25/11/2016
Paris est une fête d'Ernest Hemingway
Paris est une fête d'Ernest Hemingway, Folio, 2015 [1964], 345p.
Comme beaucoup, je suppose, j'ai découvert l'existence de ce livre d'Hemingway à la suite des attentats de Paris l'an dernier. Comme beaucoup, évidemment, j'ai voulu le lire dans la foulée (Eliza avait même organisé une LC pour le 13 décembre) et me suis retrouvée le bec dans l'eau, rupture de stock oblige (la dure vie d'être un mouton, à l'occasion). Il n'a rejoint ma PAL que plusieurs semaines plus tard, attendant depuis le bon moment pour moi de plonger dans ce Paris révolu, palpitant - à l'image du Midnight in Paris de Woody Allen - et quoi de mieux qu'un voyage dans les mêmes quartiers de cette merveilleuse capitale pour en savourer les délices doublement ?
D'autant que Paris est une fête n'a rien d'un copieux roman qu'il faudrait suivre religieusement de chapitre en chapitre. Il se rapproche plutôt d'une idée du voyage - ce qui pourrait en être le pendant littéraire. Pas vraiment carnet de voyage : tel que je me le représente, ce genre littéraire là, bien particulier, se caractérise par une écriture sur le vif du paysage et de ses découvertes. Paris est une fête est un voyage tout court, dans l'espace du Paris de la génération perdue, post-première guerre mondiale - peuplade d'artistes de tous poils ultra motivés, travailleurs assidus et passionnés, décadents aussi, avinés souvent - et dans le temps d'un écrivain qui se remémore longtemps après avoir vécu. Hemingway écrit ces vignettes plusieurs dizaines d'années après avoir quitté cette ville et cette vie. De nombreux comparses de cafés sont morts. Hemingway retourne en arrière avec un brin de nostalgie, point trop n'en faut, une lucidité très acérée, sans fioriture. En somme, ouvrir ce livre, c'est un peu mettre les pieds dans le Tardis.
Il nous semble croiser des figures toujours connues parce que toujours présentes sur les étagères des bibliothèques - et voici qu'elles prennent vie, respirent, boivent, s'ennuient ou se questionnent. Francis Scott Fitzgerald détient indéniablement la palme de l'écrivain ahurissant, totalement alcoolique, en dehors des réalités. A se demander quels neurones encore en état de fonctionnement lui permettaient d'écrire. Il y a quelque chose d'étrange à pénétrer dans cet univers à la fois inconnu et toujours savouré par les mots de ces œuvres passées.
Et puis, ce à quoi je ne m'attendais pas : on découvre un art poétique brut, simple comme une gifle - qui ne conviendra pas à tous mais qui frappe par son effort vigoureux d'atteindre la nudité de la vie. L'auteur vieillissant ne peut s'empêcher de glisser les conseils de la maturité entre les tâtonnements de sa jeunesse passée - ô combien éclairés, évidemment, et presque émouvants aussi. Je ne sais si c'est la coïncidence de mon propre voyage à Paris au moment de la lecture qui a fait de mon cœur une guimauve à la violette mais je me suis particulièrement fondue dans ce voyage.
Quelques ultimes conseils, toutefois : surtout, ne pas tout lire d'affilée, ne pas s'y astreindre au risque de se dégoûter d'une certaine redondance des faits et des visages. Prendre une vignette comme une balade, et puis laisser la suivante attendre son tour. Mettre du temps, donc, à tout lire, et s'en réjouir : Paris est toujours une fête.
"Ne t'en fais pas. Tu as toujours écrit jusqu'à présent, et tu continueras. Ce qu'il faut, c'est écrire une seule phrase vraie. Écris la phrase la plus vraie que tu connaisses." Ainsi, finalement, j'écrivais une phrase vraie et continuais à partir de là. p. 51
18:00 Publié dans Ecriture de soi, Littérature anglophone | Lien permanent | Commentaires (18)
Commentaires
Il est dans ma PAL, merci pour le conseil de prendre son temps.
Écrit par : Anne | 25/11/2016
Je crois que c'est la clé pour ne pas se lasser ou s'essouffler :)
Écrit par : Lili | 27/11/2016
Salut ! Je te nomme au "Liebster award", si tu ne sais pas que c'est, viens faire un tour sur mon article où tout y est expliqué : https://laboitealecture.wordpress.com/2016/11/25/ma-nomination-au-liebster-award/
Bon challenge, des bisous.
Écrit par : Sarah B | 25/11/2016
Merci Sarah B. :)
Écrit par : Lili | 27/11/2016
Avant même qu'il ne devienne un symbole, j'avais ce livre dans ma PAL et je ne sais aps quand je vais le sortir...
Écrit par : maggie | 26/11/2016
Lors d'une ballade à Paris ? ;)
Écrit par : Lili | 27/11/2016
Hé mais tu me donnes envie de le lire :)
Écrit par : Alys | 27/11/2016
Hé, ça me fait bien plaisir !
Écrit par : Lili | 27/11/2016
Par manque de temps je ne vais plus trop sur les blogs (le mien compris), mais c'est tellement rafraîchissant de lire un de tes billets de temps en temps ! Surtout celui-là. Hemingway est un grand, voire un mégalo mytho, mais un vrai écrivain aussi ;)
Écrit par : ellettres | 29/11/2016
Je suis ravie de faire partie de tes détours bloguesques ! Tu me manquais, d'ailleurs ! Je passe toujours voir régulièrement ton blog, pour voir si tu refais une apparition !
Pour ce qui est d'Hemingway, je le connais assez peu... J'ai lu "Le soleil se lève aussi" il y a longtemps et n'en ai gardé que peu de souvenirs... Il faudrait que je le découvre plus amplement maintenant !
Écrit par : Lili | 30/11/2016
j'ai l'impression de le connaître dans l'avoir lu ce livre...
Écrit par : Violette | 30/11/2016
Il a été tellement médiatisé ! Cela dit, que ça ne te dégoûte pas de l'essayer un jour, il est chouette, médiatisation ou pas !
Écrit par : Lili | 30/11/2016
C'est fait : article publié aujourd'hui !
Écrit par : ellettres | 01/12/2016
Ahhh, je vais voir !
Écrit par : Lili | 02/12/2016
Je dois avoir ce livre quelque part depuis des années mais il me tente moyennement. Je crois qu'il est assez à part dans la bibliographie d'Hemingway et qu'il est loin de faire l'unanimité. Le portrait de Fitzgerald notamment tient surtout du règlement de compte je crois.
Écrit par : Lilly | 07/12/2016
D'après la préface, il est expliqué que cette histoire de "règlement de compte" serait bien plus la conséquence d'un choix de l'éditeur et d'une largesse de traduction dans les premières éditions que la conséquence des mots originaux d'Hemingway. Quelques exemples sont ainsi donnés, sans qu'on sache pour autant pourquoi ce choix éditorial a pu être fait, à l'origine. En lisant les chapitres consacrés à Fitzgerald, qui rétablissent une traduction plus fidèle, je n'ai pas vraiment ressenti de charge ou d'animosité particulière contre lui.
Par contre, c'est certain, ce livre semble à part dans l'oeuvre d'Hemingway et s'il est passionnant dans ce qu'il restitue, il ne se dévore pas. Je dirais même qu'il ne doit pas se dévorer, au risque de lasser immédiatement.
Écrit par : Lili | 07/12/2016
Si j'avais lu ta chronique avant de lire le livre j'aurai écouté ton conseil de ne pas le lire d'une traite, parce que le début est joli même si je n'ai pas accroché au style, j'ai été lassée avant la fin malheureusement et c'est devenu un calvaire que de le terminer. C'est dommage parce que tu en parles si bien, je regrette de ne pas voir ce livre de ton point de vu à toi !
Écrit par : Ambroisie | 20/01/2017
Il faut dire que j'y suis allée à mon rythme, avant que ça devienne un calvaire. Je sentais que sur la longueur, d'une seule traite, ce serait dur. Je me suis adaptée ;)
Écrit par : Lili | 28/01/2017
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