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28/02/2015

Pietra Viva de Léonor de Récondo

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Pietra Viva de Léonor de Récondo, Points, 2015, 182p.

 

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En 1505, Michel Ange est déjà un artiste renommé. Il est aussi un être secret et silencieux, qui observe avec l'admiration de la plus parfaite beauté le moine Andrea tandis qu'il étudie l'anatomie. Lorsque ce dernier décède brutalement, Michel Ange décide, à son tour, de s'en aller : ce sera Carrare, la ville aux splendides carrières de marbre, afin d'ébaucher le tombeau de Jules II.

Décidément, Michel Ange inspire bien des auteurs ces dernières années. Toute cette personnalité à la fois torturée et prétentieuse, pleine d'un génie qui n'a d'égal que son arrogance insupportable semble fasciner les écrivains qui vont tantôt y chercher les failles, tantôt y polir les idées reçues. A l'énigme d'un artiste répond alors l'imagination d'un autre. Dans Pietra Viva, Léonor de Récondo propose un Michel Ange humain, éminemment complexe dans sa simplicité ; un Michel Ange embourbé dans une solitude de longue date qui l'a blessé puis qu'il a apprivoisé au point de la réclamer avec ardeur et virulence. Ce que Michel Ange a sculpté, c'est d'abord sa propre forteresse pour se protéger des souvenirs douloureux et des blessures du présent. Aussi, la pierre vive de ce roman, c'est peut-être autant le marbre que déniche le sculpteur que la chair même de l'homme qu'il doit creuser pour se comprendre, qu'il doit rouvrir à la lumière pour être libre dans sa création.

On a beaucoup mis en avant dans ce court roman le parti pris de Léonor de Récondo de privilégier l'homme à l'artiste. Pour ma part, il ne me semble pas que cette dichotomie soit pertinente. L'un existe-t-il décemment sans l'autre ? Parler de l'homme, de ce qu'il vit et a vécu et de la manière dont tout cela l'a façonné, n'est-ce pas, exactement, parler de l'artiste ? Il me semble que la plus grande intelligence de l'auteur est précisément de relier ce qu'on a tendance à diviser avec une belle langue, à la fois incisive et poétique, qui trace un grand cercle lumineux entre passé et présent, entre homme et art, entre pierre et peau. J'ai apprécié, en outre, la modestie avec laquelle elle observe le maître ; modestie qui a, fréquemment, inspirée une distance désagréable à certaines lectrices. Pour ma part, cette impression de lire à travers un écran cristallin m'a bercée d'une douce intemporalité qui participe de la séduction de l'ensemble. Après tout, Michel Ange fait homme n'en reste pas moins Michel Ange : un être à part, un éclat de divinité dans un corps inspiré.

 

Merci à Mina pour cette jolie découverte grâce à notre récent swap  !

 

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L'art dans tous ses états.jpgChallenge L'art dans tous ses états chez Shelbylee

7eme lecture