02/01/2017
Rendez-vous poétique avec Michèle Finck et Masao Yamamoto
Michèle Finck ne fait pas de cadeau avec Balbuciendo : l'être se retrouve entre la vie et la mort ; à cette croisée de chemins où il faut encore vivre quand la perte creuse un gouffre indicible ; où écrire encore cet indicible est peut-être ce qui sauve le mieux. Ainsi, la poésie de la perte - ici, du père - devient la poésie de l'entre-deux ; devient art poétique pour dire la nécessité de l'écrit, sa presque impossibilité et donc sa fulgurance, ses tâtonnements, ses balbutiements. Le miracle de son écorchure, la lumière de sa béance.
Poème : crier
Seule pieds nus sur
La lame de l'adieu. (p. 18)
C'est ainsi que nous sommes, sur le pic abrupt d'entre deux années : on laisse mourir et dans ce vide s'immisce la perspective renouvelée du vivre.
J'ai longtemps laissé de côté Michèle Finck dans la perspective d'un rendez-vous poétique, ne sachant avec quel artiste faire dialoguer cette poésie sur le fil du rasoir. Et puis, voici qu'en ce tout début d'année où l'expression de l'entre-deux est parfaitement de mise, je découvre le photographe Masao Yamamoto, attaché à ces "petites choses" qu'il conçoit comme "les empreintes de [s]es pas, aussi chaotiques et inconsistants qu'[elle]s puissent être". Celui qui ne donne jamais ni titre ni date à ses photographies, pour mieux savourer une impermanence devenue immuable, a notamment créé une série intitulé Nakazora. Ce concept bouddhiste est celui de l'entre-deux : entre la terre et le ciel, si on le traduit littéralement, perpétuellement sur le fil du rasoir aussi, donc, bien que d'une manière beaucoup moins écorchée, plus évanescente. La photographie de Yamamoto délivre ses tâtonnements, ses pas comme des tentatives de réponses à ce que l'on perçoit avec une telle douceur "qu'ils paraissent des illusions".
Entre la plaie devenue lumière et l'infime douceur des petites choses, puisse 2017 être placé sous des auspices aussi poétiques et faire art l'incertitude de l'avenir !
ScriptoriumL'écriture : tour, terre, terrier, trou.
A-pic du cri dans l'oeil de la gorge.
Les mots titubent atterrés de mémoire.
Les souvenirs brûlent le vagin du visage.
Une étoile anonyme essuie les larmes.
Les onomatopées de l'os tournoient.
Poème : scansion du noir, balbuciendo. (p. 63)
Poème : peau d'âme
Morceau de lave arraché
Au cri de quel Vésuve ? (p.68)
Poème :
Fil de funambule tendu entre pierre tombale
Et perce-neige. (p. 72)
Balbuciendo de Michèle Finck, Arfuyen, 2012, 83p.
Small Things in Silence de Masao Yamamoto, RM Editorial, 2014, 144p.
11:35 Publié dans Art, Littérature française et francophone, Poésie | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
J'aime toujours autant tes dialogues entre poèmes et iconographie ! Ici c'est particulièrement réussi. Tu arrives à traduire ton ressenti d'un art qui dit souvent l'indicible (donc a fortiori difficile à commenter), la poésie, avec le renfort des images, les deux s'illuminent et se renforcent, créent un nouveau langage. Tu pourrais travailler dans l'édition ;)
Écrit par : ellettres | 19/01/2017
Ahhh si tu savais : c'était ma première envie professionnelle... Mais personne n'a voulu de moi !
Écrit par : Lili | 03/02/2017
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