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23/11/2014

Dracula l'Immortel de Dacre Stoker et Ian Holt (et de quelques autres)

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Dracula l'Immortel de Dacre Stoker et Ian Holt, Le livre de poche, 2010, 538p.

 

Vous en rêviez ? L'arrière-petit-neveu de Bram Stoker l'a fait : Dracula n'est pas mort ! S'il a disparu à la fin de l'illustre classique, c'est pour mieux se planquer et échapper à une autre puissance démoniaque. Nous le retrouvons ici avec les autres protagonistes du roman originel. Ces derniers se sont séparés les uns des autres et mènent une vie marquée à jamais par le combat avec le vampire. Seward s'est enlisé dans la morphine, Arthur Holmwood dans une solitude hermétique. Mina et Jonathan, quant à eux, ont eu un fils prénommé Quincey en souvenir de Quincey Morris. Leur couple n'a pourtant jamais retrouvé la solidité d'antan et Quincey s'éloigne de sa famille a mesure que grandit sa passion pour le théâtre. C'est sa rencontre avec le célèbre Basarab qui est décisive à cet égard. L'acteur fait preuve d'un tel charisme, d'un tel magnétisme, qu'il subjugue tout le monde sur son passage. Quincey tente de l'introduire dans le casting d'une pièce en vue : Dracula de Bram Stoker. Il faut pourtant prendre garde à d'étranges faits d'une violence inouïe. Le vampire semble à nouveau éveillé et prêt à en découdre.

Que les choses soient claires : si je n'avais pas une énième recherche à faire sur l'évolution du mythe de Dracula, jamais, je dis bien jamais, je ne me serais retrouvée à lire ce genre de bouquin. Pas plus que je ne me serais retrouvée à visionner Dracula untold de Gary Shore. Non, parce que, sans vouloir être élitisme, il y a tout de même des limites à tout. Et puis voilà, j'ai finalement lu ce genre de bouquin (et visionner ce genre de film). Qu'en dire, du coup ? Honnêtement, c'est moins pire que ce que j'imaginais. C'est tout de même extrêmement médiocre et il faut chercher longtemps avant de trouver une qualité littéraire derrière les fagots, mais enfin, ça se lit gentiment. Il ne faut juste pas être trop regardant sur l'aspect caricatural des personnages, la grossièreté de l'intrigue, le style façon roman de gare (avec des fins de chapitres de toute beauté du type "A ces mots, elle disparut dans la nuit pour achever son œuvre funeste" p. 373 ou encore "Puis, sans perdre un instant, il poursuivit à pied le chemin glissant et rocailleux qui le menait à son destin" p. 453. Tasty, isn't it ?).

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Il ne faut pas être trop regardant non plus concernant la nouvelle réécriture du personnage principal - et ici je me permets un petit parallèle avec le sus-nommé Dracula Untold. J'évoquais pour Halloween la réécriture qu'en a faite Coppola, transformant le monstre stokerien en héros romantique. Ce qui est particulièrement intéressant chez Coppola, c'est cette complexité ajoutée au vampire : Son amour éternel pour Mina a presque valeur d'âme. Dracula est toujours un monstre mais un monstre terriblement humain. Réécriture donc, mais dans la filiation. Dans Dracula l'Immortel et Dracula Untold, il n'est plus vraiment question de monstre - tout du moins concernant Dracula. Ce dernier possède toutes les qualités : bon père, bon mari, bon prince, bon guerrier (pour le film), bon acteur, bon croyant, amant éternel et fidèle (pour le roman). En outre, notre vampire est un canon de la plus belle espèce puisqu'un faciès de toute beauté doit, évidemment, illustrer la pureté de l'être incarné. Ainsi, le Dracula de Dacre Stoker correspond-il au cliché du vampire ténébreux dont on ferait bien son goûter ; de même pour celui de Shore.

J'ai donc envie de poser logiquement une question : Pourquoi partir à ce point en cacahuète à propos de Dracula ?! Comment se fait-il que l'infléchissement progressif du mythe vampirique en arrive à cette extrémité dont Dracula est le héraut ? Pourquoi, pour le formuler clairement, en arrive-t-on à réhabiliter Dracula au point de renverser complètement la vapeur, d'être dans un contre-sens parfait par rapport à l’œuvre originale ? De quoi procède cette volonté ? A cela, deux solutions possibles (sans doute parmi des millions mais je n'ai pas un esprit à rallonge) : soit notre société contemporaine est devenue d'une parfaite tolérance au point que la différence, l'étranger/l'étrangeté - ce qu'était le Dracula de Stoker pour la société victorienne - n'est plus vu comme l'ennemi à abattre mais l'ami à considérer avec les yeux de la paix et de l'amour (version bisounours) ; soit notre société contemporaine est devenue d'une telle monstruosité que Dracula, à côté, c'est de la pisse de chèvre à considérer comme telle et non plus comme l'horreur personnifiée (version pessimiste).

Je vous laisse sur ces questions ouvertes, d'un manichéisme assumé particulièrement honteux. Libre à vous de lancer d'autres pistes en commentaires pour affiner le débat (cela me ferait bien plaisir, keur keur). En attendant, je vous salue bien. Ah oui, et vous l'aurez compris : pas besoin de perdre votre temps avec les deux médiocrités qui font l'objet de cette chronique. Honnêtement, si vous êtes en panne de lecture ou de film, faites-moi signe : j'aurai toujours autre chose de mieux à vous conseiller.

 

 challenge-un-pave-par-mois.jpgChallenge Un pavé par mois chez Bianca 

2eme participation pour novembre !

 

 

 

Challenge USA.jpgNouvelle saison du challenge USA chez Noctembule

1ere lecture

 

 

21/11/2014

Le Mystère Sherlock de J.M. Erre

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Le Mystère Sherlock de J.M. Erre, Pocket, 2013, 261p.

 

Jeremy Reichenbach holmes040.jpgJe commentais dernièrement chez Shelbylee que je souhaitais moi aussi découvrir J.M. Erre un de ces quatre. A force de lire à droite et à gauche des billets drôlement élogieux, j'ai fini par avoir l'eau à la bouche. Du coup, chose promise, chose due. J'ai investi dans Le mystère Sherlock et je rejoins ce qu'en disait ma consœur blogueuse : ce bouquin devrait être remboursé par la sécu !

Plantons le décor : Meirigen, au printemps. Ou, comme le dit joliment l'incipit : "En ce joli mois de mai, la neige était tombée dru, juste pour énerver le réchauffement climatique." Un groupe d'universitaires holmésiens, tous plus caricaturaux et savoureux les uns que les autres, se retrouvent près des chutes de Reichenbah pour un colloque consacré au maître. Le but est de convaincre l’indéboulonnable Bobo et de gagner la première chaire d'holmésologie. Tout le monde y va de ses politesses toutes relatives et de ses effets d'annonce. Bref, le colloque promet d'être de toute beauté. C'est évidemment sans compter une tempête de neige fulgurante qui coupe chauffage et électricité à tout le monde - et coupe en fait tout bonnement l'hôtel du reste du monde. C'est également sans compter une série de morts de plus en plus flippantes. Visiblement, il ne fait pas bon être holmésien ce week-end là à Meirigen. Ça commence sacrément à être synonyme de mort imminente... 
Mais un bon roman policier n'est rien sans le fin limier qui résout le mystère. C'est au commissaire Lestrade que revient ce rôle, affublé de quelques pompiers finis à la bière. Et c'est aussi à nous, lecteurs. Car, au côté de Lestrade, nous découvrons les différents écrits de nos universitaires pour comprendre qui est le coupable et quel est le mobile. Saurons-nous démêler le vrai du faux ?

Cela a déjà été dit un nombre incalculable de fois, mais je vais le souligner à nouveau : ce roman est une tranche de poilade de bout en bout. Si vous avez envie de lire sans savoir quoi - parce que "tu comprends, en ce moment avec le boulot, j'ai une tête comme ça" - prenez celui-ci. Il est forcément la lecture parfaite. Chaque page m'a fait pouffer de rire comme une gaminette. Même si ce n'est pas toujours la finesse incarnée, c'est toujours dans le mille. Cela dit, j'avoue que ce genre de comique de langage et de situation, à mi-chemin entre le trait d'esprit et la lourdeur intersidérale, est tout à fait celui qui m'amuse. J'imagine sans peine qu'il en laissera peut-être d'autres de marbre.

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En outre, sous la couche supérieure de l'humour se tricote une belle petite réflexion sur les enjeux de la fiction policière, le travail de l'écrivain et le rôle du lecteur. J.M. Erre le souligne au fil de la narration : l'auteur de roman policier est bien plus du côté de l'assassin que du côté du lecteur. Plutôt que de nous aider à comprendre, il nous balade allègrement. Il faut donc garder les yeux ouverts et convoquer toute la sagacité de Sherlock Holmes pour parvenir à éclaircir un mystère plus chafouin qu'on ne le pense. On referme le livre en se disant qu'il ne faut indéniablement pas s'arrêter à l'humour du roman, même si celui-ci le rend particulièrement savoureux. Le mystère Sherlock est un vrai policier qui met à l'épreuve nos compétences de lecteurs aguerris.

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PS : Je profite de cette chronique pour vous engluer de quelques photos du plus extraordinaire Sherlock Holmes devant l'éternel selon moi : l'incomparable, le merveilleux, le génialissime Jeremy Brett. Comment ? Tu ne connais pas le Sherlock Holmes interprété par Jeremy Brett ?! Répare ça tout de suite, vile impie ! Raaaah la culture, ma bonne dame ! Tout se perd !

PS² : Oui, ok, il y a aussi Benedict Cumberbatch. Mais ça n'a rien à voir. L'un ne saurait éclipser l'autre, ils se complètent. Le premier qui me parle de Robert Downey Junior par contre hein... 

 

 

 

 

challenge melangedesgenres1.jpgChallenge Mélange des genres chez Miss Léo

Catégorie roman policier (rigolo)

 

15/11/2014

Petits Oiseaux de Yôko Ogawa

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Petits Oiseaux de Yôko Ogawa, traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle, Actes Sud, 2014, 269p.

 

Petits oiseaux raconte la complicité de deux frères en dehors du monde, seuls à se comprendre en usant du langage des oiseaux. Comment tous deux, liés par un lien indicible, vivent dans la solitude totale une sorte de vie en dehors de la vie, douce, chaude, sécurisante, uniquement rythmée par une routine inamovible et rassurante. Il raconte également comment le cadet devient monsieur aux petits oiseaux après le décès de son aîné et continue à évoluer seul dans une vie toujours aussi solitaire et toujours aussi remplie d'oiseaux. 

"Seul, avec pour modèle le gazouillis des oiseaux, en faisant résonner les sons à ses oreilles, il avait glissé un par un dans sa poche les petits oiseaux de mots éparpillés sur son îlot. Il avait ramassé les cristaux de mots qui s’étaient échappés du gazouillis des oiseaux."

Concrètement, il ne se passe rien dans ce roman - comme dans beaucoup de romans d'Ogawa, semble-t-il à force de découvrir son univers. On se laisse porter sur les petits chemins d'une existence - car même les deux frères ensemble ne forment qu'une seule vie - vide de tout ce qui, ordinairement, rythme une existence. Les bribes de dialogues sont particulièrement édifiantes à cet égard : l'aîné de répond jamais qu'en paw-paw, ce qui empêche toute communication, et le cadet ne sait jamais que dire "eh" ou "ah". Aussi les pénétrations dans le monde sont plutôt plates et sans consistance. Le lieu où tous deux, puis seulement le cadet, se retrouvent à leur aise est la maison : le nid confortable et sécurisant. Ceux qui maintiennent un véritable lien avec le monde sont les oiseaux. Rien ne se dit mais tout se comprend ; rien ne s'explique mais tout se chante dans la liberté des êtres voyageurs, un peu étrangers à toute terre et parfaitement ici où qu'ils soient.

On a beaucoup souligné la poésie et la douceur de Yôko Ogawa. J'avoue ne pas l'avoir toujours sentie et je referme ce roman avec le sentiment mitigé d'être passée à côté d'une partie du livre. Autant j'ai profondément aimé certains passages, certains chapitres, autant d'autres m'ont paru superficiels, inconsistants. Il m'est arrivé de ne pas saisir la poésie de son style et de le trouver surtout ennuyeux. D'autres fois, il me fallait mettre quelques signets entre les pages pour me rappeler de beaux passages. Bref, je ne ressors pas avec un sentiment de lecture global. Sans doute est-ce le genre d'oeuvre qu'il faut pouvoir savourer dans un certain état d'esprit, calme, reposé, tout à fait à l'écoute, et sans doute n'ai-je pas toujours su être dans ce quasi-recueillement.

Néanmoins, je reconnais à Yôko Ogawa le talent d'évoquer l'autisme sans jamais le nommer, uniquement par touches et par la grâce de cette métaphore filée des oiseaux. Les personnages des frères, eux-mêmes différents l'un de l'autre, sont sans doute très différents de l'image imposée par la société et pourtant heureux dans leur monde et leur solitude. Elle permet d'envisager l'idée qu'être autiste ne se vit pas forcément comme une maladie mais comme une porte ouverte sur d'autres univers. Cette capacité de l'auteure à offrir le regard et la manière très particulière de ressentir des autismes m'a particulièrement touchée et rien que pour cette délicatesse, le roman mérite d'être lu.

 

 

challenge écrivains japonais.jpgChallenge écrivains japonais chez Adalana

2eme participation

 

 

 

 

 

Match RentreeLitteraire2014_03.pngMerci à Priceminister pour cette nouvelle édition 2014 des Matchs de la rentrée littéraire !