas Madame Bovary dans ses rayons ne saurait être une librairie digne de ce nom). Vous savez, donc, ce qu'il vous reste à faire ;)

 

 

 

challenge-des-100-livres-chez-bianca.jpgchallenge-un-pave-par-mois.jpgEncore un doublé chez Bianca avec une 17eme participation au Challenge des 100 livres à avoir lus et ma participation de novembre au Challenge un pavé par mois.

 

 

 

Challenge XIX.jpgEt une 9eme participation au Challenge XIXeme siècle chez Fanny