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29/03/2013

1Q84 - Livre 3 de Haruki Murakami

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1Q84 - Livre 3 de Haruki Murakami, ed. Belfond, 2012, 530p.

 

- Attention, spoiler pour ceux qui n'ont pas lu le tome 1 et 2 -


Enfin, le livre 3 ! Car le précédent se terminait sur deux notes délicates qui ne pouvaient que susciter une vive attente : Aomamé s'était échappée de ce fameux appartement dans lequel elle devait se cacher et se retrouvait au bord du périphérique, en jupe et talons, un canon dans la bouche. Elle venait de presser la détente. Quant à Tengo, il découvrait dans le lit d'hôpital de son père une chrysalide de l'air ; et dans celle-ci une toute jeune Aomamé qui lui saisissait la main comme jadis. Et nous, lecteurs, nous étions pendus aux dernières pages comme au bord d'un précipice : qu'allait-il advenir ? Honnêtement, je ne pouvais pas attendre plus longtemps et après deux lectures rapides entre les deux, j'ai vite entamé le livre 3. L'envie a été plus forte que la diversité littéraire.

Première surprise : le livre s'ouvre sur la voix d'Ushikawa. Cet étrange personnage filait Tengo dans le tome 2 et est ici chargé par les précurseurs de traquer Aomamé. Toujours aussi disgracieux et antipathique, il va désormais rythmer le récit avec nos deux protagonistes durant ces dernières cinq cents trente pages. Au gré de ce livre, Murakami creuse toujours plus la profonde solitude des personnages et leur recherche l'un de l'autre. Ils se cherchent pourtant au mauvais endroit : Aomamé, condamnée à l'isolement, scrute patiemment le petit jardin tous les soirs en espérant y revoir Tengo tandis qu'il passe de longues semaines "dans la ville des chats" dans le seul but de revoir la chrysalide de l'air. Et ainsi, une sorte de fatalité nécessaire les porte sur de fausses pistes et toujours dans l'espoir. Sans doute le moment doit-il être propice à leur re-découverte, et à la découverte de la petite chose. Contre toute attente, c'est Ushikawa qui, en quête de leur lien, leur permettra de le retrouver à ses risques et périls. Après quoi, il ne leur restera plus qu'une chose à faire : s'échapper d'1Q84.

Sans l'ombre d'une hésitation, j'ai clairement été captivée par les deux premiers livres de cette trilogie. Par le premier car il m'a projetée dans un univers littéraire parfaitement nouveau et brillamment syncrétique ; par le deuxième pour sa beauté lyrique. Et j'avoue, malgré l'engouement avec lequel j'ai lu le dernier, être assez déçue. Bien des éléments amorcés précédemment et faisant montre d'une belle maîtrise d'écrivain m'ont semblé être laissés en plan - tout du moins bien trop en retrait. Je parle principalement de cette référence à 1984 d'Orwell et de cette histoire de Little People. J'avais bien compris l'intérêt de mettre ces éléments de côté dans le deuxième livre mais de ne pas y revenir dans le troisième, sauf en guise de décor à l'histoire d'amour qui prend toute la place, quel dommage ! L'oeuvre, d'un coup, perd à mes yeux beaucoup du relief que j'y avais trouvé avant. Ce troisième livre est uniquement consacré à prolonger l'attente lyrique des deux personnages déjà abondamment déclinée dans le deuxième tome et perd en force : plus de 1000 pages pour expliquer qu'ils se cherchent et ne se trouvent pas encore, même avec le plus grand talent de conteur du monde, c'est un peu poussif. Il y aurait eu tellement à approfondir sur d'autres registres que le lyrisme, comme dans le premier livre, que forcément, je suis déçue. Ce tome là m'a semblé jouer un peu trop de la facilité et d'un lyrisme qui devient un poil trop romantico-mielleux à mon goût (le coup de la fécondation virginale d'Aomamé par Tengo, seriously ?!)

Cela étant dit, je ne veux pas terminer sur une note qui laisse entendre que je fais ma bégueule - après tout, j'ai dévoré ce tome là comme les autres mais sans doute qu'à force d'avoir ménager mes attentes jusqu'à la moelle avec ce jeu tripartite, mes attentes étaient vraiment élevées. Et le problème dans ces cas là, c'est que c'est souvent la déception qui suit.

Mais qu'à cela ne tienne : je ne vais certainement pas arrêter sur ce bémol ma découverte de Murakami ! Kafka sur le rivage m'attend pour poursuivre le voyage entre réalisme prosaïque et douceur fantastique et je ne boude pas mon plaisir à cette idée.


Livre lu, encore et avec grand plaisir, en lecture commune avec mes deux consoeurs blogueuses Manu et Shelbylee. Allons voir leurs billets !


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©Juliette Bates (http://www.juliettebates.com/)


25/03/2013

Les tendres plaintes de Yoko Ogawa

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Les tendres plaintes de Yoko Ogawa, traduit du japonais par Rose-Marie Makino Fayolle et Yukari Kometani, ed. Actes Sud, 2010 (écrit en 1996), 237p.

 

Après avoir longtemps supporté le climat glacial de son couple en déshérence, Ruriko se retire. Elle part un beau jour, sans réflexion ni préméditation, s'isoler dans le vieux chalet familial au coeur des forêts. Il s'agit d'y retrouver la sérénité, le silence et surtout, de s'y retrouver soi.
Elle rencontrera rapidement deux voisins dans un chalet proche : Nitta et Kaoru, son assistante. Nitta pratique une profession particulièrement fascinante : facteur de clavecins. De ses mains, avec une infinie patience, il sculpte des sons invisibles pour leur donner la forme cristalline d'un rondo ou d'un menuet. Il accorde également ses instruments lors de concerts à travers le pays. Ruriko apprend par contre qu'il ne joue pas - ou plus en public. Un beau jour, une panique l'a saisi et ses doigts ont cessé de jouer. Lors de leurs veillées, c'est donc Kaoru qui prend place devant le clavecin.
Au fil des jours, une relation étrange et souvent silencieuse se noue entre ces trois personnages à la recherche d'une paix intérieure, au son envoûtant des Tendres Plaintes de Rameau.

J'ai retrouvé dans ce roman ces fameux éléments qui semblent caractériser la littérature japonaise - et plus largement sans doute l'esprit japonais : une profonde solitude, une économie de mots, une grande pudeur dans les relations humaines, et l'utilisation d'images poétiques pour exprimer le cheminement intérieur de l'être. Ici, il semble que Yoko Ogawa nous invite à une introspection personnelle à travers le personnage de Ruriko et sa rencontre avec l'étrange tandem musicien. Le lecteur, tout comme Ruriko dans sa forêt, est tout d'abord plongé dans une atmosphère silencieuse, cotonneuse. Le bruit de la ville s'est évanoui ; il n'y a plus que le chatouillement des feuilles alentours. Progressivement, comme on construit pas à pas les pièces d'un clavecin, il s'agit de descendre en soi, et de se reconstruire avec patience et attention. Faire table rase, parfois aussi, et détruire pour mieux avancer - comme Nitta a pulvérisé un clavecin défaillant.
En fait, Les tendres plaintes m'a vraiment fait l'impression d'un roman qu'il faut ressentir bien plus qu'interpréter - c'est pour cela que je vais arrêter là toute forme d'analyse littéraire. Il joue sur les cordes de la sensibilité et de l'indicible, l'esprit ne fait que tenter de formuler ensuite ce que le corps a d'abord senti.


"Alors qu'elle jouait juste sous mes yeux, j'avais l'impression que le son me parvenait d'un endroit extrêmement lointain. On aurait dit qu'il contenait la mémoire d'un temps illimité auquel personne n'avait touché. Le tranchant et la douceur, la magnificence et la grâce, la pureté et l'ombre, des impressions contradictoires jaillissaient ainsi en même temps pour se fondre aussitôt en une seule.
En tendant l'oreille encore plus, je pouvais discerner les imperceptibles résonances entre chaque son."

 

Je vous laisse savourer l'atmophère de ce roman avec la fameuse pièce éponyme de Rameau : (je me permets simplement de vous l'insérer au piano car l'éloge du clavecin a beau être délicieux sous la plume d'Ogawa, il a malheureusement la vertu de m'énerver au plus haut point)

Encore une très belle découverte japonaise grâce au challenge d'Adalana! Merci pour cette inspiration!

 

 

 

 

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Challenge Ecrivains japonais 2013 chez Adalana

Le mois de mars est consacré à Yoko Ogawa






1213775971.jpgChallenge Petit Bac 2013 chez Enna

Catégorie Sentiment

22/03/2013

Daytripper de Fabio Moon et Gabriel Ba

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Daytripper de Fabio Moon et Gabriel Ba, ed. Urban Comics, coll. Vertigo Deluxe, 2012, 256p.

 

C'est l'histoire de Bras de Olivas Domingos ; ou devrais-je dire les histoires. Car chaque étape de la vie renferme en elle-même une histoire brillante et particulière dont on peut tirer un enseignement. Après laquelle, même, on pourrait mourir ?

Bras travaille à la rubrique nécrologique d'un journal. Il rend hommage chaque jour à mille et un défunts - en somme, il vit avec la mort. Le reste du temps, il aspire à devenir écrivain comme son père, le célèbre Benedito et rêve que sa vie prend une autre tournure.
Au fil des pages, le lecteur découvre une période différente de la vie de Bras dans un ordre aléatoire mais toujours plein de sens dans son évolution. Au terme d'un évènement majeur, Bras imagine chaque fois sa mort et sa chronique nécrologique - une manière de former le cercle de la vie sur cet épisode, de fermer la boucle et de repartir. Et la vie comme une infinité de boucles.

Lorsque j'ai choisi cette BD sur Priceminister à l'occasion du salon d'Angoulême, je m'attendais à quelque chose de chouette. En fait, c'est carrément un bijou ! L'objet en lui-même déjà est vraiment soigné et d'une épaisseur qui promet un voyage au long cours. Quand je l'ai eu en main, j'ai été vraiment surprise par une tel finition. Et puis, le contenu... Que vous dire ! C'est à la fois poétique et d'une lucidité qui érafle. Plus je pénétrais dans l'univers de Bras, plus je me disais que sa vie pourrait être celle de tout le monde, c'est en fait notre histoire ces fameux moments clés dont on ne ressort jamais vraiment indemne. Et puis plus j'avançais dans ma lecture, plus j'avais le coeur serré - c'est rare que je ressente ça pour une BD mais celle-ci était vraiment émouvante et vraie. On ressent quelque chose d'authentique qui touche immédiatement.

Une surprise totale et géniale ! Je ne regrette vraiment pas mon choix (j'en suis à combien de vraiment dans cette chronique là ? Non mais c'est parce que la BD est vraiment bien hein) et je vous conseille sans retenue de vous lancer dedans !

Par ici, la chronique de Natiora qui a été aussi emballée que moi.

Et pour la suivre sur la voie de la sagesse, je lui mettrais également la note de 20/20. Un grand merci à Priceminister pour cette découverte à l'occasion de La BD fait son festival.

 

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