25/11/2015
Un thé dans la toundra de Joséphine Bacon
Un thé dans la toundra - Nipishapui nete mushuat de Joséphine Bacon, Mémoire d'encrier, 2013, 95p.
Il manquait deux ingrédients primordiaux à ce mois québécois sur le blog : une pincée de poésie ; un soupçon de littérature amérindienne. Je fais d'une pierre de coup avec ce charmant recueil de Joséphine Bacon, publié quatre ans après Bâtons à message. Comme disent bien des auteurs, celui qui écrit ne cesse au fond jamais de composer le même livre à l'infini. Un thé dans la toundra illustre parfaitement cet adage tant on retrouvera cette importance identitaire de la terre et la valeur performative et dynamique de la parole déjà explorées dans le premier recueil.
Toutefois, là où Bâtons à message me semblait mettre à l’œuvre le processus identitaire, révéler les failles et beautés du chemin tour à tour, Un thé dans la toundra offre la sérénité du chemin abouti. Sans doute n'y a-t-il jamais vraiment de "but" atteint lorsqu'on parle de retrouver et de créer à la fois une identité autochtone contemporaine ; mais Joséphine Bacon nous livre tout du même dans ce dernier recueil une nouvelle étape du cheminement, apaisé, et fait montre de l'avancement constructif élaboré à travers la réflexion de son écriture. La toundra apparaît comme cet espace aéré, vaste - et l'on retrouve à de nombreuses reprises le motif de la nudité tout au long du recueil comme la condition du bonheur qui porte à l'essentiel - où le corps de l'être est porté par la nature, offert à son rythme et dans une harmonie souveraine.
Arrivée au bord nu du monde et d'elle-même, Joséphine Bacon prend le temps d'un thé très simple pour contempler ce qu'elle a vécu jusqu'ici, ce qu'il lui reste à vivre et surtout le moment et le lieu du présent. De l'accepter et d'en être pleine de gratitude.
Ta vie déviée
Les rivières s'éloignent
De leur embouchure
Tu retournes sur une terre
Qui te respectent
Tu revêts tes rêves
Les quatre directions
Tes soeurs
L'horizon te fait don
D'une terre
Sans fin du monde
*
Tu es mon rendez-vous maqué
Tu étais là, seule
Je n'ai pas su retenir le présent
Je t'ai vécue un court instant
Tes lumières là-haut me reconnaissent
Je sais que la lune pleine me guide
Je frappe dans mes mains
Tes habits verts et violets
Ta couleur lumière
Dansent pour moi
J'ai enlevé mes souliers de ville
Pieds nus
Je sais que je suis chez moi
*
Cette nuit je cherche des mots
Des mots qui sonnent musique
Des mots qui peignent couleur
Des mots qui hurlent silence
Des mots sans dimension
Cette nuit mon dos se courbe
Mes genoux fléchissent
Tu es la nudité du monde
*
Tu es rare
Tu es l'immensité
Je te connais hors du temps
Un rêve de couleurs
Me conduit au chant
De mes ancêtres
J'ai perdu mes incantations
Je t'implore de diriger mes pas
Là où tout se rassemble
*
19:15 Publié dans Challenge, Littérature amérindienne, Littérature française et francophone, Poésie, Swap | Lien permanent | Commentaires (12)
Commentaires
Quel beau recueil ! Tu en parles avec simplicité et clarté. Ton billet est aussi apaisant que cette sereine lecture. Merci Lili et douce soirée à toi :)
Écrit par : Topinambulle | 25/11/2015
Je suis heureuse que mon retour te plaise, ma Topi. Je t'embrasse tout doux!*
Écrit par : Lili | 27/11/2015
Ca me semble trop "sujet + verbe + complément" pour que je parvienne à voir au-delà hélas, mais c'est apaisant à lire, oui...
Écrit par : Charline | 26/11/2015
On en a parlé, ma douce : tu sais qu'on se rejoint fondamentalement sur notre avis ;)
Écrit par : Lili | 27/11/2015
C'est intéressant de lire ton avis après ta lecture de son premier recueil, de voir quelle a pu être son évolution et "d'où vient" cette poésie. J'ai aimé cette sérénité, je crois que j'attendrai avant Bâtons à message et le cheminement...
Écrit par : Mina | 27/11/2015
Le cheminement est vraiment tout aussi passionnant, Mina ! Je suis sûre que tu accrocheras autant qu'à la sérénité :)
Écrit par : Lili | 27/11/2015
Comme j'ai vraiment aimé Bâtons à messages, je sais ce qu'il me reste à faire... J'aime les etraits que tu cites, surtout le troisième.
Écrit par : Anne | 27/11/2015
Tu aimeras à coup sûr ce nouveau recueil alors !
Écrit par : Lili | 28/11/2015
J'aime aussi beaucoup ce recueil, je l'ai lu il y a quelques mois et repousse encore le moment d'écrire un biller à son propos. J'apprécie vraiment ton analyse de l'évolution des écrits de Joséphine Bacon. Je n'ai pas lu Bâtons à messages, mais j'ai acheté Nous sommes tous des sauvages, est-ce que tu connais ce titre ?
Écrit par : Moglug | 28/11/2015
J'en ai entendu parlé, oui, et d'ailleurs TU m'en avais parlé en commentaire de mon précédent billet sur Joséphine Bacon ^^ Mais je n'en sais pas grand chose par contre... Je ne sais même pas s'il s'agit de poésie ou de récit, pour te dire !
Écrit par : Lili | 28/11/2015
C'est de la poésie mais je ne l'ai pas encore lu. En fait, j'espérais que tu me convainques de la sortir de ma PAL ! :D
Écrit par : Moglug | 28/11/2015
Mince, c'est raté du coup ! Bien que, ne sachant pas de quoi ça parle, je ne peux malgré tout que te conseiller de retourner lire avec plaisir Joséphine Bacon :)
Écrit par : Lili | 29/11/2015
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