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26/06/2015

Portrait de lectrice

J'ai découvert ce tag copieux mais surtout très intéressant chez Moka (que je découvre tout court depuis, d'ailleurs), comme une manière de se dessiner en tant que lectrice à travers quelques us et coutumes liés au livre, puis l'ai d'autant plus apprécié chez ma copinette Mina que j'aime découvrir toujours plus. En réponse à mon commentaire, elle m'a demandé si je le ferais ; et me suis dis "pourquoi pas" !

1. Plutôt corne ou marque-page ?

Surtout pas corne, pas du tout marque-page non plus pendant de nombreuses années durant lesquelles j'usais de tout et n'importe quoi pour signer mes étapes de lecture, et particulièrement des cartes postales de vacances qui trainaient sur mon frigo.
Et puis la magie des blogs et des swaps a fait son oeuvre : à force de recevoir régulièrement des marque-pages tous plus charmants les uns que les autres, ça a fini par devenir une petite addiction. Il est rare aujourd'hui que je sorte d'une librairie ou d'un musée sans un marque-page et je prends toujours un petit plaisir (inutile, c'est pour ça qu'il est bon) à choisir mon marque-page en fonction du livre que j'entame.

2. As-tu déjà reçu un livre en cadeau ?

La question semble évidemment ridicule ; cela dit, j'ai constaté que beaucoup de gens sont très réticents à m'acheter des livres, connaissant mon exigence, mes goûts parfois surprenants ou contradictoires et la masse de titres déjà présents sur mes étagères. Il me faut donc souvent les inviter très fort à ne pas hésiter à se lancer dans cette aventure ;)

lecture bain.jpg

3. Lis-tu dans ton bain ?

Absolument, quand bien même j'ai déjà fait tremper un livre à l'occasion (mais on s'en fout, c'était un mauvais Tatiana de Rosnay). J'évite d'y aller avec ma liseuse par contre : je ne suis pas totalement stupide.

4. As-tu déjà pensé à écrire un livre ?

J'y pense même régulièrement pour tout vous dire. Mais j'ai par contre totalement arrêté de m'y forcer et ce n'est plus non plus un "rêve". L'écriture fait partie de ma vie. Régulièrement. Que je parvienne à finir un jour quelque chose, à lui donner une allure suffisamment à la hauteur de mon regard critique plutôt acerbe et qu'il soit un jour édité, c'est une autre paire de manches. Et seul l'avenir le dira. Je ne me mets aucune pression sur la question.

5. Que penses-tu des séries de plusieurs tomes ?

Je n'en pense rien, ni en bien ni en mal. Je peux seulement vous dire que je n'en suis pas lectrice (je n'ai même pas lu Harry Potter, figurez-vous!). J'ai un peu de mal avec ce qui n'en finit pas, en fait. Comme dirait l'autre, c'est la limite qui donne le sel à l'existence. Mais il ne faut jamais dire jamais ! Je tomberai peut-être un jour dedans, qui sait !

6. As-tu un livre culte ?

Pour citer Mina, même si je n'en suis pas à son niveau d'addiction critique autour de cette œuvre, je dirais "Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, encore et toujours". Je l'ai relu tous les ans pendant de nombreuses années ; je pense que c'est un des romans que je connais le plus en détails et que j'ai le plus apprécié étudier et questionner à l'université. Je suis tout aussi fan de son adaptation cinématographique par Stephen Frears.
"L'un des romans que je connais le plus" disais-je, le second étant Mrs Dalloway de Virginia Woolf (à qui je voue un culte sans borne comme vous commencez à le savoir). Je l'ai étudié pour mon mémoire de M1 pour mon plus grand plaisir (et mon plus grand désarroi face au génie insondable de Woolf pour un esprit aussi normal que le mien).
Enfin, pour plonger un peu dans la poésie, il me faut citer Les fleurs du mal de Baudelaire sans qui j'en serais restée au plaisir de lire. Avec lui, en 4e, j'ai découvert la joie de la littérature (et Dieu sait qu'aimer lire et aimer la littérature sont deux choses bien différentes.)

madamebovary.jpg7. Aimes-tu relire ?

Peu. Je l'ai fait par obligation pour mes deux mémoires de recherche (mais puisqu'il s'agissait d’œuvres que j'aimais tout particulièrement et que je trouve extrêmement riches, je ne l'ai pas mal vécu, of course).
Pour faire simple, il y a tant de livres que je brûle de découvrir que j'ai beaucoup de mal à retourner vers un de ceux que je connais déjà. Pour que je le fasse, il faut vraiment que j'aie saisi quelque chose de crucial dans le titre en question. Et évidemment, ça m'est rarement arrivé. (Cela concerne, outre les 3 livres cités dans la réponse 6 et ceux de mes mémoires, L'assommoir de Zola, Les vagues de Woolf, Madame Bovary de Flaubert, Gatsby le magnifique de F.S.Fitzgerald. Et je crois que c'est tout - du moins, je n'en ai pas d'autres qui me viennent à l'esprit.)

8. Rencontrer ou ne pas rencontrer les auteurs de livres qu’on a aimés ?

Beaucoup d'auteurs que j'aime sont morts, c'est balo. Mais j'ai apprécié les rencontres avec Annie Ernaux et Pierre Michon.

9. Aimes-tu parler de tes lectures ?

Bien sûr que non. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai ouvert un blog : pour ne pas en parler.

10. Comment choisis-tu tes livres ?

De manières diverses et variées. Lorsque j'ai l'occasion d'aller en librairie, à l'impro, quasiment toujours (je n'y vais jamais avec une liste d'envie), en fonction de ce que m'inspire la couverture, puis la quatrième de couverture puis (examen déterminant) l'incipit. C'est le style de l'auteur qui me fait choisir un livre ou pas. Lorsque je commande sur internet, c'est plutôt en fonction de titres repérés ici ou là sur les blogs, de conseils de lecture, d'une envie suscitée par une lecture précédente etc. Toute raison est bonne pour venir à la rencontre d'une livre !

11. Une lecture inavouable ?

Je dirais non dans la mesure où je chronique tout ce que je lis. Je dirais non, aussi, dans la mesure où, si c'était le cas, je ne répondrais pas à cette question.
 
 

12. Des endroits préférés pour lire ?

Mon lit - cet endroit étant associé à un instant particulier : le matin de mes jours de week-end, avec un thé et des toast au nutella. J'aime me réveiller en silence et en lecture.
Sinon, mon hamac king size dans la bibliothèque.

les vagues woolf1.jpg13. Un livre idéal pour toi serait…

Un livre de Virginia Woolf.

14. Lire par-dessus l’épaule ?

J'aime bien regarder ce que lisent les gens autour de moi furtivement ; beaucoup moins qu'on regarde par-dessus mon épaule. (Aucune contradiction là-dedans)

15. Télé, jeux vidéo ou livre ?

Je n'ai pas de télé et je n'ai jamais joué aux jeux vidéo. Livres, donc, et c'est tant mieux.

16. Lire et manger ?

Petit-déjeuner lorsque je lis le matin ; chocolat avec le thé l'après-midi.

17. Lecture en musique, en silence, peu importe ?

Quasiment tout le temps en silence, sauf avec les BD ou les romans de seconde zone que je bouquine pour me détendre les neurones.

18. Que deviendrais-tu sans livres ?

L'incarnation de l'ennui (d'ailleurs, quand je suis dans une période de panne de lecture - ça m'est arrivé l'été dernier pour la dernière fois - je suis totalement désœuvrée et je cherche désespéramment le livre qui me fera sortir de l'ennui)

19. Tu achètes un livre sur le Net et tu le reçois un peu abîmé. Que fais-tu ?

Je me dis que c''est le jeu, ma pauvre Lucette.

20. Quel est l’élément qui t’a donné le goût de la lecture ?

C'est une bonne question. Je me rappelle quand m'est venu le goût de l'écriture (dès que j'ai appris à écrire, en fait.), quand m'est venu le goût de la littérature (comme je l'ai dit en question 6) mais le goût de la lecture, je n'en ai aucun souvenir. Sans doute que le goût de l'écriture puis le goût de la littérature m'ont naturellement poussée à lire - par la force des choses. Une chose est sûre : je n'ai pas aimé lire depuis ma plus tendre enfance. Je suis devenue progressivement une lectrice puis une grosse lectrice.

liaisons dangereuses frears.jpg21. Que penses-tu de toutes ces adaptations cinématographiques ?

Je n'en pense rien de particulier, comme ça, de but en blanc et de manière générale. Tout dépend de l'adaptation.

22. Si tu ne devais retenir qu’un seul personnage rencontré dans tes lectures, lequel serait-ce ?

Voilà une question franchement épineuse qui va laisser sur le carreau bon nombre de personnages que j'affectionne. Mais puisqu'il faut n'en retenir qu'un, je prendrais celle (car c'est une femme) qui m'accompagne régulièrement au gré de mes relectures, à savoir Mrs Dalloway.

23. Quels sont les cinq livres de ta PAL qui te font le plus envie ?

  • Le Paradis Perdu de John Milton, mis en roman graphique par Pablo Auladell (rien que la couverture est une beauté)
  • Vint mille lieues sous les mer de Jules Verne (figurez-vous que je n'ai jamais lu Jules Verne ! Je compte bien y remédier prochainement !)
  • Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier (offert par Topinambulle)
  • All Clear de Connie Willis (offert par Miss Léo - j'ai hâte de connaître la suite de mes voyageurs temporels préférés ! )
  • La vérité sur l'affaire Harry Québert de Joël Dicker (Ok, je triche : il n'est pas dans ma PAL mais une amie m'en a tellement parlé qu'il ne devrait pas tarder à l'y rejoindre et à être lu !)

24. Si tu ne pouvais plus lire qu’un seul type de livre, lequel serait-ce ?

Mon coeur balance entre les romans et la poésie. Mais je crois que je prendrais au final les romans.

25. Comment classes-tu tes livres dans ta bibliothèque ?

Par genre : philosophie, histoire, spiritualités, BD, Beaux-Arts et Littérature puis par ordre alphabétique. Je n'ai pas encore assez de livres (quoi que...) pour distinguer les genres littéraires mais j'y viendrai sans doute par la suite lorsque ce sera le cas.
 

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26.Livres papier ou ebook ?

Les deux avec une préférence Ô combien supérieure pour le papier. Je me suis fait offrir il y a deux ou trois ans un Kindle sur lequel je ne lis finalement que peu. Je prévoyais d'y lire moult classiques gratuits (il n'a jamais été question de payer pour un livre numérique, vous pensez bien) mais cela reste au final très épisodique et pour des romans très courts. Je déteste la longueur sur ebook ; j'ai la désagréable impression que le livre n'en finit pas ; et une partie de mon plaisir de lecture disparait très clairement. J'ai voulu profiter de la technologie mais le résultat est sans appel : je suis définitivement une lectrice de papier.

27. Que fais-tu de tes livres une fois lus ?

Je les range dans ma bibliothèque (jusqu'il y a peu, je revendais ceux qui ne m'avaient pas vraiment plu mais la revente sur internet est devenue ridicule avec l'augmentation des frais postaux.). Plus rarement, j'en fais un ragoût avec du lard et des petits oignons.

28. Connais-tu la règle de la page 99 ? Et si oui, est ce que tu l’appliques parfois à tes lectures ?

Bon alors, je connais la règle de la page 99 en bibliothèque, puisque je l'ai pratiqué, qui consiste à appliquer le tampon de la dite-bibliothèque sur tous les livres lui appartenant toutes les 99 pages mais je ne crois pas ce soit ici la question.
Je viens donc d'aller chercher de quoi il s'agit sur internet et il faut tout de même avouer que c'est un des trucs les plus stupides que j'ai jamais lu concernant la manière de choisir ses lectures.

29. Quel est, parmi toutes tes lectures, ton « méchant » préféré ?

Aha ! La Marquise de Merteuil, bien sûr ! Parce qu'elle est subtilement "méchante", parce qu'elle a la méchanceté profonde, inventive, complexe et brillante. (Si tant est que l'on puisse parler de méchanceté).

30. Que penses-tu des challenges littéraires ?

Je les apprécie à partir du moment où ils sont l'occasion d'un échange intéressant et vif entre blogueurs (comme c'est le cas du mois anglais ou du moins belge par exemple). A partir du moment où ils sont l'occasion de découvrir personnalités et ouvrages divers et variés.
Mais je me lasse de plus en plus des challenges lancés par des blogueurs qui ne suivent rien par la suite, qui ne commentent jamais les articles proposés et dont on se demande, en fait, à quoi ils servent. C'est pour cela que je fais régulièrement le tri de mes challenges en cours : quand bien même ils ne sont pas finis officiellement, dès lors que je m'aperçois qu'ils ne m'apportent rien du tout, je les enlève. Cela me fait d'ailleurs penser que je n'ai pas fait ce tri depuis un moment. Je vais m'y coller après la fin de ce tag, tiens.

31. Quel est le livre que tu as le plus détesté ?

Mince alors, la question est difficile. Il y aurait eu, encore récemment, quelques classiques lus trop jeunes mais que j'ai relus dernièrement et que j'ai fort appréciés. C'était donc sans doute une question de maturité. Celui qui me vient à l'esprit, mais ce n'est pas vraiment de la détestation, plutôt un genre qui ne me convient pas, c'est Un roi sans divertissement de Jean Giono. Trop oral et trop absurde pour moi.
Ah, si, ça y est ! Je sais celui que j'ai parfaitement détesté ! J'en parlais encore il y a quelques semaines avec un collègue : l'insupportable Ô vous frères humains d'Albert Cohen. Sans déconner, faut arrêter l'apitoiement qui vire à la masturbation complaisante. Je n'ai jamais lu un bouquin qui me donne autant envie d'aller claquer le museau de l'auteur.

32. Tes derniers coups de cœur littéraires ?

Rien de plus simple : il suffit de cliquer sur la rubrique "coups de cœur" à droite :D
Mais en avant-première, un coup de cœur que je n'ai pas encore publié : Amours de Léonor de Récondo. Un roman absolument magnifique que j'ai dévoré en une soirée (ce qui ne m'était pas arrivé depuis fort longtemps). A la fois poétique et bestial, délicat et cruel. Quelle beauté et quelle sensibilité ! Je suis complètement emballée. Dès qu'il sortira en poche, je l'offrirai abondamment.

Jonathan_strange_and_mr_norrell_cover.jpg33. Quel livre lis-tu en ce moment ?

J'en lis deux, en fait. Un bref historique de la dynastie des Tudors par Liliane Crété aux éditions Champs Histoire, que j'ai acheté la semaine dernière en visitant l'exposition sur la dite-dynastie au Musée du Luxembourg. Évidemment très bref et donc très elliptique, j'apprécie néanmoins le soin apporté par l'auteure au récit des bouleversements religieux occasionnés par les souverains successifs entre Henri VII et Elizabeth 1ere.
Et puis, je suis plongée depuis deux ou trois semaines dans l'opulent Jonathan Strange et Mr Norrell de Susanna Clarke (qui ne sera pas fini pour le mois anglais puisque je n'ai lu que 600 pages sur les 1200) où il est question de magie au tout début du XVIIIème siècle. Parfaitement divertissant et plutôt bien écrit ! Une fois le roman terminé, je passerai à la série adaptée qui vient de sortir et qui promet !

10:28 Publié dans Tag | Lien permanent | Commentaires (20)

22/06/2015

Le récital des anges de Tracy Chevalier

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Le récital des anges de Tracy Chevalier, Folio, 2003, 434p.

 

Voilà, j'ai loupé la LC Tracy Chevalier de ce mois anglais. La faute à un week-end parisien : quel dommage :D Cela dit, je réussis du coup à publier mon billet un an jour pour jour après le dernier en date de cette auteure sur le charmant Prodigieuses créatures. C'est ce qu'on appelle les hasards insignifiants (et pas follement passionnants non plus, j'en conviens) de la vie que j'aime bien souligner, à l'occasion.

Pour ce roman, le troisième dans la bibliographie de l'auteure, Tracy Chevalier plante le décor dans cette époque charnière qu'est le tout début du dix-neuvième siècle ; ce fameux temps du roi Edouard joliment immortalisé entre autres par Vita Sackville-West. Le roman s'ouvre en janvier 1901, le jour de la mort de la Reine Victoria. Comme de coutume, les familles en deuil se rendent au cimetière, sur la tombe familiale. C'est là que se rencontrent les Waterhouse et les Coleman et leurs deux filles de cinq ans, Lavinia et Maude. Pourtant très différentes, elles deviennent inséparables et complémentaires. Les meilleures amies du monde, en somme. Cette complicité de chaque jour s'accentue lorsqu'elles deviennent voisines. Malheureusement, les deux mères ne s'entendent que peu. Gertrude Waterhouse est très conservatrice tandis que Kitty Coleman est de ces femmes qui aspirent à plus que la condition de femme au foyer corsetée. Elle trouve une échappatoire dans la passion puis dans la cause des suffragettes, l'une et l'autre accaparant dangereusement son temps et son esprit. Kitty Coleman a besoin de se fondre dans plus grand qu'elle pour oublier un vide et une forme de médiocrité quotidienne qui l'engluent. Pendant ce temps, les années passent et les filles grandissent. Les différences se font sentir progressivement, jusqu'à ce qu'un beau jour, le glas sonne à nouveau pour signifier la mort du roi Édouard. A cet instant, de l'eau aura déjà coulé sous le pont de l'amitié...

Je suis décidément bien bon public avec Tracy Chevalier. Parce que, même si j’ai globalement apprécié cette nouvelle lecture, il ne faut pas pour autant se mentir : ça ne casse pas trois pattes à un canard. Je me suis d’ailleurs demandé si j’allais poursuivre après la lecture des premières pages. Elles n’annonçaient pas grand-chose d’autre qu’un roman choral tout ce qu’il y a de plus classique voire un poil ennuyeux tant les considérations de chacun des personnages frôlent le degré zéro de la banalité. Pourtant, je ne sais quels ingrédients magiques distille Tracy Chevalier au cœur de toute cette superficialité pour que je m’attache malgré tout à ces consciences de papier, pour que j’aie envie de les suivre, de les regarder vivre et être au gré du siècle en train de se faire. Finalement, j’étais prise, banalité ou pas. Et j’ai aimé suivre le roman, même si j’y vois objectivement plus de défauts que de qualités – le défaut principal étant, à mon sens, de représenter de manière beaucoup manichéenne et dramatique la mutation du dix-neuvième siècle victorien vers un vingtième siècle sous bien des aspects révolutionnaire. Le trop est l’ennemi du bien, surtout en littérature. Mais, après tout, l’essentiel, c’est qu’il m’ait eue, ce qui prouve qu’au-delà des imperfections se dessinent une certaine intelligence narrative et, surtout, une douceur délicate qui installe le lecteur dans un coton paisible au sein duquel il se laisse transporter.

 

Logo mois anglais 2015.jpgLe mois anglais 2015 de Lou, Titine et Cryssilda

6eme lecture

18/06/2015

Dark Island de Vita Sackwille-West

Dark Island.jpg
Dark Island de Vita Sackville-West, Le livre de poche, 2013[1934], 325p.

 

*Instant www.mylifedelectrice.com*

C'est il y a deux ans, si ma mémoire est bonne, que j'ai fait connaissance avec l'écrivain qu'est VSW. Jusqu'alors, elle était pour moi un personnage important de la vie de Virginia Woolf, rien de plus. Point de vue un brin condescendant, j'en conviens. Savoir que Woolf l'appréciait en tant qu'être mais avait tendance à juger trop superficielle sa littérature ne m'a jamais incitée à pousser plus loin le bouchon.
Et puis, lors d'un mois anglais tout pareil à celui que nous fêtons en ce moment de nos articles en tous genres, j'ai découvert moult articles sur les romans de VSW et notamment sur Dark Island ; je me rappelle notamment avoir été interpelée par le billet très enthousiaste de Shelbylee. Aussi, quand elle proposa de le remporter lors de l'anniversaire de son blog, je me suis inscrite sans hésiter et hop, quelques jours plus tard, il était dans ma boîte aux lettres.
Cela fait donc un bon moment qu'il trône dans ma PAL. J'ai lu un autre VSW entre temps, que je savais plus léger, pour palier à un manque de Downton Abbey et je l'avais grandement apprécié. Il était donc temps que je m'y colle à nouveau (d'ailleurs, depuis, j'ai accumulé deux VSW supplémentaires. Rahhhh). J'attendais simplement le bon moment, car je sentais une pointe de noirceur et de complexité nouvelles dans Dark Island, que je ne voulais pas louper. Et voici le moment arrivé ! 

*Instant clôt. Passons maintenant aux choses sérieuses*

Cette dark Island, c'est évidemment l'île de Storn qui attire bien des vacanciers mais qui, surtout, fascine Shirin. Chaque été, elle l'admire de loin, ne voulant pas toucher cet espace sacré, au risque d'éclater la bulle du paradis. Pourtant, l'été de ses seize ans, elle rencontre le futur maître des lieux, Venn Le Breton et l'échange de cet unique jour fait déjà des étincelles. Elle le reverra dix ans plus tard, fraîchement divorcée et mère de quatre enfants. Ils se marieront en quelques jours et poursuivront ainsi un triangle amoureux étrange, malsain et passionnel avec cette île sauvage. De dizaine en dizaine, Shirin est à la fois toujours la même - profondément indépendante, lointaine, éblouissante - et de plus en sombre et mélancolique. Venn, à force de jalousie et de violence, brise une à une les attaches qui maintiennent Shirin à la surface de la vie : son île, son amie Cristina. Entre l'un et l'autre, se nourrit une haine destructrice dont on sait dès les premières pages du roman qu'elle aura une issue dramatique.

Je ressors perplexe de cette lecture, ne sachant trop dire à quel point je l'ai appréciée. Je l'ai appréciée, la chose est sûre. Mais le plaisir a été malgré tout fluctuant, tantôt hésitant, tantôt très enthousiaste. Il faut vous dire, tout d'abord, que Shirin est typiquement de ces personnages féminins que je déteste. Je ne comprendrais jamais comment on peut confondre à ce point avoir de la personnalité et être une égoïste insensible. Comment on peut trouver hautement séduisant celui ou celle qui se plaît à vous piétiner. Cet espèce d'aveuglement masochiste me laisse à penser qu'en tout cas, celui ou celle qui trouve cela délicieux manque clairement, lui, de personnalité. (A noter que l'un des personnages dans ce cas se fait quand même surnommer paillasson ou tapis de cheminée - je ne sais plus exactement, pardonnez-moi - pour son plus grand plaisir. Tout un poème). Voilà donc l'un des ingrédients le moins agréable à mon goût : cette Shirin pénible, dont l'obscurité m'a semblé d'une superficialité bourgeoise. Quand bien même tous les personnages ainsi qu'elle-même semblent lui trouver une source existentielle profonde, j'y ai vu pour ma part la profondeur d'un dé à coudre. Je lui recommanderais avec force et plaisir une paire de gifles parfumée à la violette pour rasséréner un peu son insensibilité de déesse feinte. 

Par contre, la découverte d'un nouvel aspect de l'écriture de VSW a été un enchantement ! En 1934, VSW et VW se connaissent depuis douze ans. Douze années pendant lesquelles elles ont échangé un grand nombre de lettres aux sujets divers et où la littérature, entre quelques potins mondains et quelques déclarations ambigües, avait nécessairement sa place. Ces douze années, indéniablement, se sentent dans ce Dark Island où les flux de consciences se meuvent abondamment pour livrer une intériorité nouvelle chez les personnages. Jusque là, je connaissais une VSW capable de retranscrire une époque à merveille, d'un éclat et d'une frivolité tranchante. J'ai vu ici comment l'échange avec Woolf avait progressivement ancré ses pas chassés si agréables sur le socle passionnant et sinuant des âmes et sur la longue ligne du temps - tout comme l'échange avec VSW a permis à Woolf d'écrire un Orlando drôle, enlevé, d'une originalité farfelue et décomplexée telle qu'on se plait à sourire franchement à sa lecture. Quel plaisir, vraiment, de lire à quel point une relation tout ce qu'il y a de plus humaine peut donner des fruits littéraires aussi passionnants.
Pour revenir à Dark Island donc, VSW fait suivre à son lecteur, sur quatre décennies, des instants particuliers de Shirin et de ses satellites, en une suite alternée de discours direct, indirect, indirect libre, de flux de conscience et de narration interne ou externe : hop ! en veux-tu, en voilà, je te donne un peu de tout et à toi de voguer, lecteur, sur les vagues fracassantes de l'île britannique la plus attractive et la plus dangereuse. Si ce n'est pas toujours évident de se retrouver dans certains passages dans le creux de la vague (on ne le dira jamais assez : le risque fréquent du flux de conscience, c'est l'ennui), ou dans le flou artistique des faits et pensées, le roman se lit malgré tout de manière plutôt fluide - soyons clairs : si je parle d'influence claire de Woolf, Dark Island n'est pas du Woolf. Il se lit donc bien plus facilement.

D'un point de vue littéraire, Dark island est indéniablement un beau voyage. Il me fait prendre conscience d'une complexité de VSW que je n'avais pas soupçonnée et d'une capacité à moduler, évoluer tout en développant une voix propre et percutante - j'aime ce côté cinglant, cette intelligence du regard social chez VSW. J'ai évidemment envie de lire prochainement ses autres romans dans ma PAL, mais je crois que je vais également craquer pour sa correspondance avec Woolf sans trop attendre. Et que je vais aussi lire prochainement un nouveau Woolf. Oui, je sais : je lis VSW et je reviens encore à Woolf. Tout mène à Woolf, ce n'est pas ma faute...

 

"Finalement, sa situation était totalement extravagante. Être installée là, avec ses inconnus pourtant si proches d'elle. Me voilà comme Alice, assise entre le griffon et la tortue fantaisie. Était-elle condamnée à les retrouver là chaque soir pour le restant de sa vie ? Mais la permanence ou la durée ne signifiaient rien pour elle et elle haussa les épaules, soucieuse comme toujours de ne pas s'enfermer dans ses pensées, selon sa devise "Ici aujourd'hui, demain ailleurs." Elle resterait elle-même, quoiqu'il arrive. Ce serait sa seule fidélité." p. 164

(Sans déconner : Woolf ou pas Woolf ?!)

 

logo mois anglais 2015 3.jpgLe mois anglais 2015 de Lou, Titine et Cryssilda

5eme lecture

LC autour d'une auteure du XXème siècle