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28/01/2015

Les envoûtés de Witold Gombrowicz

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Les envoûtés de Witold Gombrowicz, Folio, 2011 [1996], 469p.

 

Un de mes petits péchés littéraires coupables est d'aimer frissonner façon vieille école. Autant les thrillers contemporains m'indiffèrent totalement, autant les ambiances old school à base de château sombre, poussiéreux et, si possible, hanté, ont toute mon attention spontanée. Lorsqu'en plus, le dit-château niche dans une forêt touffue et franchement reculée et qu'un noble défraîchi et à moitié fou l'habite, je frétille comme une jeune adolescente qui découvre Dracula pour la première fois. Ça tombe bien : ce sont tous les ingrédients de base du présent roman de Witold Gombrovicz. Et de fait, comment pourrait-il en être autrement ? La volonté même de l'écrivain étant de proposer une vision résolument ironique des romans fantastiques grand public, il ne pouvait que saupoudrer lui-même les topoï du genre pour mieux s'en amuser.

C'est dans la campagne polonaise que tout commence. Ou plutôt dans un train. Prenez un bellâtre désargenté engagé comme entraîneur de tennis pour une jeune fille riche et insupportable, un fonctionnaire coincé du postérieur et un historien d'art ; envoyez les tous trois dans la même pension du fin fond de la Pologne à l'aube des années 40 ; imaginez en outre que la jeune fille riche et insupportable est fiancée au machiavélique secrétaire du noble défraîchi et à moitié fou sus-cité et vous obtenez tous les ingrédients pour un voyage des plus clichés au pays du fantastique qui aurait mangé Hercule Poirot (oui, parce que je dois avouer que, dans cette ambiance, Hercule Poirot m'a VRAIMENT manqué). Tout cela est bien sûr à dessein et c'est ce qu'il y a de délicieux dans les romans ironiques : la double lecture. Si vous êtes d'humeur ramollie, vous pouvez vous délecter sans honte du premier degré de l'affaire. Si vous êtes d'humeur plus chafouine, vous allez rire sous cape du second degré de chaque phrase. C'est déjà plaisant d'avoir en main un bon roman mais quand, en plus, on a un deux en un, il faut saluer bien bas et profiter comme il se doit ! 

Et c'est ce que j'ai fait : j'ai savouré toute ma lecture ! Et très franchement, ça faisait longtemps que je n'avais pas lu un tel volume de pages en si peu de temps. Je ne dis pas que j'ai tout dévoré avec la même avidité, bien sûr. Les passages d'envoûtement amoureux m'ont clairement beaucoup moins séduite que ceux plus mystérieux et diaboliques. On ne se refait pas : je ne suis définitivement pas fleur bleue, encore moins amatrice de passion destructrice aussi incompréhensible que ridiculement grotesque. Pour le coup, ça ne m'amuse pas ni ne me fait frissonner - même si, en l'occurrence, le second degré fait accepter beaucoup de choses. Mais globalement et tout bien considéré, j'ai dévoré ce roman avec un sourire aux lèvres presque constant. Et si j'ai lu certains blogueurs exprimer une déception quant à l'issue de l'intrigue - soulignons que la fin n'a été retrouvée que très tardivement après la première parution du roman - je l'ai, pour ma part, trouvée en parfaite cohérence avec le projet ironique de l'auteur.

Résumons donc : une très bonne découverte et une très bonne surprise ! Il fallait bien un swap avec Charline pour me le mettre entre les mains. Merci ma super doucette, pour la régalade !

23/01/2015

Le peintre d'éventail de Hubert Haddad

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Le peintre d'éventail de Hubert Haddad, Folio, 2014, 180p.

 

Matabei fuit la ville, son quotidien de peintre brillant et un accident terrible dans la contrée reculée d'Atôra. Il vient se lover dans dans l'écrin d'un jardin fascinant et retrouve peu à peu la quiétude des jours oubliés. Il déambule et ne pense à rien. La nature a elle seule est pleine des émerveillements et des douceurs qui poussent à la vie. A travers ces fleurs, Matabei devine peu à peu un être presque transparent : Osaki, le jardinier, et peintre d'éventail secret en sa modeste demeure naturelle. A ses côtés, Matabei apprend l'art fugitif des impressions à peine saisies, ainsi qu'il l'apprendra plus tard à Hi-Han.

"Peindre un éventail, n'est-ce pas ramener sagement l'art à du vent ?" (p.45)

Que tout serait parfait dans la permanence de ces jours simples, entre la terre et le pinceau... Si seulement les jardins ainsi suspendus échappaient aux catastrophes de l'ère des hommes et n'avaient pas à souffrir, encore ; à être noyés impitoyablement sous la boue explosives et les tremblements... 

"Trempée de rosée
dans les parfums de cent fleurs -
tu t'éveilleras"
(p.167)

 

En lisant ce roman, nous acceptons d'être Matabei. Ainsi, les jours se suivent et nous contemplons le jardin. Les évocations jamais ne se ressemblent. Nous emplissons nos poumons de l'air frais d'Atôra, des parfums de Dame Hison et de l'art délicat d'Osaki. Chaque chapitre, très court, est une promenade dans ce labyrinthe inatteignable, siège de l'émotion, des impressions et des passions harassantes.

A cet esprit contemplatif, tout à fait japonais et plein de haïkus délicieux, Hubert Haddad mêle les chatoiements exigeants et étoffés de la poésie occidentale. Le peintre d'éventail est, à mon sens, le mariage subtil et réussi de l'impermanence aérienne de l'art oriental et du velours occidental. Peindre le presque rien, l'éclat d'un morceau de soleil sur un pétale de rose ou l'horreur indicible de la perte absolue en un déferlement de participes ou dans les plaisirs des exclamations, des adjectifs accumulés à loisir : voilà un défi d'importance que l'auteur relève et surpasse avec le talent d'un peintre d'éventail. Et comme toute œuvre de talent, le cœur du lecteur se soulève en même temps que la terre au fil du récit, car ce ne sont pas seulement les yeux qui se régalent des mots sur le papier ; c'est l'être tout entier qui vit au contact du texte.

Un texte plein de "maîtrise et de grâce" comme le dit joliment - et justement - la quatrième de couverture qu'il convient de savourer pour mieux se laisser emporter.

 

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Tawaraya Sotatsu (1600-1643)

 

L'art dans tous ses états.jpgChallenge L'art dans tous ses états chez Shelbylee

6eme lecture

17/01/2015

L'étranger d'Albert Camus

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L’étranger d'Albert Camus, Folio, 1972 [1942], 186p.

 

L'histoire est connue de tous, aussi je serai brève. Je dois faire partie des rares littéraires à avoir louvoyé pendant toute sa scolarité pour passer entre les mailles du filet de ce roman... Il était pourtant temps de s'y frotter ! L'étranger est, après tout, un classique incontournable.
Et l'étranger en question est Meursault. Non pas en son pays mais en sa vie même. Meursault traverse les jours avec une indifférence désarmante. On trouverait plus de vagues sur la Méditerranée un jour sans vent ! Sa mère meurt, tel est le point de départ du roman. Le jour importe peu, c'est surtout du dérangement. Meursault ne sait pas quoi dire ni comment agir. Il semble que la société obéisse à des règles tacites dont il est exclu. Amour, haine, tristesse : tout cela lui est inconnu. Il n'a pas non plus de système de valeurs. Aussi, aider un voisin passablement pourri, violent et misogyne à battre une jeune femme qui l'a quitté ne lui pose aucun problème moral. Sa maîtresse Marie lui demande s'il l'aime et veut l'épouser ? Meursault répond qu'il ne croit pas l'aimer mais il veut bien l'épouser si cela lui fait plaisir. Indifférence, indifférence... La seule chose qui semble pénétrer un peu cet étrange protagoniste, c'est le soleil. Ce dernier va finir par lui jouer un sale tour. A force de traverser sa vie en spectateur, Meursault sera poussé au meurtre. La passivité et le soleil de plomb comme déclencheurs du meurtre : situation absurde par excellence. Et tandis que Meursault ne comprend toujours pas et n'est touché par rien, ceux qui s'occupent de le juger pour ce crime ne le comprennent pas non plus. Et le procès de dériver en une spirale infernale où l'on ne juge plus un meurtre mais une vie toute entière.

On ne va pas se mentir : je me suis terriblement ennuyée. En tout cas, la première partie du roman où il est question de dérouler la vie de Meursault et d'exprimer de manière criante son indifférence à vivre - seul, en société, dans son rapport au temps. L'avantage d'avoir lu tardivement ce roman, c'est que j'en connaissais la trame, de même que la philosophie qui la sous-tend. Ça ne m'a pourtant pas aidée à prendre plaisir à ma lecture. J'ai expérimenté à cet endroit, comme cela m'est arrivé à d'autres, cette dichotomie entre le cerveau de lettreuse qui voit les qualités et mes tripes de lectrice qui végètent à s'en pendre avec une corde à linge.
La deuxième partie est néanmoins mieux passée. Dans celle-ci, il ne s'agit plus seulement de montrer l'absurdité de la vie mais d'agir en toute conscience. Meursault ne cherche pas vraiment à se battre : on ne se bat pas face à l'absurde. C'est simplement un fait, une évidence. Par contre, on peut vivre malgré tout en le sachant. On peut relever le défi d'être heureux dans une existence qui n'a pas vraiment de sens. Ce meurtre, c'est la vie. Et Meursault se découvre une soif de recommencer au contact de son exécution imminente. Lui qui était indifférent à la mort de sa mère comprend celle-ci dans ces derniers instants.
En outre, le procès de la société est éloquent. Meursault n'est pas jugé pour son crime mais pour ce qu'il est, pour ne pas réagir comme tout le monde, pour avoir une conscience aiguë de l'absurdité de la vie. Il est jugé pour ne pas chercher, comme la plupart des gens, à s'oublier dans une cause, dans une croyance ou dans un groupe. 

S'il fallait synthétiser L'étranger, je dirais qu'il offre une vision romanesque de la philosophie camusienne exprimée dans Le mythe de Sisyphe. De ce point de vue théorique et réflexif, il est effectivement un classique à avoir lu. A cet égard, je vous renvoie à une excellente étude du roman en ce sens ici. Mais puisque je ne suis pas ici pour faire une dissertation en trois parties, bien plutôt pour laisser s'épancher ma subjectivité de lectrice, je ne m'étendrai pas là-dessus. J'ai lu le roman, je ne mourrai donc pas stupide. Mais franchement, si je n'en avais pas eu la quasi obligation professionnelle, je n'aurais pas dépasser la cinquième page comme cela avait déjà été le cas lors de mes deux précédentes tentatives. Ce style dépouillé, d'une blancheur extrême... L'impossibilité radicale de saisir quoi que ce soit, d'accrocher quoi ce soit... Tout cela est évidemment à dessein, j'entends bien. Mais cela a aussi pour conséquence d'avoir été, pour moi, d'un ennui absolument décapant. Les seuls romans à m'avoir autant ennuyée doivent être L'éducation sentimentale et Le lys dans la vallée, c'est pour dire. Heureusement pour moi, Camus a joué la brièveté, j'ai donc pu sortir de ce traquenard avant la Saint Glinglin.

Bon ben, une expérience plutôt ratée pour moi, donc, même si j'ai plus apprécié la seconde partie. Comme on dit, on ne peut pas tout aimer !

 

PS : Au début de la chronique, je mentionnai que j'allais être brève. Bon ben, c'est raté hein. Désolée, l'ami. 

 

 challenge-des-100-livres-chez-bianca.jpgChallenge les 100 livres à avoir lus chez Bianca

19eme lecture

 

 

 

 

challenge melange des genres.jpgChallenge Mélange des genres chez Miss Léo

Et hop un classique français du XXeme siècle !