17/10/2016
La femme vampire de E.T.A. Hoffmann
La femme vampire de E.T.A. Hoffmann, 1821
Livre audio en ligne (ou ici en lecture numérique)
A l'époque où Hoffmann écrit cette nouvelle, les vampires n'ont pas encore la renommée que l'on sait aujourd'hui. Les grands noms de Dracula ou de Carmilla ne sont pas encore nés - ne sont pas même encore pensés dans l'esprit de leurs auteurs. Les vampires n'évoluent que depuis le milieu du siècle précédent dans les contrées allemandes et viennent tout juste de s'expatrier, depuis à peine dix ans, sur les côtes anglaises grâce à John Stagg. Bref, le vampire, cet être antédiluvien, qui a vécu mille vies en une et dont il nous semble tout connaître, n'est alors qu'un jeune vermisseau frétillant, attendant la maturité.
Tout commence ici par un jeune homme sémillant, esthète et voyageur, qui, par chance, hérite de son père. Il y gagne alors un titre de comte et une propriété cossue qu'il s'emploie à redécorer à grands frais. La noblesse, lorsqu'elle est heureusement associée ainsi à la jeunesse, à la beauté et à la richesse, ne manque pas d'attirer de nombreux visiteurs, dont une vieille tante, qu'Hypolite reçoit malgré les recommandations de feu son père. Cette femme, dit-on, s'est trouvée mêlée jadis à un scandale dont on ne sait, au fond, rien du tout. La répugnance qu'elle inspire semble surtout liée à sa figure pâle, cadavérique et sèche. La baronne est de celle dont on ne peut souffrir le regard sans faillir. Nul doute pour le lecteur qu'elle est le vampire, cette créature au bord de la tombe, terrifiant à souhait.
Pourtant, à mesure que le court texte défile, on hésite. La baronne souffre d'accès de paralysie et finit par mourir. N'était-elle donc qu'une vieille femme, après tout ? Cette mort subite n'empêche pas Hypolite et Aurélia, la fille de la baronne, de prévoir leur mariage. Aurélia apparaît comme l'exacte contraire de la baronne : à la beauté douce et naturelle, elle a le pouvoir de subjuguer Hypolite malgré ses sauts d'humeur impromptus. La mort de sa mère est l'occasion de confier toute la haine et le dégoût qu'elle nourrissait pour elle. A dire vrai, on ne sait plus qui est qui : la mère était-elle ignoble ou tentait-elle de survivre ? Aurélia était-elle maltraitée ou manipule-t-elle son entourage grâce à ses beaux yeux clairs ?
Dans ce texte des premiers temps du vampirisme, tout est terriblement flou et pourtant terriblement là : la femme vampire se révèle tantôt sous les atours de l'ignominie la plus totale, du cadavre terrifiant, tantôt sous la beauté diabolique d'une jeune fille innocente, fragile, que l'on brûle d'aimer. La mère et la fille sont les deux facettes du même être, la représentation bicéphale de la dualité vampirique : instrument de terreur et de fascination ; la mort et la passion à la fois, qui nous repousse et nous attire.
En outre, texte parfaitement fantastique, il ne saurait être question de trancher tout à fait comme le fera Bram Stoker presque quatre-vingts ans plus tard, chez qui l'hésitation ne dure qu'un temps : ici, jusqu'au bout, le lecteur se demandera s'il était vraiment question d'une femme vampire. Si, vraiment, ce groupe de femmes improbables se réunissait à la faveur de la nuit sous la lune du cimetière pour se repaître de chair humaine et de sang ou si le comte Hypolite était déjà fou...
Challenge Halloween 2016 chez Lou et Hilde
Promenade au cimetière
06:45 Publié dans Challenge, Classiques, Fantastique/Horreur, Littérature germanique, Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : vampire, cimetière, halloween, nouvelle, hoffmann, fantastique
Commentaires
J'ai lu Carmilla, je suis en train de lire Dracula mais je réalise qu'il m'en manque encore pour comprendre les débuts de la "littérature vampirique" car c'est un titre que je ne connaissais absolument pas. Je suis certaine que ce flou me plairait. Merci pour la découverte !
Écrit par : Marguerite | 18/10/2016
J'avoue l'avoir découvert totalement par hasard !
Je crois qu'il nous manquera toujours des textes pour prétendre avoir lu toute l'histoire de la littérature vampirique et c'est ça qui est chouette : on a encore plein de vampires à découvrir !!
Écrit par : Lili | 19/10/2016
Tes trouvailles me font toujours rire ! Le vampire comme jeune vermisseau frétillant en est une ;)
Écrit par : ellettres | 18/10/2016
Héhé, je suis décidément toujours ravie de t'amuser, copinette !
Écrit par : Lili | 19/10/2016
Il faudrait visiblement que je la lise!! :)
Écrit par : Alys | 22/10/2016
Si tu aimes l'histoire de la littérature vampirique, c'est certain !!
Écrit par : Lili | 22/10/2016
Merci pour le lien ! Je ne connaissais pas cette nouvelle elle n'était aps dans les contes d'Hoffmann que j'avais étudiés à la fac...
Écrit par : maggie | 23/10/2016
Pareil : Je ne l'ai jamais trouvée dans les recueils de contes fantastiques de l'auteur... Je ne sais pas pourquoi...
Écrit par : Lili | 23/10/2016
j'adore cet auteur qui a su me happer avec L'Homme au sable
Écrit par : nath | 30/10/2016
Je n'ai lu aucun autre texte d'Hoffmann jusqu'ici mais je note évidemment L'Homme au sable du coup !
Écrit par : Lili | 30/10/2016
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