28/02/2013
La Couleur pourpre d'Alice Walker
La Couleur pourpre d'Alice Walker, ed. Robert Laffont, Coll. Pavillon poche, 1982, 344p.
Celie et sa cadette Nettie grandissent tant bien que mal dans une Amérique début de siècle pétrie de violence sourde. La mère est peu présente au foyer, aussi Célie doit se charger de la nombreuse fratrie malgré son jeune âge ; et lorsque la mère tombe malade, le père n'hésite pas à se tourner vers la jeune fille pour assouvrir ses pulsions... C'est donc la lame de cet inceste qui ouvre la brèche de l'avenir. Celie aura deux enfants qui lui seront enlevés très rapidement par le père puis sera donnée en mariage à un homme froid et violent qui désirait initialement la jeune soeur. Dès lors, le destin de Celie et Nettie va se scinder : Celie restera avec cet homme, qu'elle appelle Monsieur..., auprès de qui elle sera plus une esclave qu'une épouse. Malgré un quotidien douloureux et éprouvant, elle rencontrera des personnalités féminines éclatantes et jouissives qui l'aideront à avancer et bien sûr, la délicieuse Shug grâce à qui elle comprendra l'amour. Nettie, quant à elle, devra partir - tout d'abord vers la ville la plus proche puis en Afrique où elle deviendra missionnaire pendant de nombreuses années.
Celie et Nettie ne se reverront plus pendant près de trente ans. Pourtant leur lien indéfectible ne cessera de se dire, si ce n'est en paroles, du moins en mots posés sur le papier au gré du temps et des océans. Ce sont ces mots que nous offre La Couleur pourpre.
Lorsque j'ai découvert ce livre dans le swap du nouvel an offert par Manu, je suis tombée amoureuse de la couverture (le violet, moi, comme c'est étrange!) mais suis restée perplexe : le sujet m'interpelait mais j'avais peur de beaucoup de choses, en fait. De la mièvrerie, de la caricature, d'un style illisible - car mimer une certaine oralité à l'écrit est bien souvent périlleux -, de la bien-pensance. Le sujet a néanmoins été plus fort que mes peurs et un soir, sur un coup de tête, je l'ai attrapé au vol et l'ai entamé - pour ne plus en décrocher.
Construit sous forme épistolaire, ce sont d'abord les lettres de Celie qui s'offrent au lecteur ; des lettres qu'elle adresse au bon Dieu depuis son plus jeune âge - tout d'abord parce qu'elle n'a personne à qui se confier puis parce qu'elle ignore où se trouve Nettie. Celie apparaît d'emblée comme une personnalité attachante, simple et pleine d'une ressource vitale impressionnante. Certes, elle semble extrêmement passive, pourtant quoiqu'il arrive, elle tient avec une constance et une foi précieuse. Celie n'a jamais reçu de véritable instruction et son phrasé est donc chaotique, de même que ses réflexions. Et puis progressivement, au contact de Shug et des lettres de sa soeur, Celie va s'émanciper et de cet envol naîtra une joie de vivre, une carrière et un nouveau souffle expressif au vocabulaire plus ample et à la grammaire plus précise.
Nettie, elle, ne cesse d'écrire pendant toutes ces années où Celie ne reçoit que le silence. Elle lui raconte son quotidien à la mission africaine ; tous ces petits moments qui forment une réalité à la fois archaïque et nouvelle. Dans ces lettres passionnantes, Nettie nous trace le portrait d'une Afrique démystifiée où les autochtones n'ont pas tant de compassion pour leurs frères noirs jadis esclaves aux Amériques - d'ailleurs ne sont-ce pas eux qui les y ont vendus ? Loin d'un paradis perdu, Nettie y constate que l'homme reste l'homme et que la suprématie masculine souvent injuste s'applique sur les différents continents. Elle constate aussi que l'Homme reste l'Homme et qu'aucune occasion n'est manquée de pouvoir écraser son prochain pour son propre intérêt - ainsi les entreprises européennes de caoutchouc qui n'hésitent pas à anéantir le territoire ancestral de tout un peuple.
Et puis surtout, ce que les deux soeurs ne cessent de s'écrire, c'est leur amour solaire, éclatant, indestructible. Les années, les misères et le silence n'ont aménuisé en rien leur foi en elles, en ce lien qu'elles continuent à écrire. Au fond, chacune à leur manière, Celie et Nettie sont portées par une spiritualité profonde et sincère.
Je ne saurais trop vous conseiller ce roman épistolaire qui se dévore avec douceur et qui se referme avec émotion. Je ne suis pas versée dans la niaiserie et vous n'en trouverez pas ici : seulement de la sincérité à l'état brut qui dit des réalités souvent dures mais avec une franchise et une naïveté tellement étonnantes qu'il arrive souvent de sourire - oui, oui. Vraiment, un pur plaisir !
Merci à Manu pour cette super découverte, encore une fois !
Je vous invite d'ailleurs à aller lire son billet de ce pas, ainsi que celui de Missycornish vraiment passionnant. Comme vous pourrez le constater, je ne suis pas la seule à avoir eu le coup de coeur !
Challenge Petit Bac 2013 chez Ennalit
Catégorie Couleur
Challenge "A tous prix" chez Laure
Ce livre a reçu le prix Pulitzer et l'American Book Award en 1983
09:04 Publié dans Challenge, Coups de coeur, Littérature anglophone, Swap | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
ce livre est pour moi un livre culte que j'ai lu plusieurs fois et que j'aurai envie de relire encore pour en parler sur le blog. Je te conseille aussi le film de Spielberg qui est très bien.
Écrit par : enna | 28/02/2013
Oui, je l'ai sous la main justement ! Le livre m'a vraiment donné envie de le voir !
Écrit par : Lili | 28/02/2013
J'ai hésité plusieurs fois à le prendre à la bibliothèque... Il va falloir que je me décide à tenter l'expérience ! J'avais plutôt bien aimé le film de Spielberg, mais j'étais encore très jeune, et il me semble que c'était tout de même un peu mièvre.
Écrit par : Miss Léo | 28/02/2013
Hmm disons que le livre évoque parfois des bons sentiments, soyons clairs, donc la frontière avec ce qu'on pourrait qualifier de "mièvre" peut-être ténue. Mais perso, j'ai trouvé que l'équilibre entre les deux était très bien géré et on ne tombe jamais ni dans la guimauve ni dans le larmoyant :)
Écrit par : Lili | 28/02/2013
Je le lirai un jour celui-ci c'est certain !
Merci pour ta participation et à bientôt :D
Bonne journée ;)
Écrit par : laure | 28/02/2013
Il faut, il est vraiment à découvrir ^^
Bonne journée, Laure !
Écrit par : Lili | 28/02/2013
Beau billet! Un bel hommage pour une petite pépite littéraire! Ce livre m'avait ému aux larmes (et en particulier la fin). Un vrai coup de coeur! Merci d'avoir parlé de mon avis également! Gros bisous Lili!
Écrit par : Missycornish | 28/02/2013
Lol ya un problème avec le lien de mon blog, tu as mis deux fois le même lien de Manu. Bye
Écrit par : Missycornish | 28/02/2013
Oops ! Je me suis mélangée les pinceaux avec les liens ^^ Voilà le problème résolu !
Et ce n'est que justice que je mette ton lien : ton billet est vraiment exhaustif et passionnant !
Bisouxx Missy¨*
Écrit par : Lili | 28/02/2013
J'avais les mêmes appréhensions que toi et au final, une magnifique découverte. Je suis contente que tu aies eu une heureuse surprise aussi :-)
Écrit par : Manu | 01/03/2013
Merci à toi de me l'avoir fait découvrir ! :)
Écrit par : Lili | 01/03/2013
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