Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/03/2014

Un spécimen transparent suivi de Voyage vers les étoiles d'Akira Yoshimura

Yoshimura.jpg
Un spécimen transparent suivi de Voyage vers les étoiles d'Akira Yoshimura, Actes Sud, Babel, 2014 [1974], 149p.

 

 

coup de coeur.jpgJe l'ai souvent dit : j'ai du mal avec le format de la nouvelle qui m'en livre tantôt trop, tantôt pas assez à mon goût. Donc je n'en lis plus. Ou presque plus. Mais parce que je ne suis pas à une contradiction près, mon dernier coup de cœur est un recueil de deux nouvelles : tout est normal !

J'ai découvert Yoshimura par hasard il y a deux ans avec le recueil composé de La jeune fille suppliciée sur une étage et Le sourire des pierres. Si je l'avais apprécié, il m'avait surtout intriguée. Il faut dire que j'y découvrais non seulement un univers très particulier à mi chemin entre "l'expérience chirurgicale et le conte merveilleux", disais-je, mais la littérature japonaise en général (oui, je m'y suis mise sur le tard, voyez-vous)
A nouveau dans ce recueil, la persistance d'un univers et d'une construction similaire : deux nouvelles d'environ 70 pages où la mort s'infiltre par le petit trou de la serrure pour contaminer le quotidien d'un fantastique poétique et un poil glacial.

Dans Un spécimen transparent, le vieillissant Kenshiro sublime son attirance pour les os humain en fabricant des échantillons osseux dans un hôpital universitaire. Si cette profession est parmi les plus honnies et souvent ingrate, Kenshiro la conçoit comme une quête esthétique. Jadis, son beau-père sculptait des scènes érotiques dans les os ; lui cherche la perfection à travers la création d'un spécimen osseux parfaitement transparent et lumineux.

Voyage vers les étoiles raconte l'épopée suicidaire d'un groupe d'adolescents marqués par l'ennui existentiel. L'un d'eux lance un beau jour "Et si on mourrait ?!" et ils décidèrent de mourir, en effet, au terme d'un road trip en camion.

Si j'ai retrouvé parfaitement l'ambiance de La jeune fille suppliciée... dans la première nouvelle et l'ai énormément appréciée, c'est la seconde qui m'a fait virer au coup de cœur. Elle développe une poésie d'une grande beauté qui saisit à merveille les paysages et les psychologies. C'est ce qui rend, sans doute, Voyage vers les étoiles si poignant, vibrant et non macabre comme il pourrait l'être. L'auteur est parvenu à me toucher profondément.

Je me rends compte qu'après lecture, les mots de Yoshimura m'habitent longtemps. Je crois lire un petit morceau vite avalé mais il mature et prend mille nouvelles formes dans mon esprit. Je crois pouvoir dire que lorsqu'un auteur me fait cet effet, c'est qu'il est un grand auteur.

 

*

Extraits de Voyage vers les étoiles

 

" Conscient de baigner dans la forte odeur de marée, Keichi regarda le hameau formé d'une succession de maisons longeant le rivage. Accrochées à flanc de montagne, elles paraissaient épuisées, en déséquilibre comme si elles allaient tomber à l'eau d'un instant à l'autre. Était-ce à cause du vent de mer qui soufflait continuellement ? Elles étaient recouvertes de cloques poudreuses blanches comme des kakis séchés, d'ailleurs tout était blanc, jusqu'aux pierre posées sur les pentes des toits." p. 122

"Le corps abandonné aux vagues, Keichi avait les yeux tournés vers les maisons du village qui paraissaient blanches sous le regroupement des tombes. Il s'en élevait ici et là les fumées de la préparation du repas, il y avait donc de la vie, mais elles ne reflétaient pas les rayons du couchant d'une manière aussi fraîche que les stèles. Elles avaient plutôt l'air d'un empilement de vieux morceaux de bois, comme des carcasses de bateaux naufragés jetés sur le rivage par un coup de mer.

Il se rappelait le teint maladif des nombreux vieillards, femmes et enfants sortis sur le seuil de leur maison pour les regarder. Leur seul soutien était sans doute l'argent que leur envoyaient les hommes partis travailler au loin, et en attendant ils devaient tromper leur faim avec le peu de poisson et de coquillages qu'ils pêchaient sur le rivage. En comparaison, leur situation était beaucoup plus enviable. Alors pourquoi cette arrogance à se dire las de la vie ?" p. 127-128

iframe src="http://www.facebook.com/plugins/like.php?href=http%3A%2F%2Flapetitemarchandedeprose.hautetfort.com%2Farchive%2F2014%2F02%2F13%2Fun-specimen-transparent-suivi-de-voyage-vers-les-etoiles-d-a-5310248.html&layout=button_count&show_faces=false&width=50&action=like&colorscheme=light" scrolling="no" frameborder="0" allowTransparency="true" style="border:none; overflow:hidden; height:30px">

Commentaires

Je suis un peu saturée des récits japonais, souvent bizarres. Il faut que je sois dans le bon état d'esprit. En ce moment je n'ai pas envie de lire les envies suicidaires d'un groupe de gars mais je vais noter quand même, pour plus tard, quand je serai d'humeur :p

Écrit par : Natiora | 13/03/2014

Il vaut mieux être dans l'humeur de lire de telles choses, c'est vrai ! Ça ne convient pas à tous les états d'esprit. Mais ce qu'il y a de bien, c'est que les livres peuvent rester plusieurs années dans une PAL ou leurs titres dans un carnet, ils ne s'en vexent pas. C'est donc idéal pour attendre le bon moment ^^

Écrit par : Lili | 13/03/2014

Oh, je n'aurai pas souvent lu ici ce que tu dis à propos de "Voyage vers les étoiles" et de Yoshimura dans le dernier paragraphe de ton billet, du coup ça donne bien envie ! Pas de petit extrait ? :D

Écrit par : Charline | 13/03/2014

Allez, je vais t'en mettre un ou deux ;) (Je le faisais systématiquement aux débuts du blog et puis j'ai chopé une flemme démentielle). C'est délicat de choisir des morceaux car la poésie n'a rien de... comment dire... époustouflant. C'est très minimaliste, très japonais comme dirait Bill Murray dans "Lost in translation"^^ Connaissant ton goût exigeant pour la poésie, je ne sais pas si tu y trouverais vraiment de beauté ou de plaisir. J'avoue que je ne saurais dire :)
Pour ce qui est de mes dernières phrases, c'est vrai que c'est rare que le temps nous fasse changer d'avis sur un auteur. D'habitude, je sais tout de suite en fermant le livre si c'est, pour moi, un grand livre/auteur ou pas. Lors de ma première lecture de ses nouvelles, j'avais apprécié, point. Je n'aurai jamais pensé qu'au fil des mois, ses écrits me resteraient à ce point en mémoire. Mais il y a quelque chose d'à la fois perturbant et délicat. Une alliance incongru du beau et du laid. Étrange.

Écrit par : Lili | 13/03/2014

Chouette, merci d'avoir pris le temps !! J'ai un faible pour les deux derniers extraits. Je me pencherai sans doute sur le bouquin, c'est vrai que ça me semble être une poésie qui doit être replacée dans le contexte de l'histoire, je crois, pour s'imprégner de l'ambiance globale... :)

Écrit par : Charline | 13/03/2014

Oui, c'est tout à fait. Isolément, ce n'est pas forcément "extraordinaire" mais c'est le tout cohérent et étonnant qui marque vraiment !

Écrit par : Lili | 13/03/2014

La littérature japonaise produit des auteurs très différents et pourtant il y a des constantes entre eux : ce que nous appelons poésie qui tient (peut-être?) à ce qu'il y a d'irrationnel dans les récits et qui est à l'encontre de notre manière de pensée à nous, français cartésiens!

Écrit par : claudialucia ma librairie | 13/03/2014

Tu as mis le doigts dessus : il y a effectivement une manière de penser, de vivre et donc d'écrire assez loin des nôtres. J'appréciais peu la littérature japonaise jusqu'il y a quelques années parce que je pense que j'y calquais mes exigences occidentales. Depuis que j'ai lâché prise par rapport à ça, je l'apprécie grandement pour ce qu'elle est : une littérature différente et de qualité !

Écrit par : Lili | 14/03/2014

Moi non plus, je n'aime pas les nouvelles mais en lisant ton article, je me disais que avec les japonais, ça passait bien ! Je note donc ce recueil donc les thèmes me plaisent beaucoup !

Écrit par : Manu | 15/03/2014

Tu as raison Manu, les nouvelles marchent souvent mieux sur moi aussi quand elles sont japonaises. Peut-être que le ton particulier de cette littéraire, en corrélation leur manière de penser, leur spiritualité, s'accommode mieux du format court :)

Écrit par : Lili | 15/03/2014

J'ai lu "Le convoi de l'eau" plutôt roman, même si assez court. Très beau et toujours les mêmes thématiques, je te le conseille ! Et j'ai déjà craqué pour celui-ci en librairie (auteur, couverture, thèmes, toussa...)

Écrit par : Anne | 16/03/2014

Je note ce titre ! Il fait partie des deux-trois que je vais essayer de trouver lors d'un prochain passage en librairie ! Et c'est vrai, je n'en ai pas parlé mais la couverture de cette édition est tout simplement magnifique. On ne peut pas ne pas la repérer !

Écrit par : Lili | 16/03/2014

Je viens de me le procurer, suite à la lecture de ton billet. J'adore les nouvelles et je connais trop peu la littérature japonaise. Merci pour le partage de ce coup de coeur ! Il fait son chemin :)

Écrit par : Topinambulle | 04/05/2014

Je suis très contente de ce chemin outre Atlantique ! J'attends ton avis avec impatience :)

Écrit par : Lili | 04/05/2014

Les commentaires sont fermés.